Avis :
Le métal est bourré de sous-genres plus ou moins accessibles au commun des mortels. C’est-à-dire que certains groupes vont tellement loin dans la brutalité qu’il est parfois difficile aux néophytes de rentrer pleinement dedans. On pense bien évidemment à tout ce qui comporte le mot « core » à l’intérieur, même si Metalcore devient un thème un peu galvaudé, avec des types qui hurlent des couplets mais chantonnent dans les refrains. Avec Aborted, groupe belge fondé au milieu des années 90, on s’approche plutôt du Grindcore. Il s’agit d’un genre qui ne fait aucune concession, aussi bien vocalement que sur les instruments, avec des riffs rapides et gras et un chant qui se rapproche plus du gargarisme. Pour autant, depuis plus de vingt ans, les belges sont les stars de la scène underground et cela malgré un album moyen, Terrorvision.
Fidèle à leur image avec un artwork qui ne laisse que peu de doute sur l’agressivité des chansons, Aborted attaque pourtant cet album avec une introduction douce et macabre. L’horreur et le gore seront à l’honneur sur cet album (comme pour tous leurs albums) et cette entrée laisse un sentiment de menace imminente. Ce que l’on va avoir en pleine gueule avec le titre éponyme de l’album. Terrorvision débute avec un gros hurlement du frontman (seul et unique membre de la formation d’origine), pour ensuite nous asséner les oreilles de growls gutturaux qui forcent le respect. On se demande dans quel état doivent être les cordes vocales. Techniquement, c’est irréprochable. L’ensemble va très vite, il y a des breaks qui frappent fort et on a même droit à quelques solis de grattes qui sont les bienvenus.
Cependant, on va vite se rendre compte des limites d’un tel album, et pour aller plus loin, d’un tel sous-genre. Le problème avec le Grindcore, c’est que cela devient vite redondant et que l’on a l’impression que les morceaux se répètent inlassablement. Farewell to the Flesh a beau aller plus vite que son prédécesseur, ça reste très violent, à la limite de l’écoutable, et on ne voit pas vraiment de différence avec le morceau précédent. Vespertine Decay va apporter un peu plus de profondeur à l’ensemble. Le morceau est un peu plus recherché, avec une introduction éthérée et un rythme qui tabasse un poil moins. Le groupe joue plus sur l’ambiance dans son début, ce qui permet de donner de la cohérence au reste. Même si c’est violent, même si ça tape fort, la mélodie est plus présente et offre une substance. Ce n’est pas juste bourrin pour être bourrin.
Cette sensation de mélodie, certes, qui frappe plus que de raison, se retrouve tout de même dans d’autres morceaux, dont Squalor Opera. Il se dégage de ce titre une aura particulière et des relents macabres qui font que l’on sent presque les effluves de chair fraîche et décomposition. Alors oui, c’est virulent, ce n’est pas très accessible pour ceux qui ne versent pas dans le Grind, mais il y a un véritable effort musical derrière. Ce qui ne sera pas forcément le cas de Visceral Despondency qui dégobille sa violence sans aucun liant, si ce n’est celui de beugler le plus fort possible. Et parfois en imitant un petit cochon en souffrance. C’est bien là que l’on voit le carcan dans lequel s’enfonce le groupe, voulant faire du violent pour du violent et n’arrivant pas à se dépêtre d’un cliché absurde.
D’ailleurs, la suite et fin de l’album sera du même acabit. C’est-à-dire des titres qui s’enchaînent mais qui manquent de volume, d’épaisseur. La batterie de Deep Red en introduction est formidable, mais derrière cela, on aura un morceau Grind classique qui n’apporte rien de vraiment innovant. Il en va de même avec Exquisite Covinous Drama qui savate dans tous les sens au détriment d’une quelconque mélodie ou d’une ambiance un peu plus prégnante. Altro Inferno tentera bien quelques élans dans une truc un poil diabolique, mais ça manquera de profondeur et d’innovation. Même A Whore d’œuvre Macabre (le titre est rigolo) reste dans des clichés Grind qui peuvent paraître saoulants par moments. Reste The Final Absolution, qui possède une introduction inattendue, mais qui repart très vite dans des déluges de violence pour pas grand-chose.
Au final, Terrorvision, le neuvième album d’Aborted, reste une petite déception. Le groupe ne parvient pas à s’extirper d’une image Grind classique, avec tout ce qu’il faut de violence et de sang. On reste dans quelque chose de très calibré, de difficile d’accès et de pas forcément très intéressant sur le fond. C’est dommage, les musiciens sont des cadors et la voix du frontman force le respect, mais on reste dans un produit formaté pour les fans et la scène underground, qui, pour autant, ne prend pas de risque pour se sortir de ce carcan. On attendait mieux…
- Lasciate Ogne Speranza
- Terrorvision
- Farewell to the Flesh
- Vespertine Decay
- Squalor Opera
- Visceral Despondency
- Deep Rep
- Exquisite Covinous Drama
- Altro Inferno
- A Whore d’œuvre Macabre
- The Final Absolution
Note : 11/20
Par AqME