avril 19, 2024

Turning Gate

De : Hong Sang-Soo

Avec Seon-Young, Kim Sang-Kyung, Myung-Sook, Kim Hak-Sun

Année : 2002

Pays : Corée du Sud

Genre : Drame, Romance

Résumé :

En Corée du Sud, Gyung-soo, un comédien de théâtre sur le déclin, se rend à Choonchun pour rendre visite à un vieil ami écrivain. Celui-ci lui présente une danseuse sculpturale, Myung-sook. Après une soirée très arrosée, la jeune femme jette son dévolu sur Gyung-soo. Mais l’ami écrivain aime Myung-sook, il ne lui a jamais révélé ses sentiments. Les rapports entre les deux hommes s’enveniment à mesure que Myung-soo s’éprend de façon obsessionnelle de Gyung-soo.
Pour chasser les mauvais souvenirs, Gyung-soo prend le train pour Gyungjoo. Sun-young, sa voisine de compartiment, lui dit reconnaître son visage et commence à le séduire. Quand elle descend du train, il lui emboîte le pas et la retient, mais elle a une attitude ambiguë. Gyung-soo suit Sun-young jusque chez elle. Le lendemain, il rassemble son courage et frappe à la porte. Cette fois, il tombe follement amoureux…

Avis :

Parmi les réalisateurs sud-coréens qui nous arrivent régulièrement, il y en a un qui ne fait pas de bruit, et qui est pourtant un travailleur acharné. Hong Sang-Soo commence sa carrière en 1996 et propose d’emblée une trilogie qui lui tiendra quatre années. Par la suite, ce stakhanoviste accompli va réaliser des films à tours de bras, arrivant parfois à en faire trois dans la même année (en 2009 et 2013 notamment). Pour la reconnaissance du grand public, c’est une autre affaire, car le cinéaste coréen propose des drames amoureux qui ne sont pas forcément accessibles à tout le monde. Sorte d’auteur à la vision particulière, Hong Sang-Soo s’éloigne volontairement des chemins du thriller et du fantastique pour offrir des portraits d’hommes et de femmes communs, mais dont le chemin semble parcouru d’embûches. Turning Gate est son film qui lui a permis de trouver son public en France.

Errances amoureuses

Le film va suivre un acteur de seconde zone qui va se faire refuser plusieurs contrats. Dépité, il quitte Séoul pour se rendre à la campagne chez son meilleur. Là, il rencontre une jeune danseuse pour laquelle il tombe amoureux. Une relation s’établit mais une jalousie tenace va prendre naissance entre les deux hommes. Notre « héros » va donc partir de chez son meilleur ami et dans le train, il fait la connaissance d’une autre femme dont il tombe sous le charme. Bien décidé à ne pas laisser passer sa chance, il va suivre cette femme jusqu’à chez elle et il va tout faire pour qu’elle succombe à ses charmes. Malheureusement pour lui, cette demoiselle est mariée. Hong Sang-Soo ne va pas vraiment chercher plus loin. Son but, dans cette histoire, est de raconter deux histoires d’amour compliquées qui se termineront de manière différente.

Pour le premier segment, le réalisateur va tenter de monter en concurrence deux amis très proches qui aiment la même femme. Le démarrage est très lent et on sent que le cinéaste veut se rapprocher au plus près de ses personnages. D’ailleurs, il filme les corps dans leur plus grande intimité, n’hésitant pas à aller jusque dans le lit des amants pour filmer leurs ébats. Il va se dégager des premiers instants quelque chose de très cru et de très réaliste. On ne sombre pas dans le voyeurisme pour autant, Hong Sang-Soo voulant accompagner son acteur sur le déclin au plus près, simplement pour raconter sa vie et son cheminement. C’est aussi au cours de cette première partie que l’on va entendre parler de la légende du Turning Gate, au détour d’une visite d’un temple qui ne se fera pas, par fainéantise.

Relation cringe

Le premier segment va se finir un peu en eau de boudin. Le personnage principal ne souhaite pas vraiment revoir sa conquête, qui va tomber dans les bras de son meilleur ami pour tenter de le rendre jaloux. Dès lors, il décide de rentrer chez lui en prenant le train, et c’est là qu’il va tomber amoureux pour la deuxième fois. Cette partie est un peu plus longue que la précédente et va prendre un chemin inverse. Ici, ce n’est plus la femme qui supplie l’homme de revenir, mais c’est bien l’homme qui va suivre une femme pour tenter de la séduire. Le début de cette histoire est assez touchant et on sent que l’homme est déstabilisé par cette femme. Non seulement elle est belle, mais elle connait aussi l’homme pour sa carrière d’acteur. On le sent flatté et touché par cette femme assez timide.

L’idylle pourrait être simple et belle, mais le réalisateur va en faire tout autre. Et c’est peut-être là que le film va surprendre dans le mauvais sens du terme. C’est-à-dire que cet homme va tout faire pour draguer cette femme, de manière pataude et pénible, et celle-ci n’aura droit choix que d’accepter ses avances pour s’en débarrasser. Même en la sachant mariée, il va faire du forcing pour se la faire. Alors on pourrait croire qu’elle est consentante, mais à la base, elle refuse ses avances et se retrouve même étonnée de le voir au portail de sa maison. Le réalisateur filme cela de manière assez banale et c’est très étrange comme sensation. On comprend bien que cela a un rapport avec le titre du film et la légende à laquelle il se rapporte (légende racontée durant la première partie), mais on restera circonspect sur les manières de cet homme.

Exemple de mise en scène

Si le scénario peut paraître nébuleux et ne pas raconter grand-chose, on ne peut pas en dire autant de la mise en scène de Hong Sang-Soo. Tout simplement parce que c’est à la fois simple et beau. Bien loin des standards du thriller coréen, mais en phase avec une qualité de réalisation de son pays, le cinéaste propose beaucoup de plans fixes avec des personnages qui parlent, soit en face à face, soit au téléphone. Il est très rare de voir la caméra bouger, si ce n’est à l’angle d’une rue pour suivre la belle femme du second segment du film. Chaque plan est savamment pensé comme un tableau et tente de raconter une chose précise. D’ailleurs, le film est chapitré et les plans sont en adéquation avec ce qui est expliqué. C’est à la fois simple et sophistiqué et tout tend à montrer les talents de réalisation du cinéaste.

Au final, Turning Gate est un vrai film de cinéma dans le sens formel. C’est-à-dire que c’est beau et les images servent le propos du scénario. Cependant, c’est dans l’écriture que l’on va rester plus circonspect. A travers le portrait de cet homme errant, aussi bien dans sa tête que dans son cœur, on va voir un personnage à la fois attachant, mais aussi lourd dans ses méthodes de drague. Un personnage dichotomique et parfois trop mystérieux pour pleinement nous embarquer à ses côtés. Bref, Turning Gate est un film clivant, intéressant, mais aussi lent et contemplatif, ce qui peut en rebuter plus d’un.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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