mars 28, 2024

Blair Witch

Résumé :

Blair Witch s’empreigne de l’ambiance horrifique du film culte des années 1990. L’histoire se déroule deux ans après la disparition de trois étudiants en cinéma. Au sein d’une forêt hantée, le joueur part à la recherche d’un enfant disparu. Il devra faire face aux esprits errants dans ces lieux.

Avis :

À la fin des années 1990, Le Projet Blair Witch s’est imposé comme l’un des films les plus rentables de l’histoire du septième art. Bien qu’il ne soit pas le premier à s’essayer à cet exercice, le métrage de Daniel Myrick et d’Eduardo Sánchez a démocratisé le style du found footage. Caméra à l’épaule, le traitement se veut volontairement amateuriste.

Dans les intentions, le procédé souhaite renforcer le sentiment d’immersion. De plus, la notoriété du premier opus s’est imposée en créant une ambiguïté quant à la véracité des images et des faits présentés. Aux États-Unis, l’engouement est tel qu’un documenteur (Curse of the Blair Witch) précède à la sortie du film pour entretenir cette ambivalence.

Jeu vidéo et cinéma : un mariage qui fonctionne rarement

Au même titre que les films issus de jeux vidéo, les adaptations vidéoludiques de productions cinématographiques aboutissent rarement à une réussite. En règle générale, le procédé reste purement mercantile. Il sous-tend un budget minimaliste et des délais tout aussi restreints pour faire coïncider la sortie du titre avec ledit film. L’une des rares occurrences convaincantes demeure King Kong d’Ubisoft. Le projet est confié à Michel Ancel pour donner le change au métrage de Peter Jackson en 2005.

Le fait de s’insinuer dans le domaine du survival horror n’est pas pour rassurer au vu de certains ratages d’anthologie. On songe à Ju-On : The Curse, pénible et poussive incursion s’il en est dans l’univers de Takashi Shimizu. En dépit de la notoriété naissante de Bloober Team (Layers of Fear, Observer…) dans les jeux orientés vers l’horreur psychologique, l’implication du studio de développement ne constitue donc pas un gage de qualité acquis.

Blair Witch : une fausse bonne idée en jeu vidéo ?

L’adaptation de Blair Witch reste somme toute inattendue. Le troisième volet de la franchise est sorti en 2016 et, malgré une rentabilité commerciale honorable, présente de trop nombreux défauts pour convaincre son public. Si la saga cinématographique a toujours été décriée et divisée les spectateurs, elle dispose néanmoins d’un potentiel évident (parfois mal exploité, certes) pour s’immiscer dans un mythe populaire urbain.

Comme le suggère le premier film ou les propos qui en découlent, l’idée principale n’est-elle pas de confondre réalité et fiction à travers une perception subjective ? Conscient des possibilités initiales d’un tel projet, les développeurs s’appuient sur une approche référentielle afin d’explorer d’autres pistes de réflexion quant aux mystères qui auréolent la forêt de Black Hills, les disparitions qui s’enchaînent et l’existence supposée d’une sorcière.

Cette guerre, ce n’est pas la sienne…

Côté scénario, l’intrigue prend place deux ans après les évènements survenus dans le premier métrage. À intervalles plus ou moins réguliers, on nous rappelle les précédentes disparitions au sein de Black Hills, ne serait-ce qu’à travers la découverte de ces curieuses photographies disséminées çà et là. Cette incursion se fait à partir d’une battue organisée pour retrouver un jeune garçon prénommée Peter. Les circonstances demeurent floues sur son irruption dans de tels lieux à tel point qu’il est aisé de conclure à un enlèvement.

En cela, le propos reste assez simple et convenu. Le prétexte tient surtout à justifier la présence d’Ellis (le personnage principal) au sein de la forêt. Progressivement, la narration s’attarde autant sur les légendes qui hantent Black Hills que sur le background du protagoniste. Son stress post-traumatique est particulièrement bien amené et récurrent pour occuper une importance essentielle dans la suite des évènements. Du point de vue de l’histoire, on retrouve cette altération de la réalité qui met à mal nos perceptions. La frontière entre hallucinations et phénomènes paranormaux est totalement indiscernable.

Gameplay : entre archaïsme et minimalisme pour renforcer le sentiment de vulnérabilité

L’instabilité psychologique du protagoniste constitue un premier point de fragilité. Afin de renforcer le sentiment de vulnérabilité, le joueur ne possède aucun arsenal. Aussi, Blair Witch s’inscrit dans cette mouvance de survival horror où l’aventure se dévoile à la première personne. En l’occurrence, la seule arme à disposition demeure la lampe torche pour « éloigner » les entités de la forêt. En somme, le gameplay se rapproche davantage d’un jeu d’aventures narratif ; l’aspect passif en moins.

Il n’y a pas de gestion d’inventaire et l’ensemble des objets découverts tient surtout à une meilleure compréhension des pans secondaires de l’histoire. Les déplacements restent assez rigides dans le sens où il est uniquement possible de marcher, entreprendre une course modérée, s’accroupir et ramper. Les sauts sont seulement disponibles dans les cut-scenes. Quant à la reconnaissance et la récolte des items, on observe généralement un temps de latence pour les ramasser ; guère handicapant cela dit au vu du rythme imposé.

L’objectif dans l’œil de la caméra

Si les déplacements manquent de fluidité, le gameplay ressasse de très bonnes idées pour concilier immersion et clins d’œil aux fondamentaux de la franchise cinématographique et du found footage. Cela tient tout d’abord à la fameuse caméra. On découvre régulièrement des cassettes qui permettent de faire la lumière sur les faits qui précèdent le passage d’Ellis. Cela confère une aura glauque particulièrement convaincante pour mettre en condition et suggérer la menace latente dans la forêt.

Lesdites cassettes sont également utiles pour résoudre des énigmes et, là encore, confondre la réalité du passé et du présent. Cela se traduit généralement par l’apparition d’objets ou le « déblocage » de zones non accessibles après visionnage. Les mécaniques sont similaires d’un problème au suivant, mais bien intégrées pour veiller à une progression fluide. De même, cet aspect renforce les impressions biaisées du personnage, entre détresse psychologique et hallucinations. À certains égards, le caméscope permet aussi de s’orienter dans certaines zones obscures ou nimbées de brouillard.

Promenons-nous dans les bois

Au sein de Black Hills, l’exploration occupe une part prépondérante. On alterne entre des zones ouvertes et des secteurs plus linéaires. En l’absence de repères, le sens de l’orientation est particulièrement mis à mal pour trouver son chemin. Cela tient au level design pernicieux, mais aussi à la perception d’Ellis et les phénomènes paranormaux alentours. Certains passages nécessitent une action spécifique, sous peine de se retrouver piégés dans une boucle spatiale (non temporelle). Comme pour le film, cela vient justifier le fait de se perdre.

De jour, comme de nuit, l’ambiance fait l’objet d’un soin tout particulier. La variation des conditions météorologiques scriptées, l’impression de solitude et d’isolement, le dénuement environnant… Tout concourt à immerger le joueur, à commencer par un sound design de haute volée. Le son binaural encourage à porter un casque ou des écouteurs. De fait, un craquement de branches, des bruits de pas étouffés ou le pépiement des oiseaux prennent une dimension toute différente. Cela vaut également pour la respiration haletante du personnage, les chuchotements entêtants ou les grincements dans la maison de la sorcière.

Le chien le meilleur ami de l’homme

Pour peu que l’on découvre Blair Witch dans de bonnes conditions, la peur est au rendez-vous dans le sens où l’on éprouve une véritable appréhension psychologique à s’avancer dans les profondeurs de la forêt. Cela tient autant à l’obscurité qu’aux présences latentes qui guettent dans les entrelacs végétaux. Rarement, un titre est parvenu à retranscrire l’impression d’être observé avec une telle conviction. Pour autant, le joueur n’est pas livré à lui-même. Il a pour fidèle compagnon Bullet.

Loin d’être un ersatz sans grande conséquence, votre chien permet de suivre des pistes en lui présentant des indices et autres objets personnels. Si leur finalité n’est pas clairement définie, les interactions avec l’animal viennent renforcer la complicité, ne serait-ce qu’une caresse ou l’importance de rester au plus près de soi pour éviter de se faire repérer. Son aide est indispensable pour détecter les entités de la forêt et ainsi orienter le faisceau de la lampe dans leur direction.

Une excursion de longue haleine au cœur de Black Hills ?

L’aventure de Blair Witch se compose de 17 chapitres d’une longueur disparate. Le titre ne comporte pas de difficultés particulières, si ce n’est certaines errances dues à la configuration des lieux. Un bon sens de l’observation permet de venir à bout des énigmes sans anicroche, tandis que les confrontations avec les ennemis nécessitent juste du sang-froid pour s’en débarrasser.

Il faut compter environ 6 à 7 heures pour parcourir l’intégralité du jeu. Le caractère narratif de Blair Witch minimise le potentiel de rejouabilité. Il est toutefois possible de découvrir le moindre sentier tortueux en vue de mettre la main sur toutes les photographies, ainsi que les plaques d’identification militaire. La durée de vie s’inscrit donc dans la moyenne du genre.

En conclusion…

Au final, Blair Witch constitue une adaptation convaincante de son pendant cinématographique. Le titre de Bloober Team n’hésite pas à incorporer de nombreuses allusions au sein de l’intrigue et au cours de l’exploration de Black Hills. Cela ne permet pas forcément de faire la lumière sur la légende de la sorcière, mais d’aborder de nouvelles pistes de réflexion. On apprécie le caractère torturé du protagoniste dont le stress post-traumatique trouve une résonnance ténébreuse en de telles contrées inhospitalières.

Si l’on peut regretter une maniabilité assez rigide à certains égards, le gameplay apporte des idées originales et bien gérées pour renouveler l’intérêt des phases d’énigme, de confrontation et d’exploration. On songe à la présence de Bullet et à l’usage des vidéos du caméscope. Avec une atmosphère sonore soignée et une plongée progressive dans des affres de folie, il s’en dégage un réel sentiment d’implication pour vivre autrement (et avec plus d’intensité) la découverte de Black Hills. Une approche sinueuse à l’aune des sentiers tortueux et incertains de la forêt.

Note : 15/20

Par Dante

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