De : Nekfeu et Syrine Boulanouar
Année : 2019
Pays : France
Genre : Documentaire
Résumé :
Quand deux
étoiles sont trop proches et que l’une d’elles explose en supernova, il arrive
qu’elle condamne l’autre étoile à errer sans trajectoire dans l’univers.
On les appelle les étoiles vagabondes.
Avis :
J’ai toujours aimé la musique. Tous les genres, venant de tous les horizons, j’aime partir à la découverte d’un artiste, d’un univers, d’un style. Parmi tous les styles que j’écoute, il y a bien sûr le rap. Issu des années 90, j’ai grandi avec des groupes comme NTM, IAM, ou des artistes tels qu’Oxmo Puccino ou Kery James. Dans les jeunes générations, alors qu’il n’y a jamais eu autant de diversité, je dois bien avouer que peu arrive à me convaincre et encore moins arrive à me faire écouter et aimer leur album de bout en bout. À milieu de tous ces petits rappeurs bien souvent autotunés, il y en a un qui est arrivé à me convaincre et mieux encore à entrer dans ces rappeurs dont j’attends et j’achète les albums. Ce rappeur, c’est Nekfeu.
Nekfeu et le cinéma, c’est une histoire qui commence gentiment. Si cela fait plus de dix ans maintenant que Nekfeu est sur le devant de la scène, avec d’abord des groupes et des collectifs, puis le cinéma est venu comme une surprise d’abord, avec la série de Pierre Niney « Casting(s) » où il apparaît dans l’un des épisodes les plus hilarants, face à Marion Cotillard s’il vous plaît. Puis il y a eu le sympathique film de Thierry Klifa en 2017 « Tout nous sépare« , où le rappeur donnait la réplique à Catherine Deneuve.
Alors qu’il vient de terminer un nouveau film en tant que comédien, Nekfeu a décidé de passer un nouveau cap, celui de la réalisation, avec ce documentaire disponible sur Netflix. Quand Nekfeu est passé en solo, sa carrière a décollé et surtout, il est devenu bien plus connu. Il a alors enchaîné deux albums coup sur coup. Depuis, le rappeur était face à la page blanche, ne sachant quoi écrire, quoi raconter et alors qu’il donnait un concert devant quatre-vingts mille personnes, il le dit lui-même, il n’a jamais été aussi seul. De là lui est alors venu une idée, mettre en images et raconter sa vie d’artiste, ses doutes et ses envolées à travers un documentaire qui suivrait la création ou pas de son troisième album.
» – Parfois, il faut fuir la frénésie des grandes villes pour se rendre compte à quel point on s’est habitué à cette folie quotidienne. Al Okipos, le village de mon grand-père, en Grèce. On dit que c’est le lieu de naissance du pirate Barbarossa. Ici, sur l’île de Mytilini, j’suis loin de la pression, je vois ma famille et je prends mon temps. Pourtant moi, le parigot, j’y ai jamais vécu, mais mon père l’appelle le pays mythique, celui qui colle aux souliers, où que tu sois en exil. Et moi, c’est en exil que je parle le mieux de ma vie à Paris. À l’ombre de l’éloignement. »
Après un concert où Nekfeu explique qu’il n’a jamais été aussi seul, le jeune homme s’envole vers ses racines. Sa grand-mère, un petit son de Nena Ventsanou, une déambulation anonyme dans les rues du village de son grand-père, et ce texte en voix off cité plus haut, voilà comment Nekfeu ouvre son documentaire, « Les étoiles vagabondes« , titre qui servira bien plus tard à nommer aussi son troisième opus.
Avec « Les étoiles vagabondes« , plus qu’un film sur la naissance d’un nouvel album aux influences diverses, c’est avant tout un voyage intérieur, comme un parcours initiatique, pour troubler l’équilibre de la page blanche. Nekfeu ne sait pas où il va quand il entreprend ce film, il sait juste que pour écrire, composer et créer, il doit fuir. Ainsi, après quelques déambulations avec des potes dans les rues et sur les toits de Paris, le jeune homme s’envole pour le Japon. Faire un documentaire sur soi-même, réaliser ou coréaliser par ses soins, peut être assez difficile, dans le sens où le piège de tomber dans un narcissisme poussé n’est pas si éloigné que cela. Heureusement, Nekfeu est plus intelligent que ça, et même si au travers de cette heure et demi passée en sa compagnie, jamais, devant son film, ce sentiment de narcissisme ressort. Non, c’est le contraire qu’on découvre avec ces » … étoiles vagabondes« . Avec ce film, on part à la découverte d’un artiste qui se laisse guider par l’instant présent. Un jeune artiste qui laisse insuffler ce qu’il vit quand il le vit pour en parler dans son œuvre. « Les étoiles vagabondes« , dans un sens, nous fait redécouvrir son album, car alors qu’on découvre le film après la sortie de l’album, ce dernier lui donne un relief qu’on ne soupçonnait pas.
De plus, et c’est peut-être ce qui fait toute la puissance de ce film, c’est le spleen de Nekfeu qui parcourt sans cesse les images, les moments où l’homme travaille avec ses potes, avec des artistes de tous horizons, mais aussi les moments où il s’éclate, des moments où il se fait plus détendu. Ou encore des moments où il déambule, à la recherche presque de lui-même. On savait la plume de Nekfeu sublime, on la découvre bien plus encore à travers ce film et toutes ces voix off, toutes ces réflexions, toutes ces introspections, qui arrivent à résonner comme de nouveaux « titres » du rappeur. Pour ce film, Nekfeu ne triche pas, il se met à nu, allant presque dans l’impudique et il en ressort encore plus sympathique qu’il ne l’était déjà. Sincère, spontané et authentique, le jeune homme se fait passionnant, ses doutes, ses envies, ses influences, et ses engagements… Bref, tout est passionnant et arrive parfaitement dans ce film.
« Les étoiles vagabondes« , c’est aussi un film qui a un joli cachet. C’est un film qui arrive très bien à capturer les ambiances que le jeune homme cherchait à mettre dans son album. « Les étoiles vagabondes« , en plus d’être un voyage au plus près du rappeur, c’est aussi un voyage à travers le monde et des influences musicales. Ici, en une heure et demie, Nekfeu nous emmène de Paris à son île grecque, puis on redécolle pour Tokyo, avant de faire un tour à Los Angeles, Bruxelles, ou encore la Nouvelle Orléans. Puis ce voyage se terminera de la plus belle des manières, en toute logique, là où il avait commencé.
Sans artifice, authentique, intéressant, passionnant même, « Les étoiles vagabondes » est un très bon documentaire qui complète parfaitement l’album de Nekfeu. Simple, juste, véridique, à travers ce film on découvre de nouvelles facettes de l’artiste et surtout à la sortie de ce film, on a envie de se replonger dans son album pour en redécouvrir toutes les nuances qu’on n’avait peut-être pas entendues. Puis on pourra aussi sourire à l’écoute de tel ou tel son, puisqu’on sait ce qui se cache derrière. Bref, un bon documentaire.
Note : 15/20
Par Cinéted