De : Mimi Cave
Avec Daisy Edgar-Jones, Sebastian Stan, Jojo T. Gibbs, Charlotte Le Bon
Année : 2022
Pays : Etats-Unis
Genre : Thriller
Résumé :
Noa fait la connaissance de Steve dans une épicerie. Refroidie par les applications de rencontres, elle accepte sur un coup de tête de lui donner son numéro. Après un premier rendez-vous, elle tombe sous le charme de cet homme très séduisant et accepte de partir avec lui en amoureux le temps d’un week-end. Elle va vite découvrir que son nouvel amant a un appétit insatiable… et peu commun !
Avis :
Pour le commun des mortels, la plateforme de streaming Disney+ n’est réservée qu’aux enfants ou à la famille. Pour autant, depuis le rajout de l’extension Star, on retrouve un peu de tout, aussi bien de l’horreur que du drame intimiste et larmoyant. L’intérêt principal de cette extension est finalement de s’ouvrir à un public plus large et de proposer rapidement des productions qui proviennent de la chaîne Hulu. Ainsi donc, on a pu voir la sulfureuse série Pam & Tommy, où le sexe prédomine, avec déjà Sebastian Stan. Aujourd’hui, on va s’intéresser de près à Fresh, un film hybride, toujours avec Sebastian Stan. Hybride car le film mélange les genres sans complexe et le résultat est un métrage fou et parfois excessive, mais qui a beaucoup de choses à raconter. Et c’est très étonnant de voir un tel projet sur une plateforme estampillée Disney.
Romcom ?
Le démarrage du film est assez déroutant. On va y suivre Noa, une jeune femme un peu désabusée, qui cherche malgré tout l’amour dans les applications de rencontre. Elle va donc au restaurant avec un type qui a tous les atours du goujat. Plongeant à corps perdu dans la comédie, on va avoir droit à des moments ubuesques avec cet homme ignoble, qui va finir par insulter la jeune femme qui lui refuse ses avances. Par la suite, le film va nous présenter Noa, sa vie de tous les jours, sa meilleure amie et son manque d’amour. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Steve dans une supérette. Le lien passe immédiatement et Noa va tomber dans les bras de ce bel homme qui dit être un chirurgien plastique. Loin des applications de rencontre, Noa file la parfaite idylle et pense être tombée sur l’être rare.
Le début du film, qui dure une bonne demi-heure, s’amuse avec les codes de la comédie romantique. Que ce soit dans la mise en scène ou dans la construction narrative, on nage en plein roman à l’eau de rose, avec une jeune fille qui semblait désabusée par l’amour et qui tombe finalement dans les bras d’un bel éphèbe qui semble ne pas avoir de défaut. Pour autant, on sent que quelque chose ne tourne pas rond chez ce type. Il est trop parfait. On a la sensation qu’il cache un truc malsain en lui, notamment parce que son passé est trouble et que le script fait volontairement impasse sur sa vie privée. Et le film ne va pas attendre longtemps avant de basculer dans le thriller sordide. Une fois Noa droguée, on a droit au générique du film (après une demi-heure) et on va changer de tonalité.
Thriller horrifique ?
C’est d’ailleurs le principal atout du film que de jouer avec les tonalités et de rompre brutalement certaines directions pour en offrir d’autres. Ainsi, on se surprendra à être dégoûté, mais aussi à être amusé par certains choix et le film ne laisse pas indifférent. Quand il rentre dans sa partie horrifique, on sent que la réalisatrice a de nombreuses idées et veut faire de nombreuses références. Difficile, par exemple, de ne pas penser à American Psycho lorsque Sebastian Stan découpe de la viande fraîche sur un musique Soul. On notera aussi un radical changement d’ambiance avec des couleurs plus tranchées, allant du rouge vif au rose pâle, rappelant sans cesse la chair humaine. Les plans proches du corps sont aussi nombreux, notamment lorsque Noa décide de jouer le jeu du médecin en goûtant à cette viande humaine. Il se dégage une vraie envie de cinéma et de métaphores.
Quand la réalisatrice n’aborde pas le sort de Noa et sa relation ambiguë avec Steve, elle va aller du côté de la meilleure amie qui s’inquiète. Cette dernière va mener une enquête en utilisant les réseaux sociaux et elle va découvrir des choses qu’elle n’aurait pas dû. Encore une fois, le changement de ton est radical, avec des couleurs grises qui démontrent deux choses, le côté mécanique de cette enquête, mais aussi le caractère dépressif de la femme de Steve, qui joue un rôle essentiel dans le trafic de viande humaine. Pour un premier film, c’est très enthousiasmant de voir une femme qui n’hésite pas à trancher son film avec des couleurs franches et des ruptures de tons qui surprennent, mais qui ont du sens. Et même quand on tombe dans de l’humour ça reste à la fois drôle et intéressant dans ce que ça raconte.
Féministe ?
Outre ses aspects techniques inspirés et inspirants, Fresh a aussi du fond. Alors certes, ce n’est pas très fin, mais ce n’est pas non plus le désir de la réalisatrice, qui assume pleinement le côté féministe de son film. Ici, le commerce de la viande fait écho à la marchandisation des corps des femmes, à travers le porno, mais aussi à travers le regard des hommes. Il n’est pas étonnant que le tueur commence par couper les fesses de sa victime, ou que ce ne soit que des hommes qui mangent de la chair féminine. Le film adopte le point de vue de la femme, jusqu’à son combat final, où elle ne laisse aucune concession et affirme que l’union fait la force, et que les femmes doivent se battre ensemble pour gagner. Un point de vue fort intelligent, qui donne tout son intérêt au film.
Au final, Fresh est un film déroutant. Sorte de Get Out avec des bouts d’Assassination Nation et de Santa Clarita Diet, on reste accroché aux images de Mimi Cave de par l’intérêt qu’elles suscitent. Non seulement la réalisatrice parvient à créer des ambiances très différentes en fonction de ce qu’elle veut raconter, mais ce sont ces ruptures de tons qui vont tout le sel du film, évoquant ses sujets aussi bien par la trame narrative que par les images et les choix de couleurs. Si Fresh est un film clivant et peut laisser des spectateurs sur le carreau, il n’en demeure pas moins que la prestation est couillue, osée, et malgré quelques petites imperfections (quelques longueurs), on reste curieux de voir la suite de la carrière de Mimi Cave.
Note : 15/20
Par AqME
Une réflexion sur « Fresh – Exciting! »