avril 19, 2024

Le Ciel Attendra – Daesh et les Femmes

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De : Marie-Castille Mention Schaar

Avec Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant, Clotilde Courau, Zinedine Soualem

Année : 2016

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Sonia, 17 ans, a failli commettre l’irréparable pour « garantir » à sa famille une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l’école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d’un « prince » sur internet. Elles pourraient s’appeler Anaïs, Manon, Leila ou Clara, et comme elles, croiser un jour la route de l’embrigadement… Pourraient-elles en revenir?

Avis :

Marie-Castille Mention-Schaar est une jeune réalisatrice qui pour l’instant fait ce que l’on pourrait appeler du 50/50. Si ses deux premiers films ont eu bien du mal à trouver grâce aux yeux des critiques et des spectateurs, la réalisatrice a changé la donne avec ses deux suivants. Premièrement en 2014 avec « Les héritiers » qui fut porté par un très bon bouche à oreille. Puis deuxièmement avec « Le ciel attendra » qui est l’un des coups de cœur de la semaine.

« Le ciel attendra » est l’exemple type du film dont on peut avoir de sacrés a priori en allant le voir. C’est même le genre de film avec un concept clientéliste dans le genre, « on va faire un film sur un sujet d’actualité brûlant » comme ça, on est presque sûr que ça fonctionne. Mais en fin de compte, « Le ciel attendra » est un film d’une justesse et d’une force magnifique. C’est un film qui touche à l’intime sur un sujet d’actualité que l’on connaît finalement très mal. Avec ce film, Marie-Castille Mention-Schaar met en lumière l’emprise puante que Daesh exerce pour convertir à sa cause et le tout dans une intimité, une humanité et un réalisme troublant, révoltant et émouvant.

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Sonia, dix-sept ans, veut tout faire pour partir en Syrie afin de sauver les siens et leur garantir une place au Paradis. Arrêtée de justesse avant le départ, elle fait vivre un enfer à ses parents. Mélanie, le même âge, vient de perdre sa grande mère et se laisse séduire par un nouvel ami sur Facebook, appelé Beau Prince. Sylvie quant à elle, essaie tant bien que mal de survivre depuis le départ de sa fille pour la Syrie. Sur les routes de l’embrigadement, ces trois femmes, comme plusieurs familles, s’interrogent, font front ou cèdent.

« Le ciel attendra » est un film qui parle de l’embrigadement et surtout de l’emprise et tout le système mis en place par les recruteurs de Daesh afin de trouver de nouvelles recrues. Avec un sujet pareil et au vu de la société d’aujourd’hui et ce système qui consiste à toujours en mettre plein la vue, on était en droit de craindre un côté putassier dans la façon de parler de ce sujet. Mais il se trouve que Marie-Castille Mention-Schaar est bien plus intelligente que ça, et là où l’on s’attendait à avoir du choquant pour du buzz, on va trouver de la subtilité et de l’intime.

« Le ciel attendra » est né d’une réflexion et de cette réflexion s’en est suivi un parcours et une enquête de la part de la réalisatrice afin que son film soit le plus juste et sincère possible. Magnifiquement écrit, « le ciel attendra » invite à suivre le parcours de trois personnages face au problème « Syrie ». Très bien choisi, parfaitement monté, quand l’une est piégée dans l’embrigadement et essaie contre sa volonté de s’en sortir, faisant face à un combat intérieur des plus violents, une jeune fille tout ce qu’il y a de plus normale se fait emprisonner sans même qu’elle s’en rende compte. Et une fois le départ, il y a ceux qui restent, comme le personnage de Sylvie, dont la fille est partie en Syrie et dont elle est sans nouvelle. Trois femmes, trois destins et des vies totalement chamboulées qui gravitent autour.

Le scénario est d’une richesse rare. Marie-Castille Mention-Schaar, de manière ludique, pertinente, sans haine, aborde une multitude de sujets. « Le Ciel attendra » est un film qui parle de cette emprise donc, mais aussi du basculement, que ce soit d’un côté comme de l’autre. C’est un film qui parle de la haine qui injecte à l’autre part des manipulations abjectes, mais c’est aussi un grand film d’amour et d’espoir. Un amour sans faille, sans réserve. La réalisatrice parle excessivement bien de ces parents perdus, qui n’ont rien vu venir et qui refusent d’abandonner. On a vraiment l’impression d’être projeté au plus intime de ces personnages. La réalisatrice aborde tous les combats, car en plus des parents, il y a aussi le combat envers soi-même. Comment sortir de l’embrigadement ? Que faire ? Qui croire ? Qui manipule qui ? Et comment ne pas désespérer, malgré des moments incroyablement durs ? Ici, tout est traité de manière nuancée, sans pathos, malgré des scènes assez lourdes, qui submergent le spectateur d’émotions, dont le cri de vérité est juste.

Le scénario aborde aussi l’impuissance face à cette machine si bien rôdée. Le scénario est incroyablement détaillé et ouvre les yeux sur tout un tas de choses. Elle parle de la déradicalisation, du métier d’écoute. Elle parle des séances de soutien, du devoir d’en parler et de transmettre sans pour autant tomber dans un film pédagogique ou l’aspect documentaire. Ce qui est bouleversant avec ce film, c’est la façon dont Marie-Castille Mention-Schaar nous présente ses personnages et leurs histoires. À aucun moment, elle ne les juge, même si l’on comprend qu’elles sont autant inconscientes que coupables. La réalisatrice filme, les met face à leurs responsabilités, puis elles assument ou non. Évitant le cliché, la cinéaste a fait le choix d’éviter des cas sociaux pour installer ses histoires dans des familles sans soucis, loin des idées reçues, car là encore, c’est un sujet qu’on exploite mal dans les médias. Le film aborde aussi la religion musulmane et fait parfaitement la distinction entre islam et islamisme. Pas d’amalgame, c’est réfléchi et ça fait très bien la part de chose.

« Le ciel attendra« , c’est aussi deux actrices incroyables, bluffantes. Et si Noémie Merlant est excellente dans le rôle de Sonia, une ado qui doit réapprendre à vivre, c’est bien Naomi Amarger qui bouleversera le plus. Dans un rôle d’une simplicité absolue, l’actrice de par son naturel et son énergie qu’on lui arrache à chaque scène, est bouleversante de vérité. Un César meilleur espoir féminin sera plus que bien vu, tant elle est incroyable. Les parents sont tenus par Sandrine Bonnaire et Zinedine Soualem d’un côté et Clotilde Courau et Yvan Attal de l’autre et là encore, les interprétations saisissent. Puis une énorme mention pour Dounia Bouzar qui tient courageusement son propre rôle avec une implication et un talent rare.

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Bref, on pourrait vous parler de ce scénario et des émotions ressenties en salle pendant encore des lignes et des lignes, tant le film fut marquant. Oui, nous n’avons pas abordé la mise en scène qui reste en tête, avec des choix visuels simples, réalistes et marquants ou encore des dialogues d’une vérité incroyable… Mais le fait est que le film est très riche et très bon.

Note : 18/20

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Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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2 réflexions sur « Le Ciel Attendra – Daesh et les Femmes »

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