avril 26, 2024
BD

L’Or d’El Ouafi

Auteurs : Paul Carcenac, Pierre-Rolan Saint-Dizier et Christophe Girard

Editeur : Michel Lafon

Genre : Biographie

Résumé :

L’histoire incroyable de l’un des plus grands athlètes français du XXe siècle. Jeux olympiques d’Amsterdam 1928. El Ouafi s’aligne au départ du marathon.
À la surprise générale, il remporte la médaille d’or pour la France.
Qui est ce petit ouvrier de chez Renault, cet enfant du désert à la chevelure hirsute qui ose défier les plus grandes vedettes de l’époque ?

Avis :

Quand on jette un coup d’œil dans le rétroviseur des champions olympiques français, on ne trouve pas forcément de noms qui viennent d’un coup, sauf si l’on est fan absolu d’athlétisme. A la louche, le plus loin que l’on puisse se souvenir, on pourrait citer Alain Mimoun, qui a remporté l’or olympique sur le marathon de Melbourne en 1956. En même temps, c’est l’athlète français le plus récompensé de tous les temps avec pas moins de 32 titres de champion de France. Pour autant, si on cherche un peu plus loin, on va trouver le nom de Boughéra El Ouafi. Symbole du sportif français oublié, l’athlète a pourtant ramené une médaille d’or au marathon des jeux olympiques d’Amsterdam en 1928. Et ce n’est que justice qu’une bande-dessinée lui rende hommage près de cent ans plus tard, afin de raconter son parcours extraordinaire et sa fin tragique.

L’histoire débute d’ailleurs avec Alain Mimoun qui va recevoir les honneurs du président de la République et qui demande à recevoir Boughéra El Ouafi, quand il a disparu des radars. C’est alors que le président lui demande de raconter son histoire. A partir de là, nous allons partir en Algérie dans les années 1900, où le jeune El Ouafi garde des chèvres dans le désert et part parfois à la recherche d’une brebis égarée. Alors que la Première Guerre Mondiale gronde, il prend les armes pour la France et se retrouve dans le Nord. Il va sauver un soldat dans le no man’s land grâce à ses qualités physiques et il va s’attirer le regard d’un supérieur qui va l’entrainer pour divers marathons. Une fois la guerre finie, il part habiter dans le Sud de la France et va encore se faire remarquer sur des marathons.

Pour des raisons budgétaires, il part alors sur Paris, travaille chez Renault et continue à s’entrainer pour participer aux jeux olympiques, qu’il va gagner à la surprise générale. Là, on est clairement dans le bon côté de la biographie. Sans non plus tomber dans l’hagiographie, les auteurs nous proposent un portrait simple, d’un homme simple, qui se contente de peu et aime courir. Ce sont pour lui des années presque bénies, alors même qu’il est loin de sa famille, et, étrangement, la BD ne s’attarde pas vraiment sur les récits épistolaires qu’il envoyait en Algérie. L’accent est clairement mis sur sa routine et sa bonhommie, faisant confiance à tout le monde et écoutant tous les conseils que l’on pouvait lui donner. On voit que El Ouafi était un bon gars, un ami fidèle, qui ne possédait pas une once de malhonnêteté en lui.

La première partie du récit, la plus longue, s’engage donc à raconter une tranche de vie extraordinaire. Et à rendre le personnage éminemment sympathique. C’est dans la seconde partie de la BD que les choses vont changer et que la vie de Boughéra El Ouafi va sombrer dans l’oubli. Malgré le succès et ses qualités physiques, il ne pourra plus participer aux jeux olympiques, suite à une règle complètement stupide. Il va alors retourner au travail et boire des canons avec ses amis de l’usine. Sauf que sa naïveté va lu jouer des tours, et l’argent qu’il a gagné avec l’or des jeux olympiques va lui être volé. Sans le sou, Boughéra sombre dans la misère la plus totale, et dans une routine qui fera peine à voir. Cette deuxième partie s’évertue alors à décrire la déchéance de cet homme, qui se retrouve seul.

La construction de la BD est très efficace. On va ressentir une profonde empathie pour ce jeune homme qui vit pour la course et qui mène une vie simple. Sa chute va être brutale et il va faire de mauvaises rencontres et de mauvais choix qui lui seront fatals. Ironie du sort, c’est une fois oublié de tous qu’il va rencontrer le président, celui-ci ne faisant rien de plus que de l’écouter, n’ayant pas même un mot de remerciement ou de regret. Mais le pire n’est pas encore arrivé, puisque dans les dernières planches, nous assistons, impuissant, au meurtre d’El Ouafi, qui se fera fusiller dans des circonstances étranges. Et vu le contexte raciste décrit sur certaines planches, avec notamment des ouvriers qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’immigrés africains, on ne peut que supposer un crime racial.

L’autre gros point fort, outre sa construction et son devoir de mémoire, c’est son dessin. Si l’on retrouve des éléments classiques sur de nombreuses cases, il en ressort tout de même quelque chose de très sincère, à l’image de son héros. Le début, en Algérie, est très lumineux, très joyeux, puis le passage dans la guerre est plus gris, avec notamment une grande planche d’explosion. Par la suite, la luminosité revient lorsque l’action se déroule dans le Sud de la France, avant de repartir vers quelque chose de plus sombre, lorsque Boughéra se fera exploiter par un cirque aux States. Le dessinateur trouve toujours le ton juste dans ses graphismes pour coller au mieux aux propos et c’est une belle réussite.

Au final, L’Or d’El Ouafi est une bande-dessinée fort recommandable, qui met en lumière l’un des premiers héros français des jeux olympiques, ici tombé dans l’oubli. Plus qu’un devoir de mémoire envers une personne extraordinaire, il s’agit ici de traverser tout un tas de thèmes en remettant en avant un héros tombé dans la désuétude. Ainsi donc, histoire de France, racisme et destin hors normes seront les maîtres mots d’une bande-dessinée à la fois ludique, intéressante et choquante sur sa fin.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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