De : Yukihiko Tsutsumi
Avec Maho Nonami, Eiko Koike
Année : 2002
Pays : Japon
Genre : Thriller, Action
Résumé :
Deux actrices colocataires aux personnalités très différentes passent une audition pour le même rôle. Une fois revenues à l’appartement, la tension s’installe et la rivalité l’emporte…
Avis :
Le cinéma est rempli de projets un peu fous qui donnent souvent lieu à des films expérimentaux ou tout du moins surprenants. On se souvient encore du projet grindhouse de Tarantino et Rodriguez qui, au départ, était juste une fausse bande-annonce. Aujourd’hui, avec le COVID, on se retrouve avec des films resserrés où le minimalisme est roi. En 2002, au Japon, c’est un tout autre projet qui voit le jour, le Duel Project. Alors que les deux réalisateurs Yukihiko Tsutsumi et Ryuhei Kitamura rendent leurs projets de courts-métrages en même temps, un producteur va alors leur lancer un défi. Réaliser un long-métrage avec seulement deux personnages et en un temps limité, une seule semaine. Il va en découler le Duel Project, avec Aragami pour Kitamura, et 2LDK pour Tsutsumi, qui nous intéresse aujourd’hui. Et on se doute bien qu’avec de telles contraintes, le film est loin d’être parfait.
Le rôle de ma vie
Afin de rendre son projet viable, Yukihiko Tsutsumi va enfermer ses actrices dans un appartement (d’où le nom du film, puisqu’un 2LDK au Japon veut dire un appartement avec deux chambres, un salon, une salle à manger et une cuisine). Comédiennes en devenir, elles lorgnent sur le même rôle et font semblant, durant un court temps, d’être copine et de faire des compromis. Sauf que petit à petit, la tension monte, et les coups bas vont se multiplier, jusqu’à un affrontement final sanglant et sans pitié. Voilà le pitch de base de 2LDK. Un scénario simple, qui va tenter d’aborder les tensions qui peuvent régner dans le milieu du cinéma, mais aussi les faux-semblants et les relations toxiques. En filigrane, Tsutsumi va mettre y inclure une petite lutte des classes qui n’est pas piqué des vers.
En l’état, le film est juste une confrontation. Tout d’abord psychologique, avec deux jeunes femmes qui veulent le même rôle pour démarrer leur carrière et qui se font des compromis pour mieux vivre ensemble. Sauf que rapidement, derrière ces compromis, les deux femmes ne vont plus se supporter. L’une d’entre elles ne suit pas les règles de vie et utilise à tout va les produits de l’autre. Autre qui est un peu psychorigide et qui marque tout, même les aliments dans le frigo, pour plus de partialité. Pour bien marquer le mal qui habite les deux nanas, le cinéaste exprime leurs pensées avec une voix-off. Ainsi, on remarque de suite que les deux filles ne se supportent pas, et que la confrontation ne va faire que s’amplifier. Une bagarre qui va vite tourner au harcèlement, puis aux coups. Des coups bas, tout d’abord, avec de la manipulation et du chantage.
Ma vie pour un rôle
Cette confrontation psychologique est peut-être la plus éprouvante, mais la moins intéressante du concept. En effet, hormis deux filles qui se font des battles de musiques fortes ou qui se jettent des œufs dans la gueule, il n’y a pas grand-chose à gratter. Notamment en termes de réalisation. Si le film a été tourné en huit jours, jour et nuit quasi non-stop, cela n’excuse le manque d’implication de certaines séquences et le côté détaché de la chose. Il manque à 2LDK une réelle volonté de bousculer le spectateur dans cet affrontement qui ne fait que monter. Et la violence psychologique n’est pas assez forte. Ou tout du moins pas aussi folle que lorsque les coups physiques pleuvent. Et c’est à ce moment que le talent de Tsutsumi émerge. L’énergie prend le dessus, la violence est bien prégnante et certaines séquences valent le coup.
On va aussi voir que le réalisateur essaye d’insérer des passages un peu plus horrifiques, afin de peaufiner le background des deux filles. Car si l’une voit des fantômes de son passé lors de quelques flashbacks furtifs, l’autre est en proie avec ses origines paysannes. Et le film de prendre alors le chemin d’une lutte des classes. Et c’est peut-être là le plus intéressant du métrage. Malgré son courte durée, 2LDK propose deux personnages différents qui évoquent deux malaises différents. Si la première vient d’une famille aisée et a déjà quelques pubs à son compteur, l’autre est une paysanne qui veut se sortir d’une certaine misère. Le film raconte alors les difficultés de se sortir de sa condition sociale, et les rivalités qui peuvent découler d’une ambition trop forte.
C’est le propos principal du film, qui aurait pu aussi parler de la difficulté à se loger mais qui n’évoque ce problème qu’à demi-mot. Et c’est bien dommage.
Puis rien
En prenant en compte les difficultés de tournage et le défi que ce dernier représentait, on ne peut nier les qualités indéniables du métrage. Malheureusement, on restera dubitatif sur sa viabilité sur le long terme. Le film est plutôt bien fichu, mais il manque d’identité visuelle. Le film est court et propose un final énergique, mais la mise en place s’avère laborieuse. Les personnages ne sont pas attachants et cachent de véritables névroses. 2LDK est un film intéressant, mais son concept l’empêche de creuser plus loin et de taper plus fort. Il manque un cruel travail de fond sur la critique du milieu professionnel et sur les ambitions personnelles. Le film aurait pu être bien meilleur, s’il n’était pas qu’un simple défi, un amusement d’une semaine.
Au final, 2LDK est un film à concept qui oublie que le cinéma n’est pas tout le temps qu’une affaire de jeu ou de défi. Avec plus de temps, plus de travail, plus d’implication, on aurait pu avoir un très bon film qui mélangeait habilement horreur, thriller et action, tout en abordant des thématiques intelligentes. Il est dommage que le concept même du film se délite rapidement pour voir les grosses ficelles d’un projet qui n’a aucune viabilité sur le long terme. D’ailleurs, on l’a déjà oublié…
Note : 11/20
Par AqME