mars 29, 2024

Assassination Nation

De : Sam Levinson

Avec Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef, Abra

Année: 2018

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller, Drame

Résumé :

Lily et ses trois meilleures amies, en terminale au lycée, évoluent dans un univers de selfies, d’emojis, de snapchats et de sextos. Mais lorsque Salem, la petite ville où elles vivent, se retrouve victime d’un piratage massif de données personnelles et que la vie privée de la moitié des habitants est faite publique, la communauté sombre dans le chaos. Lily est accusée d’être à l’origine du piratage et prise pour cible. Elle doit alors faire front avec ses camarades afin de survivre à une nuit sanglante et interminable.

Avis :

Qui aurait pu prédire que Sam Levinson allait avoir le vent en poupe à la fin 2019 et au début des années 2020 avec la série Euphoria ? Il faut dire que le scénariste et réalisateur américain n’avait pas commencé par le meilleur des choix en jouant devant la caméra du pire des cinéastes du monde, à savoir Uwe Boll. Car oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais le jeune homme commence sa carrière dans Stoic en tant qu’acteur, avant de se diriger par la suite vers la réalisation en 2012 avec une première comédie, Another Happy Day. Il mettra alors du temps à revenir sur le devant de la scène, écrivant un scénario pour Barry Levinson avec Wizard of Lies, puis s’attardant alors sur un nouveau projet, Assassination Nation et son quartet de filles dans le vent qui vont s’attirer les foudres d’une populace aveugle et haineuse. Ayant fait grand bruit lors de sa sortie, partagé entre des huées d’un côté pour son féminisme frontal et acclamé de l’autre pour une réalisation osée, Assassination Nation ne laisse indifférent et puise des références dans de nombreux styles et autres péloches de cinéma. Mais dans les faits, le film mérite-t-il une telle aura ?

L’histoire du film est assez intéressante dans son fond. Une petite ville au fin fond des Etats-Unis va être chamboulée par la présence d’un hacker qui va diffuser les images du téléphone du maire de la ville, sur lesquelles on le voit en tenue féminine ou dans des positions ridicules et lascives. Il met fin à ses jours devant une salle comble de journalistes et d’habitants. Le lendemain, c’est le téléphone du directeur du lycée qui est mis à jour, et il est accusé de pédophilie car à l’intérieur de celui-ci, il y a une photo de sa fille de six ans qui prend son bain. Semblant ne plus s’arrêter, le hacker pirate alors tous les téléphones des habitants, et Lily est alors accusée d’être le hacker en question. Une chasse aux sorcières est mise en place. Sur ce postulat de base, le film de Sam Levinson est très intéressant car il s’attaque à des sujets actuels qui peuvent faire froid dans le dos. En premier lieu, c’est l’absence de vie privée, la diffusion de photos compromettantes qui va permettre de mettre en exergue le danger que représentent les réseaux sociaux et le partage de données. Certaines personnes correctes vont alors être jugées par la populace, alors même qu’il n’y a pas de quoi en faire tout une histoire. Et cette dangerosité de ne plus avoir de vie privée va alors amener le peuple à se faire juge et à devenir une sorte de horde sauvage, voulant faire payer à tout prix ceux qui ont perturbé l’ordre public.

Bien évidemment, les révélations de certaines photos, de certains messages vont permettre de mettre en avant d’autres thèmes, comme la sexualité des adolescents, la différence d’âge, la façon de percevoir la nudité, les jugements hâtifs sur l’apparence, ou encore, bien sûr, le féminisme. Et si certaines choses sont parfaitement bien abordées, comme le fait que la nudité n’est pas forcément pornographique et que c’est simplement l’image que l’on s’en fait qui rend cela porno (le coup de la fillette de six dans le portable de son père en est un très bon exemple), d’autres thèmes sont très grossiers, et en particulier celui sur le féminisme. Alors ce n’est pas que le sujet soit mal traité, puisque l’on va voir à travers différentes situations que les filles sont constamment sujettes à des brimades ou des rabaissements, que ce soit sur ce qu’elles pensent ou sur ce qu’elles portent, mais c’est sur la façon de mettre en avant ce féminisme exacerbée. Dans Assassination Nation, tous les hommes semblent être des connards, que ce soit le père de famille qui contredit constamment sa fille et qui laisse la mère mettre sa fille dehors, que ce soit les joueurs de l’équipe de football américain, complètement sous stéroïdes et d’une débilité sans faille. Et ceux qui font le procès des jeunes filles, seront bien évidemment ces hommes, complètement fanatiques par un phénomène de groupe émulant. Bref, c’est maladroit et le discours final prête à sourire, car il veut s’appliquer uniquement à la gente féminine, mais il pourrait totalement s’appliquer à n’importe qui.

D’un point de vue stylistique, la mise en scène de Sam Levinson est très inspirée. Il pioche dans divers styles, allant du film pour adolescent un peu arty au cinéma d’horreur avec quelques plans gores et arrive à manier de façon assez ingénieuse sa caméra. La danse de Bella Thorne juste avant qu’elle ne se fasse défoncer le crâne est un modèle du genre. Les saturations de couleurs sont aussi bien trouvées et prouvent que le réalisateur veut faire un film marquant, avec des images iconiques qui restent en tête. Il en va de même pour la partie Home Invasion, bien gérée et qui va ramener Assassination Nation à une sorte de American Nightmare sous acide. Malheureusement, le final ne tient pas vraiment la route et frôle parfois le ridicule, le jeune cinéaste n’arrivant pas à manier les changements de ton de son métrage. Et on sent parfois un peu trop les références, comme le nom de la ville, Salem, connue pour son procès de sorcières qui tua vingt femmes, ou encore des éléments qui peuvent évoquer Nicolas Winfing Refn, le cinéma asiatique ou bien, par moments, trop rares, John Carpenter.

Enfin, le dernier point, et pas des moindres, concernant les points faibles du film, c’est l’empathie. On le dit assez souvent, mais si on veut rentrer dans un film, il faut ressentir de l’émotion pour les personnages, et ce n’est clairement pas le cas ici. Le quatuor de filles se révèle être assez pénible. On prône le féminisme, la liberté d’être, quitte à jouer les chaudasses pour se taper le mec que l’on veut, et puis on ne supporte pas être jugé par la gente masculine. Il n’y a pas de distance de prise entre les jeunes filles et leurs réflexions sur un monde qu’elles pensent appréhender. Dès lors, difficile de ressentir quoi que ce soit pour elles, d’autant plus que deux sont plus mises en avant que les autres. Lily (Odessa Young) qui joue avec son corps pour séduire un homme marié avec un enfant, et Bex (Hari Nef), une personnalité transgenre qui a une histoire avec un garçon, mais celui-ci ne l’assume pas, sont les deux protagonistes les plus mis en avant et il y a un réel déséquilibre avec les deux autres qui n’ont rien à raconter et pour lesquels on ne ressentira rien. Tout cela manque d’implication, d’écriture, pour appuyer de façon plus juste un propos important mais qui ne prend quasiment jamais.

Au final, Assassination Nation n’est pas un mauvais film, il est même perclus de bonnes intentions et d’une mise en scène intéressante qui démontre les qualités de son metteur en scène. Cependant, certains thèmes sont grossièrement amenés et manquent de finesse pour avoir plus de poids, alors qu’ils semblent essentiels dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. De ce fait, on se retrouve avec un film qui a du mal à se positionner et qui brasse beaucoup de vent pour peu d’impact et c’est dommage. Reste cependant un dernier plan glaçant où l’on se rend compte que la jeune génération peut détruire des vies pour de simples vues sur internet et ne pas se rendre compte des dégâts faits autour. Un éclat de lucidité salvateur et qui montre que le film aurait pu être tellement mieux.

Note : 11/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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