avril 25, 2024

Gatsby le Magnifique

Titre Original : The Great Gatsby

De : Baz Luhrmann

Avec Leonardo DiCaprio, Tobey Maguire, Carey Mulligan, Joel Edgerton

Année: 2013

Pays: Etats-Unis, Australie

Genre: Drame, Romance

Résumé:

Printemps 1922. L’époque est propice au relâchement des mœurs, à l’essor du jazz et à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d’un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s’étourdit en fêtes mondaines, et de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C’est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d’absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats.

Avis:

Sorti en 1925 sous la plume de F. Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique est soi-disant le deuxième meilleur roman de la langue anglaise du XXème siècle, selon la Modern Library, derrière Ulysse de James Joyce. Bien entendu, qui dit grand succès littéraire, dit adaptation au cinéma et il ne faudra pas attendre bien longtemps puisque dès 1926, une première œuvre voit le jour sous l’œil de Herbert Brenon. En 1949, une nouvelle adaptation voit le jour sous le titre Le Prix du Silence, avec pour réalisateur Elliott Nugent. Mais la version la plus connue reste celle de Jack Clayton datant de 1974 avec Robert Redford dans le rôle-titre. Au cours des années 2010, et même si le phénomène n’est pas nouveau, les remakes vont bon train et il n’en fallait pas plus pour qu’une nouvelle version de Gatsby le Magnifique voit le jour, cette fois-ci sous la houlette de Baz Luhrmann et avec Leonardo DiCaprio dans le premier rôle. On le sait, le réalisateur australien a une patte particulière et on peut ne pas adhérer à son délire de créer des anachronismes à chacun de ses métrages. Et si cela peut passer pour un Roméo + Juliette par exemple, ça le fait beaucoup moins pour un Gatsby. On vous explique pourquoi.

Il n’est point besoin de revenir sur le scénario. Gatsby est un homme riche, épris d’une femme qui est la cousine de son voisin et il va tout faire pour la faire divorcer et la reconquérir. Le mystère autour de la fortune de Gatsby fait jaser et les fêtes qu’il donne sont sujets à maintes discussions. Ici, Baz Luhrmann reste sur quelque chose de très simple d’un point de vue global, un triangle amoureux qui tourne mal, un homme riche mais cachant bien des secrets et un drame qui va mal se terminer, bien entendu. La base même des écrits de F. Scott Fitzgerald est respectée et on trouvera bien évidemment les critiques acerbes sur un monde riche en total décalage avec le prolétariat, qui se fait écraser par des villas luxueuses, des hommes et des femmes en dehors des réalités, qui arrivent à corrompre le chef de la police avec quelques pots de vin. Il n’y a rien à vraiment redire sur l’histoire même du film, même si étirer 217 pages en 2h22 de film peut paraître abusif, le film souffrant d’un ventre vide, de moments d’errances où le spectateur suit, apathique, des personnages faire des mystères pour pas grand-chose au final. Bref, Gatsby le Magnifique reste une histoire d’amour torturée, gâchée, au milieu d’un monde superficiel qui oublie vite ses mécènes.

Et en ce sens, difficile de ne pas souffrir sur la dernière scène, cet enterrement sans personne, qui démontre bien que l’on peut être riche, faire des fêtes tous les soirs, les gens ne sont qu’intéressés et les ragots peuvent détruire une vie entière. Cependant, si le film garde un scénario déjà tout fait, c’est clairement la mise en scène de Baz Luhrmann qui va poser problème. En voulant faire éclater la décadence des années folles, le réalisateur australien se lâche complètement et se veut grandiloquent. Décors baroques, maisons gigantesques, photographie lumineuse, shows de danse un peu partout, le metteur en scène met le paquet, allant même jusqu’à superposer plusieurs plans pour décupler l’effet étouffant de ces fêtes pailletées et bruyantes. Si cela peut avoir une certaine résonance avec le côté superficiel du sujet, on reste asphyxié par tant de choses, par tant d’informations qui se déroulent sous nos yeux. De plus, et c’est peut-être là que réside le point faible du film, c’est que tout semble factice, tout est creux, tout est… moche. Les effets visuels, notamment dans les courses-poursuites en voiture, les changements de décors entre New York et les quartiers riches, tout respire le numérique et le fond vert et c’est très dérangeant car c’est mal fait. D’un côté, on peut se dire que le réalisateur a fait exprès, afin de mettre en exergue le vide absolu qui anime les personnages, mais d’un autre, on n’arrive pas à donner du crédit à un univers qui ne semble pas exister.

On le sait, Baz Luhrmann est un adepte des anachronismes, notamment dans les musiques qu’il emploie. Si cela peut fonctionner dans un Roméo + Juliette, c’est tout simplement parce que l’intrigue même du film est transposée dans une temporalité moderne, et en ce sens, il peut changer les musiques, en fait quelque chose de plus contemporain. Avec Gatsby, ça ne passe pas du tout. On reste dans les années folles, en 1920, on a tout un décor grandiloquent qui fait penser à ces années-là, et d’un coup, on se retrouve avec des morceaux de rap, des relectures hip-hop de certains classiques, avec des danses qui restent ancrées dans leur époque. Le décalage est tout simplement dégueulasse. Si on n’a rien contre Jay-Z, son travail de sape sur la musique, ainsi que sur la production, nous fait sortir immédiatement du délire. Il y a quelque chose de faux qui ressort de ce film, qui ne fonctionne pas. Et puis on peut aussi avoir du mal à comprendre le fait de ralentir des chansons déjà molles, rendant l’ensemble très chiant. A la rigueur, seule Lana Del Rey tire son épingle du jeu.  Cette musique se retrouve aussi dans des stéréotypes dépassés. Le ralenti, inutile, sur la voiture de blacks qui font la fête sur du bon gros rap, ça ne sert à rien. Ni à l’intrigue, ni à l’ambiance, si ce n’est une volonté de faire dans le putassier et de taper du coude pour faire croire que l’on fait quelque chose d’un peu subversif.

Enfin, il reste les personnages du film, et notamment le quatuor qui compose l’essentiel de l’intrigue. Déjà, les protagonistes sont relativement insupportables. Outre leurs vices cachés et leur mode de vie totalement vide, il est difficile de ressentir de l’empathie pour eux. Gatsby, malgré son secret et son lourd passif, reste un millionnaire décadent qui n’a pas de limites. Nick, le voisin qui arrange tout le monde, est totalement effacé et s’avère presque plus niais que la moyenne. Quant aux Buchanan, ils sont superficiels et même pénibles, démontrant toute la vacuité du film. C’est assez douloureux de dire cela car les interprètes sont vraiment excellents. Leonardo DiCpario est impérial comme à chaque fois et il croit dur comme fer à son rôle. Tobey Maguire semble s’amuser comme un petit fou et Joel Edgerton est tout simplement parfait en gros macho sportif qui ne se fait pas marcher sur les pieds. Reste Carey Mulligan, qui est effacée comme à chacun de ses rôles et qui ne propose rien de plus qu’une midinette succombant au charme d’un beau millionnaire. Elle est aussi charismatique qu’un morse. Et je ne parle pas des personnages secondaires, pas forcément intéressants, comme Jason Clarke ou encore Isla Fisher.

Au final, Gatsby le Magnifique version Baz Luhrmann a été une grosse torture, aussi bien pour mes yeux que pour mes oreilles. En voulant garder le contexte historique tout en approvisionnant son film d’images et de musiques modernes, le réalisateur australien joue au plus malin avec le spectateur mais fournit un film vide, creux, certainement à l’image de ses personnages, mais surtout sans tenter une relecture plus moderne hormis visuellement. Finalement, on nage en eaux troubles dans un film qui se veut percutant et novateur d’un point de vue visuel, mais qui manque de profondeur et de personnages attachants pour pleinement convaincre. Bref, c’est clinquant, c’est tape à l’œil, mais ça cache surtout une misère dans l’écriture et prise de risque minime flirtant constamment avec le mauvais goût.

Note: 06/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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