avril 24, 2024

Les Engagés – Politiquement Humain

De : Emilie Frèche

Avec Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, Catherine Hiegel

Année : 2022

Pays : France

Genre : Drame

Résumé :

Sur la route de Briançon, la voiture de David percute un jeune exilé poursuivi par la police. Suivant son instinct, David le cache dans son coffre et le ramène chez sa compagne Gabrielle qui vit avec ses deux enfants. Bouleversé par le destin de cet adolescent, David s’engage à l’aider coûte que coûte.

Avis :

Femme très engagée, Émilie Frèche est avant tout une auteure de roman reconnue. Après des études de philosophie, Émilie Frèche s’envole pour New York où elle va travailler au service culturel de l’ambassade. Elle publie son premier roman en 2001 et depuis elle n’a jamais cessé d’écrire. Elle compte aujourd’hui une quinzaine de romans et côté cinéma, elle s’y est aventurée en tant que scénariste. On retrouve son nom derrière le scénario de « 24 Jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi« , film réalisé par Alexandre Arcady et adapté du livre de Frèche. Puis elle a travaillé sur le très beau « Le ciel attendra » de Marie-Castille Mention-Schaar, ou encore « Ils sont partout« , film à sketches d’Yvan Attal.

S’intéressant à la situation de la ville de Briançon, qui s’avère être l’entrée pour beaucoup de migrants sur le territoire français, Émilie Frèche s’y est installée en 2018 pour en comprendre le fonctionnement, les incohérences et plus largement le problème. Fortement inspiré de par l’affaire des « 7 de Briançon » et de l’affaire Cédric Herrou, qui est le point de départ de la réalisatrice pour l’envie de s’intéresser à ce sujet, « Les engagés » est un drame qui évoque la désobéissance face à la loi, ou comment des gens ordinaires voient leur vie bouleversée du jour au lendemain, lorsqu’un événement vient les percuter. Tout en nuances, même s’il faut aussi dire que le film est très engagé politiquement parlant, ce premier film pour Émilie Frèche est aussi intéressant que touchant.

« L’engagement, le devoir, le civisme, et la désobéissance pour la solidarité, et plus largement l’humanité, « Les engagés » est un film qui est loin d’être évident, car il tient en lui-même un sujet brûlant. »

Ce jour-là, David rentre d’une journée à la montagne avec sa compagne et les deux enfants de cette dernière. Ce jour-là, David manque de renverser un jeune migrant qui est pourchassé par la police. Le migrant en question est un mineur de quinze ans et en une fraction de seconde, David le cache dans son coffre. Ce jour-là, il ne le sait pas encore, mais David vient de s’engager, et il va tout faire pour venir en aide à cet adolescent.

L’engagement, le devoir, le civisme, et la désobéissance pour la solidarité, et plus largement l’humanité, « Les engagés » est un film qui est loin d’être évident, car il tient en lui-même un sujet brûlant, et derrière ça, il fait appel au travers de ses personnages à des questions et des réflexions qui sont loin d’être faciles. Il est parfois facile de juger une situation tant que l’on n’y est pas confronté et parfois, sans crier gare, sans qu’on ait demandé quelque chose, l’engagement nous tombe dessus. Parfois, la vie se charge de mettre sur la route d’un personnage une situation devant laquelle cette dernière ne peut plus fermer les yeux et c’est le point de départ du film d’Émilie Frèche qui, même si dans ce qu’elle raconte rappelle fortement des affaires qui ont eu lieu, se pose toutefois comme une fiction.

Très intéressant, nuancé et politiquement engagé en même temps, le film d’Émilie Frèche se pose comme la carte postale d’un problème, et au travers de son scénario, la réalisatrice a l’intention d’exposer tous les soucis qu’on peut y trouver en ce lieu, qui est comme pris en otage pour tout un tas de faits. Si on ne peut nier l’axe et la direction engagés que prend le film pour dénoncer une hypocrisie qui se pose sur une parcelle de dix kilomètres, son film n’en demeure pas moins captivant. On aurait pu imaginer une intrigue qui raconterait le parcours de migrants, mais ce n’est pas le cas ici (même si au détour de quelques conversations, ceci est évoqué), car ce qui intéresse la réalisatrice, c’est un point de bascule, celui où un personnage s’engage malgré tout, et presque contre tous.

« Le film d’Émilie Frèche respire le travail et la documentation. »

Abordant comme je le disais la désobéissance face à la loi, Émilie Frèche questionne la morale, les devoirs et le sens de l’humain au travers de ces deux personnages qui sont aussi intéressants l’un que l’autre. Puis derrière ça, la cinéaste parle du combat associatif, des lois, des procédures et de l’organisation pour les bénévoles, démontrant aussi que derrière les sentiments humains, derrière le désir d’aider, il faut savoir s’organiser, et ne pas partir tête baissée, ce que le personnage de David aura bien du mal à concilier. Toujours du côté de l’engagement, la réalisatrice aborde plusieurs sortes d’engagement, avec de petits niveaux, et d’autres plus grands et intenses, comme des maraudes en pleine nuit.

Puis derrière ça encore, la réalisatrice parle de Briançon et de ses alentours, peignant la forte présence policière, qui fait des rondes incessantes sur une parcelle d’environ dix kilomètres. Dix kilomètres d’une folle hypocrisie, où la pression est dingue et où l’on joue sur les mots pour reconduire des gens à la frontière. Bref, à bien des arguments, des événements et du détail, le film d’Émilie Frèche respire le travail et la documentation, même si parfois, il faut aussi noter que pour dénoncer certains faits, le film manque un peu de subtilité et peut avoir tendance à utiliser de gros sabots.

« Le personnage de Gabrielle est passionnant. »

Pour le casting, la réalisatrice s’est très bien entourée, confiant de bon et beau rôle à Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Catherine Hiegel, Bruno Todeschini et Youssouf Gueye. Peignant tout un panel de personnages qui s’engagent plus ou moins, peignant des nuances, des désaccords et des émotions, certains auront plus tendance à ressortir, et si Benjamin Lavernhe est excellent comme toujours, dans la peau d’un homme qui d’un coup, lorsque « ça » lui tombe dessus, ne peut fermer les yeux, comme il le faisait habituellement, il est vrai que le rôle de Gabrielle tenue par Julia Piaton est celui qui m’aura le plus tenu, car il est très riche et très complexe, partagé entre beaucoup d’éléments avec d’un côté ses enfants, la peur de les perdre si elle s’engage, et de l’autre l’engagement face à des vies abîmées qu’il faudrait aider.

Puis derrière ça, il y a aussi le choix de s’engager pour donner un exemple à ses enfants, montrer qu’on doit se battre pour de bonnes convictions, même si cela peut engendrer beaucoup de choses. Bref, le personnage de Gabrielle est passionnant.

Ce premier film pour Émilie Frèche est donc très intéressant. En s’inspirant d’un fait réel, tout en faisant une fiction avec, la réalisatrice et ses acteurs peignent des destins, des décisions, des choix, et surtout un engagement qui n’était pas prévu. Si parfois le film peut manquer de mesure, et développe peut-être trop un point de vue par rapport à un autre, sur son ensemble, ces « … engagés » sait bien nous emporter et nous tenir jusqu’à son final. À voir.

Note : 14/20

Par Cinéted

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