avril 26, 2024

Nous Sommes Tous des Assassins

De : André Cayatte

Avec Marcel Mouloudji, Raymond Pellegrin, Georges Poujouly, Claude Laydu

Année : 1952

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

René Le Guen est un assassin qui, après la guerre, sévit lors de la libération. Arrêté, condamné à mort, il se retrouve avec d’autres prisonniers, également assassins. Son avocat cherche à obtenir la grâce en mettant en cause la société.

Avis :

Marcel Truc, dit André Cayatte, est un scénariste et réalisateur français qui a une formation d’avocat. Alors stagiaire, convaincu de l’innocence du client que son cabinet représente, André Cayatte, pour dénoncer le système judiciaire, envisage un temps le journalisme, mais finalement, après quelques articles, romans et essais, ce sera le cinéma qui l’appellera. Ainsi, il débute dans les années 40 et il va très vite rencontrer le succès et se forger une solide réputation.

Après une première décennie passée, André Cayatte a commencé ses années 50 avec un chef-d’œuvre, « Justice est faite« . Sorti en 1950, le film est puissant et passionne de son début à sa fin. Moins de deux ans après, le cinéaste était de retour sur les écrans pour encore une fois parler de la justice des hommes, en s’arrêtant cette fois-ci sur la peine de mort. Terrible réquisitoire contre la peine capitale, « Nous sommes tous des assassins » étonnera encore une fois de par la modernité des sujets qu’André Cayatte aborde. Car derrière la peine de mort, derrière le quotidien des condamnés et la torture de l’épée de Damoclès qui reste au-dessus d’eux à tout instant, André Cayatte essaie aussi de proposer des solutions, ou du moins des explications pour comprendre la violence (même si de ce côté-là, certains propos peuvent apparaître comme ubuesques aujourd’hui (le coup du médecin à la barre…)). Quoi qu’il en soit, sur son ensemble, « Nous sommes tous des assassins » est marquant, terrible, terrifiant parfois, intelligent et réfléchi. Bref, encore une fois, André Cayatte livre un cinéma passionnant.

René Le Guen est un assassin. René a été dans la résistance, et il a toujours fait ce qu’on lui a demandé. Mais cette période-là l’a beaucoup abîmé et juste après la libération, René a continué de tuer. Arrêté et jugé coupable, il est condamné à la peine capitale. Alors qu’il est dans « le couloir de la mort », son avocat cherche à obtenir une grâce présidentielle.

Après un chef-d’œuvre, André Cayatte revient avec un film qui, s’il va être moins puissant que « Justice est faite« , se posera comme un très bon moment de cinéma. Cette fois-ci, André Cayatte entend bien dénoncer l’horreur et la violence de la peine de mort. Film engagé, film politique et critique, André Cayatte, pour étayer son propos, va alors construire un scénario intelligent qui a beaucoup de sens. Un scénario qui va être plutôt classique et linéaire, nous présentant un personnage, un événement qui va le faire basculer et qui va l’amener de manière logique (si l’on peut dire) vers ce couloir de la mort et cette attente interminable, pour que justice soit faite.

Faire un film qui dénoncerait pour simplement dénoncer n’aurait pas franchement d’intérêt et ça, André Cayatte le sait. Par conséquent, il lui faut pour étayer son propos une trajectoire, et si possible proposer par la même plusieurs cas d’études, et c’est donc ce que l’on va trouver dans « Nous sommes tous des assassins« . C’est à travers les yeux de son condamné qu’on va découvrir l’envers du décor. André Cayatte va dresser le portrait de plusieurs hommes condamnés, et à travers eux, il va « dresser » plusieurs chemins et surtout plusieurs cas qui ont tous été jugés et vont être envoyés à la guillotine. À travers ses personnages, le film de Cayatte évoque l’innocent, victime d’injustice, le coupable sans remords, le simple d’esprit qui ne comprend pas bien ce qu’il a fait, l’abîmé par la vie (ici la guerre et la résistance) qui a fait de mauvais choix ou encore l’assassin « sous pression »… Bref autant de portraits qui vont se poser comme autant de cas que la justice a jugé et reconnu coupable, et ainsi amener à la même sentence.

Certes, il faut bien avouer que le réalisateur n’y va pas avec le dos de la cuillère, et même si le film tient des scènes très fortes et marquantes, (les derniers instants d’Antoine Balpêtré et Julien Verdier sont bouleversants et terriblement durs à suivre.) il faut aussi dire que parfois l’ensemble manque un peu de subtilité, dans le sens où Cayatte veut tellement dénoncer l’horreur de la peine de mort qu’il appuie parfois trop ses traits, ou alors il s’aventure sur des propos assez discutables, et là, on pense à ce médecin appeler à la barre. « Nous sommes tous des assassins » est imparfait et maladroit, mais malgré ça, il reste un film qui fonctionne bien et entre critique et politique, il se fait surtout très intéressant et on adore le suivre jusqu’au bout.

Toujours du côté de son scénario, « Nous sommes tous des assassins » s’aventure aussi à aborder les gardiens qui s’occupent des condamnés. Des gardiens qui doivent mentir pour garder l’effet de surprise, car chaque nuit, les condamnés se couchent sans savoir s’ils vont être exécutés dans la nuit. André Cayatte s’intéresse aussi aux avocats qui travaillent et surtout qui accompagnent jusqu’au bout leur client. 

Pour donner vie à ses personnages, le réalisateur s’est offert un casting de premier ordre, et si l’on peut être hésitant face au jeu de Marcel Mouloudji qui sonne parfois comme trop éteint, trop absent (heureusement que le personnage est très intéressant), l’acteur est entouré d’une bande de comédiens incroyables. Raymond Pellegrin, Antoine Balpêtré et Julien Verdier, qui composent ses compagnons de cellules, sont bluffants de bout en bout.

« Nous sommes tous des assassins« , c’est aussi un film qui est très riche dans sa mise en scène. Commençant en pleine Seconde Guerre mondiale, André Cayatte va osciller entre plusieurs films et plusieurs genres. Ainsi, son film va être un film de guerre, un film de procès, un film de gangster, voire même un film familial, et pour finir, le réalisateur va aller vers le huis clos carcéral. Rudement mené, rudement pensé, et c’est là qu’il est particulièrement intéressant. Quand il s’arrête pour décrire le quotidien des détenus, « Nous sommes des assassins » est prenant, voire même difficile quand il met en scène les derniers instants de ces condamnés et malgré ses défauts et ses maladresses, finalement, André Cayatte livre un grand moment de cinéma.

« Nous sommes tous des assassins » est moins fort que le précédent film de son réalisateur, mais il reste, entre défauts et qualités, une redoutable plaidoirie contre la peine de mort. Soulevant de bonnes questions, essayant de proposer maladroitement des alternatives, proposant des portraits et des cas tous différents qui ont amené dans la même cellule pour le même verdict, montrant les procédures des gardiens, montrant le quotidien insoutenable des condamnés… Bref, si le film de Cayatte a des maladresses, il a surtout des qualités et il se fait percutant et passionnant. Décidément, plus je découvre la filmographie de Cayatte, plus j’ai envie de l’explorer du bout en bout. Le film, comme beaucoup des films d’André Cayatte, est ressorti en Blu-ray il y a peu, et je ne regrette pas mon investissement.

Note : 17/20

Par Cinéted

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