novembre 5, 2024

Fabrika – Cyril Gely

Auteur : Cyril Gely

Editeur : Albin Michel

Genre : Thriller

Résumé :

Blessé au cours d’une fusillade entre Russes et séparatistes, Charles Kaplan, photographe de guerre, se retrouve dans un hôpital de Kiev. L’homme qui l’accompagnait est mort et son cadavre s’est mystérieusement volatilisé. Tout comme sept autres corps… Kaplan se lance dans une enquête effarante hantée par l’ombre d’un homme : Terek Smalko, chirurgien auréolé d’une légende noire. Et par deux mots sibyllins : Fabrika böbrekler,  » l’usine à reins « . Un thriller remarquablement orchestré et documenté qui nous plonge, de Prague à Bucarest, de Shanghai à Ankara, au coeur d’une réalité aussi terrifiante que vraisemblable.

Avis :

Particulièrement prisé dans le domaine du polar et du thriller, le trafic d’organes demeure un sujet contemporain que se plaisent à explorer bon nombre d’auteurs. Dernièrement, on en a pu constater toute l’ampleur avec Angor de Franck Thilliez, mais la thématique est loin d’être novatrice en la matière. Dans un autre style et non moins grave dans ses fondamentaux, on peut également citer La brèche dans l’espace de Philip K. Dick, Les maîtres de la vie de Sulitzer ou Une vie de rechange de François Salvaing. Il paraît donc délicat, pour ne pas dire difficile, d’offrir un point de vue original à une telle histoire. Fabrika parvient-il néanmoins à nous immerger dans de sordides pratiques ou son récit se contente-t-il d’émailler la surface ?

Dans une approche cinglante dépourvue de lourdeurs et de fioritures, Cyril Gely (qui signe ici son cinquième roman) nous emporte en Ukraine en pleine guerre du Donbass. Un conflit qui demeure toujours d’actualité. Autrement dit, l’auteur s’appuie sur un contexte réaliste afin d’introduire son protagoniste, un photographe rompu à couvrir les événements les plus graves autour du globe. L’action des premières pages va rapidement céder la place à une longue enquête. Il est vrai que la raison principale paraît simpliste et alambiquée pour justifier la suite. Pour autant, on se laisse convaincre, notamment grâce à une certaine efficacité dans l’exposition des faits.

À défaut de plonger dans un seul genre (en tête le thriller ou le polar), on nous convie à un jeu de pistes où le journalisme d’investigation prend tout son sens. Dès lors, l’intrigue s’accompagne d’importantes notions liées au monde médical, à l’organisation de tels trafics, sans oublier un développement assez poussé sur les différentes nations et leurs cultures respectives. De ce côté, la densité des données et leurs exactitudes permettent de mieux comprendre la face sous-jacente des trafics d’organe qui se déroule bien souvent avec l’aval des autorités locales. Si l’on a droit à quelques digressions ou des passages qui auraient gagné à être raccourcis, la progression demeure assez fluide dans son ensemble, notamment avec une certaine diversité dans les lieux visités.

Ainsi, on voyage dans un premier temps en Europe de l’Est, puis en Turquie avant de débarquer en Chine. Un contraste pour le moins saisissant. À chaque fois, les justifications invoquées par les « donneurs » sont les mêmes, comme si la disparité culturelle s’effaçait sous la seule divinité d’un monde consumériste : l’argent. L’allusion est cynique, sans doute facile, mais les motivations se résument à cela. De plus, Kaplan reste lucide sur l’influence de son travail et de ses découvertes. Ici, il n’est nulle question de bouleverser les mentalités ou d’éradiquer un phénomène qui va en s’accroissant. Il s’agit plutôt d’ouvrir les yeux sur une réalité qui nous touche plus près qu’on veuille bien l’admettre.

En contrepartie d’une excellente atmosphère desservie par quelques passages nerveux (bien que ponctuels), on regrettera le peu d’éléments réellement surprenants. L’ensemble reste bien ficelé, mais se montre trop linéaire dans son déroulement. Une révélation en vaut une autre pour poursuivre l’aventure, au détriment parfois de quelques intrigues secondaires laissées sur le côté. Pour autant, ces petites maladresses n’ont rien de préjudiciable pour pleinement apprécier l’ouvrage. Elle démontre juste une perfectibilité sur la forme et la structure générale du récit et non sur le fond qui, lui, est passionnant du début à la fin.

S’il ne peut être réellement classé comme un polar ou un thriller à part entière (on oscille constamment entre les deux genres), Fabrika s’avère un roman immersif et plutôt efficace. Malgré de menues errances narratives et une simplicité qui l’empêche de se montrer étonnant ou inattendu, il demeure une intrigue maîtrisée qui interpelle son lectorat. Sans ton moralisateur ou de surenchère gratuite (la violence est ici suggérée, rarement explicite), Fabrika tente de sensibiliser sur le trafic d’organes. Un sujet maintes fois développé sous d’autres latitudes certes, mais dont les propos restent d’actualité. Soutenu par une excellente documentation, il en ressort un ouvrage entraînant, dépaysant et d’un intérêt notable. Aussi divertissant que pertinent.

Note : 15/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.