avril 24, 2024

L’Évènement

De : Audrey Diwan

Avec Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luàna Bajrami, Louise Orry-Diquéro

Année : 2021

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi. Les examens approchent, son ventre s’arrondit.

Avis :

Écrivaine et journaliste, Audrey Diwan a commencé sa carrière de cinéaste assez tard. Si elle écrit des scénarios depuis un peu plus d’une dizaine d’années (elle a notamment travaillé sur les scénarios des films de Cédric Jimenez), elle réalise son premier film, le très beau « Mais vous êtes fous » en 2019. Un premier film tout en émotion et en noirceur qui pour ma part a piqué d’emblée ma curiosité pour tout autre film, s‘il y en avait un venant de la part de la jeune cinéaste de trente-neuf ans à l’époque.

Auréolé d’un Lion d’Or à la Mostra de Venise en Septembre dernier, on peut dire que le deuxième film d’Audrey Diwan a fait couler pas mal d’encre avant même sa sortie en salle et lorsque l’on voit le résultat, on se dit que c’est bien mérité. Encore une fois, la cinéaste se lance dans un drame dur, voire même éprouvant, sombre et tout en émotion. Plaçant sa caméra au début des années 60, avec « L’événement« , Audrey Diwan a décidé d’aborder un sujet difficile, l’avortement à cette époque-là. Actuel et essentiel, « L’événement » se pose comme une piqûre de rappel, au moment où le droit à l’avortement est remis en cause dans plusieurs pays, même au sein de l’Europe. D’ailleurs, il reste encore quelques pays dans l’union qui l’interdisent.

Angoulême, Anne est une étudiante prometteuse qui a un possiblement un bel avenir devant elle. Or, en plein milieu d’année, la jeune femme découvre qu’elle est enceinte. L’avortement est alors interdit et puni de prison, mais Anne veut pouvoir disposer de son corps et surtout poursuivre ses études. Anne ne veut pas garder l’enfant, mais comment faire ? Vers qui se tourner ? Et à qui faire confiance ? Une « course » contre la montre commence alors.

17 Janvier 1975, c’est la date de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse. Une loi qui est plus communément appelée la loi Veil. Avant cette loi, on estime à environ cinq cent mille avortements clandestins par an. Des avortements qui se passaient pour beaucoup dans des conditions déplorables.

Le sujet est en or, d’autant plus qu’aujourd’hui, dans plusieurs pays et états, le droit à l’avortement est remis en cause et quelques-uns voudraient l’abolir. Pour son deuxième film, Audrey Diwan a donc décidé de parler de l’avortement lorsque ce dernier était une pratique interdite et autant le dire tout de suite, cette descente auprès de cette jeune femme bien décidée à avorter est une belle réussite à tout point de vue. Une réussite dans son scénario pour commencer. Un scénario qui explore des thèmes très riches et surtout raconte avec pudeur, mais sans pour autant mâcher ses scènes, le parcours de son personnage. À travers le personnage d’Anne, à travers ses recherches, ses embûches, à travers ses relations, ses amitiés, et sa famille, c’est le portrait d’une époque que la réalisatrice peint avec beaucoup de détails et de réalisme.

« L’événement » est un film qui explore le droit à disposer de son corps. C’est un film qui parle des mentalités de l’époque et au-delà de ça, de l’hypocrisie qui pouvait en découler. La réalisatrice parle évidemment du corps médical, de son refus, de son acceptation, de ce qu’il cautionne ou non. Et évidemment, au bout de ça, il y a l’avortement clandestin, et ce que des jeunes femmes peuvent endurer, cachées aux yeux de tous. Une quête pour trouver une solution, la douleur, la terreur, les risques encourus par tous et toutes. Audrey Diwan évoque toutes les conditions d’un avortement clandestin, parlant de ces pratiques qui vont être bien faites et celle qui ne le seront pas, allant même jusqu’à évoquer la chance de tomber sur un bon praticien, quand d’autres n’y auront pas eu le droit. Bref, le film sera alors souvent difficile, mais au bout du bout, il est passionnant, et surtout, il rappelle bien l’horreur que pouvaient vivre certaines avant la loi Veil.

« L’événement« , c’est aussi une réussite dans sa mise en scène, qui en plus de parfaitement réussir sa plongée au cœur des années 60, est un film qui arrive à très bien retranscrire avec pudeur et réalisme la tension, la peur, et l’horreur dans laquelle se trouve le personnage d’Anne. Audrey Diwan oscille très bien entre des scènes plus légères, même si le propos reste grave, et des scènes plus sombres, et comme je le disais, voire même éprouvantes. Si le film est parfois compliqué à regarder, rien n’est gratuit et chaque scène qu’Audrey Diwan décide de mettre en scène et de montrer raconte quelque chose et sert son intrigue, son propos et son personnage.

Enfin, l’autre réussite de « L’événement« , c’est son casting. Si l’on peut mentionner tous les acteurs et toutes les actrices qui trouvent de parfaits petits ou grands rôles (Luàna Bajrami, Anna Mouglalis, Kacey Mottet Klein, Sandrine Bonnaire, Pio Marmai, Louise Chevillotte, Louise Orry-Diquéro), ce film, c’est avant tout Anamaria Vartolomei qui dans le rôle d’Anne, crève l’écran de bout en bout et s’impose comme l’une des plus belles révélations françaises de cette année. La jeune actrice de vingt-deux ans est sidérante de vérité, d’émotion, de pudeur et d’angoisse. Il ne fait nul doute que l’on va retrouver son nom à la prochaine cérémonie des César.

Pour son deuxième film, Audrey Diwan a choisi un sujet difficile et elle nous livre un film passionnant. Dur, n’évitant pas la réalité, se faisant difficile parfois, « L’événement » est un film qui réussit tout ce qu’il entreprend. L’émotion, ou plutôt les émotions, vont être au rendez-vous et l’on ressortira de cet « … évènement » secoué certes, mais avec le sentiment d’avoir vu un film aussi bon qu’il est important. Bref, avec « Mais vous êtes fous« , Audrey Diwan avait piqué ma curiosité, avec « L’événement« , elle l’a encore plus affûtée et j’ai d’ores et déjà très hâte d’un troisième film.

Note : 16/20

Par Cinéted

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