avril 26, 2024

Le Miroir se Brisa

Titre Original : The Mirror Crack’d

De : Guy Hamilton

Avec Angela Lansbury, Geraldine Chaplin, Edward Fox, Tony Curtis

Année : 1980

Pays : Etats-Unis, Angleterre

Genre : Policier

Résumé :

Le village de St Mary Mead est en émoi depuis l’arrivée d’une équipe de cinéma venue tourner un film sur Elizabeth 1er et Marie Stuart. Cette dernière est incarnée par la grande vedette hollywoodienne Marina Gregg-Rudd. Au cours d’une fête organisée en leur honneur, une villageoise est retrouvée empoisonnée peu après avoir parlé à son idole de toujours. L’inspecteur Craddock, membre de Scotland Yard et fervent cinéphile, est dépêché en urgence pour résoudre cette enquête. Pour cela, il peut compter sur l’appui de sa tante détective amateur, Miss Marple, bien décidée à connaître le fin mot de l’histoire…

Avis :

L’œuvre d’Agatha Christie est émaillée de romans référentiels en matière d’intrigue policière. Ceux-ci se partagent essentiellement entre ces deux personnages phares : Hercule Poirot et Miss Marple. Les années 1970 auront donné lieu à des adaptations désormais incontournables : Dix petits nègres, Le Crime de l’Orient Express et Mort sur le Nil. Passés à la postérité, ces métrages sont communément admis comme les plus représentatifs des récits de l’auteure. Le Miroir se brisa s’inscrit donc dans cette volonté de retranscrire avec fidélité les histoires de la reine du crime. L’occasion est alors donnée de confronter le paisible quotidien d’un bourg anglais au milieu hollywoodien.

D’emblée, l’intrigue s’amuse du concept de film dans le film avec le visionnage d’une bobine en noir en blanc, sorte d’hommage référentiel aux précédentes adaptations des livres d’Agatha Christie. Certes simpliste, cette mise en abîme permet d’amorcer l’un des grands sujets du scénario. À savoir, entrapercevoir les coulisses du septième art à travers le point de vue de ses principaux intervenants : acteur, réalisateur, producteur et spectateur. En l’occurrence, le portrait dépeint ne se montre guère encenseur. Il fissure les mythes que l’industrie cinématographique et le public se forgent par le biais des apparences et des stéréotypes véhiculés.

Entre vanité et convoitise, cet aspect apporte une résonnance particulière au film de Guy Hamilton. Agatha Christie s’est en effet inspirée de l’histoire de Gene Tierney pour développer cette affaire criminelle qui, elle, demeure bien fictive. Par ailleurs, on y trouve une allusion prédictive à la carrière de Rock Hudson. On songe en particulier à ses dernières années de vie mises à mal par l’annonce de son homosexualité et de sa séropositivité dans une période qui respirait l’incompréhension et le dédain face au sida. En écho au titre, c’est le reflet que l’on renvoie à la société et aux autres qui se fissure sous le poids des regrets et des remords. Une connotation émotionnelle qui sert de prétexte au mobile de l’assassin.

Comme évoqué précédemment, on observe aussi une confrontation plus ou moins frontale entre le puritanisme de la communauté rurale et l’excentricité hollywoodienne. Le contraste détonne avec cette fête locale, la bonhomie des activités organisées et la sophistication environnante pour accueillir et servir les invités. Cette opposition formelle se retrouve également avec la simplicité du quotidien qui survient avant l’exposition des conditions de tournage minées par les rivalités et les obligations professionnelles. En cela, la mise en contexte se révèle probante pour fournir une scène de crime où, comme à l’accoutumée, on distingue de nombreux suspects et presque autant de mobiles.

Pour autant, on note quelques errances dans la progression de l’enquête. On regrette tout d’abord la passivité de la principale intéressée qui ne tient pas à son âge, mais à une blessure fortuite. Certes, l’exercice intellectuel n’en est que plus admirable, car fondé sur les témoignages, la théorie et le sens de la déduction. Cependant, Miss Marple occupe un rôle secondaire presque anecdotique au fil des investigations. De même, on remarque quelques approximations dans les réactions de certains suspects ou l’absence d’un épilogue à part entière pour chaque intervenant. Un peu comme s’ils se restreignaient à jouer leur réplique, susciter le doute, puis à s’effacer. Il manque aussi de véritables indices révélateurs de l’identité et des motivations de l’assassin, autre que de simples allusions et sous-entendus.

Au final, Le Miroir se brisa s’avance comme un film policier fidèle à son modèle littéraire. On apprécie le fait de flouer la frontière entre réalité et fiction, de malmener le mythe hollywoodien à travers des portraits plus faillibles qu’admirables. Le contexte et la qualité de la caractérisation constituent les principales forces du métrage de Guy Hamilton. La notion de mystère, à tout le moins d’énigme criminelle, est présente, mais moins maîtrisée qu’escomptée. Ce n’est pas tant le dénouement qui laisse perplexe, mais les éléments censés amener à cette conclusion, comme le comportement incohérent de l’assistante, Ella Zielinsky. Ils ne permettent pas d’anticiper la résolution de l’affaire, même si certaines pistes de réflexion sont avancées. Il n’en demeure pas moins une enquête plaisante à suivre.

Note : 14/20

Par Dante

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