avril 20, 2024

Les Sœurs de Montmorts – Jérôme Loubry

Auteur : Jérôme Loubry

Editeur : Calmann-Lévy

Genre : Thriller

Résumé :

Novembre 2021. Julien Perrault vient d’être nommé chef de la police de Montmorts, village isolé desservi par une unique route.
Alors qu’il s’imaginait atterrir au bout du monde, il découvre un endroit cossu, aux rues d’une propreté immaculée, et équipé d’un système de surveillance dernier cri.
Mais quelque chose détonne dans cette atmosphère trop calme. Est-ce la silhouette menaçante de la montagne des Morts qui surplombe le village ?
Les voix et les superstitions qui hantent les habitants ? Les décès violents qui jalonnent l’histoire des lieux ?

Avis :

Figure relativement récente dans le domaine du thriller français, Jérôme Loubry s’est taillé une solide réputation en l’espace de quatre romans. Habile conteur et manipulateur, l’écrivain maîtrise aussi bien les ficelles du genre que les subtilités de la narration pour entretenir un suspense de circonstances. Avec De Soleil et de sang, il entremêlait les tenants d’une affaire criminelle au folklore haïtien avec un rare brio. Cela sans oublier un discours social sous-jacent pertinent au regard du cadre géographique et du contexte. Avec Les Sœurs de Montmorts, il flirte toujours à la lisière de sujets paranormaux. En l’occurrence, la sorcellerie et autre superstition issue d’un village français perdu…

Montmorts s’avance comme une destination fictive et non moins réaliste dans sa création. Coincé dans des reliefs montagneux, entre deux massifs forestiers, le lieu est propice à dépeindre une ambiance chère à des œuvres notables. Il est bien entendu facile de faire le rapprochement avec Twin Peaks, mais l’isolement et l’évocation de quelques phénomènes surnaturels rappellent également Wayward Pines. Bien qu’aucun repère géographique ne soit établi avec précision, l’auteur ancre l’action en France. Pour autant, le cadre rural et reclus, presque désolé, s’amuse immédiatement des contrastes avec des services et des équipements publics dernier cri.

La bienveillance d’un mécène (et aussi maire) renforce cette impression paranoïaque que les habitants de Montmorts vivent en autarcie, presque en marge du reste du monde. Certes, il s’agit d’une caractéristique inhérente à ce type de récit. Cependant, Jérôme Loubry la rend d’autant plus prégnante, ne serait-ce qu’à travers ce calme apparent, cette absence de criminalité et surtout la perpétuation de vieilles légendes locales. Le roman ne s’attarde pas sur la connotation religieuse que peuvent sous-tendre d’autres intrigues similaires. Il n’en reste pas moins que ces histoires du passé, ce folklore, entretiennent une part de mystères. Celle-là même qui vient étayer la suite des évènements.

L’architecture narrative se présente comme un prisme où l’enchaînement des points de vue offre un aperçu complémentaire des faits et, par extension, du quotidien du village. Leur alternance est fluide, tandis que le passage de relais pour certaines scènes demeure opportun. Les investigations donnent lieu à davantage de questions que de réponses, même si l’on ne se focalise pas uniquement sur l’enquête. La subjectivité de certains évènements concourt à entretenir une teneur irrationnelle. Il en ressort un jugement partial, presque halluciné, où l’on décèle des fantômes du passé se présentant sous les apparats de quelques troubles psychologiques.

L’approche fait preuve de nuances pour alimenter le doute avec constance. La tension et la violence de certains comportements montent crescendo. De même, il est difficile de ne pas faire l’impasse sur certaines allusions et réparties sibyllines, dont on devine qu’elles détiennent une partie du mystère latent. On apprécie aussi le fait que l’intrigue s’affranchit de tout manichéisme. Ce n’est pas forcément flagrant dans les premiers instants, mais il est aisé de distinguer de nombreux remords, à des degrés divers, pour chaque protagoniste. Non satisfait de proposer un récit immersif et une ambiance travaillée, Jérôme Loubry offre une relecture de son ouvrage avec une nouvelle interprétation.

Au final, Les Sœurs de Montmorts confirme le très bon a priori que l’on se fait de Jérôme Loubry. L’auteur aime flouer les frontières entre le rationnel et le surnaturel avec une construction astucieuse et particulièrement délicate à instaurer. On songe, entre autres, à la cohérence qui doit découler de l’alternance des points de vue. Si l’on dénote un aspect référentiel, entre David Lynch et Stephen King, son histoire n’en est que plus curieuse, sinon intrigante. Il en ressort un thriller qui évolue en vase clos, mettant en exergue la peur et l’incompréhension pour mieux déstabiliser ses personnages, ainsi que son lectorat. Un roman inspiré qui débouche sur une véritable réussite.

Note : 16/20

Par Dante

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