Titre Original : Run All Night
De : Jaume Collet-Serra
Avec Liam Neeson, Ed Harris, Joel Kinnaman, Genesis Rodriguez
Année: 2015
Pays: Etats-Unis
Genre: Action
Résumé:
À Brooklyn, Jimmy Conlon, mafieux et tueur à gages qu’on surnommait autrefois le Fossoyeur, n’est pas au mieux de sa forme. Ami de longue date du caïd Shawn Maguire, Jimmy, qui a aujourd’hui 55 ans, est hanté par ses crimes – et traqué par un inspecteur de police qui, depuis 30 ans, n’a jamais renoncé à l’appréhender. Et ces derniers temps, il semble que le whisky soit le seul réconfort de Jimmy.
Mais lorsqu’il apprend que sa prochaine mission consiste à éliminer Mike, son fils qu’il n’a pas revu depuis des années, Jimmy doit choisir entre la « famille » mafieuse qu’il s’est construite et la vraie famille qu’il a abandonnée il y a bien longtemps. Tandis que Mike est en cavale, Jimmy comprend que pour racheter ses fautes passées, il lui faut sans doute protéger son fils du sort funeste qui l’attend lui-même désormais… Alors qu’il n’est plus en sécurité nulle part, Jimmy ne dispose que d’une seule nuit pour résoudre son conflit de loyautés et s’amender enfin.
Avis:
Depuis la déferlante décomplexée de cinéma de genre qui eut lieu dans les années 80, et qui faisait suite à la révolution âpre et virulente du Nouvel Hollywood, chaque décennie a eu son action-hero qui galvanisait les foules testostéronées en multipliant comme des petits pains les séries B un peu coulées dans le même moule.
Certes des acteurs bodybuildés et/ou bagarreurs, il en a existé des tas, des McQueen, des Bruce Lee, des Stallone et des Schwarzenegger, mais il y en avait toujours un qui nous semblait être partout, et répéter le même film ad libitum.
Les 8O’s connurent l’hégémonie du barbu Norris et du moustachu Bronson, qui firent les beaux jours de l’ère Reagan où la juste violence était loi et où les ennemis se cachaient partout, chez les communistes autant que chez les terroristes arabes ou les voyous new-yorkais.
Dans les années 90, à défaut de se faire plus subtile, la bagarre se fit plus acrobatique avec le triomphe d’un européen à la foi inextinguible que rien ne prédestinait pourtant à faire plier l’Amérique : Jean-Claude Van Damme. Il s’engouffra si bien dans la brèche et se noya tant dans la starification, que son omniprésence fut également la raison de sa déchéance, jusqu’à à ce qu’on parle de « parodie du film de JCVD » à propos de Piège à Honk-Kong.
À l’orée du second millénaire, se fut au tour de l’ancien plongeur Jason Statham de se faire un nom dans le monde de l’actioner, monopolisant tant les écrans partout où ses talents martiaux pouvaient être utiles (The One, Carton Rouge, Le Transporteur, Chaos, King Rising, Hyper Tension ou encore Rogue) qu’on a fini par donner à ses différents films, tellement similaires dans les styles et les intrigues, le gentil surnom de Stathameries.
Il aurait d’ailleurs pu être sacré roi incontesté de la série B bourrine actuelle, lui qui continue à sévir régulièrement sur les écrans (entre les Expendables, Killer Elite, Safe, Parker, HomeFront ou le prochain Fast & Furious, pépère tient la forme), si un outsider n’était venu mettre son grain de sel presque par hasard, cédant aux sirènes de la castagne après un essai transformé.
J’ai nommé notre principal intéressé : Liam Neeson.
Auparavant plus connu pour ses rôles historiques (La Liste de Schindler, Rob Roy, Michael Collins ou les Misérables) que pour administrer des bourre-pifs (même s’il s’était déjà essayé au film de genre vitaminé avec le Darkman de Sam Raimi en 1990), Liam Neeson se découvre pourtant des velléités de distributeur de tatanes lorsque le français Pierre Morel le choisit pour être son papa poule ancien agent secret à la recherche de sa fille enlevée dans Taken. Un personnage de badass torturé (et torturant) qui semble depuis lui coller à la peau.
Car si la légitimité testostéronée ne l’empêche pas de tourner aussi dans des blockbusters grand public (Le Choc des Titans, L’Agence tous risques), des drames (Puzzle), des films policiers (Balade entre les tombes) ou des comédies (Albert à l’Ouest), force est de constater qu’un nouveau film dans la veine de Taken sort depuis lors régulièrement, assez régulièrement pour que les petits malins se gaussent devant la bande-annonce d’un nouveau « Liam Neeson movie ».
Six films depuis 2008, Taken aura eu droit à sa trilogie (en attendant le suivant ?) et Jaume Collet-Serra aura fait de Liam sa muse, en lui offrant le rôle principal de ses trois derniers films, Sans Identité, Non-Stop, et maintenant Night Run.
Un nouveau rôle d’ancien agent secret/ancien forces spéciales/ancien air marshall/ancien tueur de la pègre (rayez les mentions inutiles) amnésique/alcoolique/désabusé (rayez les mentions inutiles) obligé de fuir/pourchasser les méchants sans perdre une seconde (rayez la mention inutile) en perspective, n’en jetez plus, à la vue de la simple bande-annonce, la messe est dite, rien de neuf sous le soleil.
Et bien pas tant que ça.
Certes on se retrouve une fois de plus avec le même canevas, dans la même ambiance froide et urbaine, pour une histoire sombre et rugueuse. Ici celle de Jimmy Conlon, ex tueur à gages passé du mauvais côté de la bouteille, honni par son fils (impeccable Joël « The Killing » Kinnaman), dans le collimateur d’un flic teigneux (la belle présence de Vincent D’Onofrio), et qui n’a plus comme soutien que son ex patron et ami Shawn (un très très grand Ed Harris). Un statut Quo qui risque de changer le jour où Mike, le fils de Jimmy, est témoin de l’assassinat de deux dealers par le fils de Shawn. S’en suit une succession de mauvais choix et de hasards malheureux, une réaction en chaine qui va les forcer à fuir toute la nuit avec tout ce que New-York compte de mafieux et de policiers aux trousses.
Une intrigue classique donc, qui a pour elle une relative unité de temps et de lieu, ce qui permet au rythme de ne jamais retomber, sans pour autant décoller réellement. Des scènes d’action, il y en a pourtant, duel à mains nues dans des toilettes de métro, course poursuite dans les ruelles étroites, carchase dans la circulation et gunfight dans les bois, mais les bonnes idées de Night Run sont régulièrement contrebalancées par des fautes de goût ou une utilisation pas abouties de celle-ci, ce qui laisse un amer goût de frustration.
Le problème le plus ennuyant, qui tire le film vers le bas, est sans doute le montage à la limite du catastrophique, qui perd plus souvent le spectateur qu’il ne l’immerge dans la séquence, rendant peu lisible une action qui méritait une limpidité sèche pour coller à l’ambiance du film. Et c’est fort dommage, car ce procédé un peu épileptique malheureusement courant gâche le travail de cadrage et de réalisation de Jaume Collet-Serra.
Car sans être un réalisateur de haut niveau, l’homme derrière l’excellent slasher La Maison de Cire est loin d’être un tâcheron, et sais régulièrement apporter une idée neuve, un plan original et percutant qui apportera une plus-value au métrage. Las, il faudra se concentrer sur les moments de calme pour repérer ces plans fluides, originaux et efficaces dont le catalan a le secret, même si le monteur se calme lors du climax digne de ce nom, clair, simple et percutant.
Non, l’intrigue générale mise de côté et les séquences jouissives gâchées oubliées (dont un très beau duel dans un appartement en feu qu’on aurait aimé plus clair et plus long), c’est du côté des acteurs et des relations entre les personnages qu’il faudra se tourner.
C’est sur ce plan que Night Run réussit à emporter la mise, lors des nombreux échanges et confrontations qui mettent face à face des héros à la grande densité. Les personnages sont tous très ambivalents, subtils, marqués, et, il faut bien le dire, n’ayons pas peur des mots, ils puent la classe par tous les pores de leur peau.
Que ce soit Ed Harris en mafieux plus ou moins repenti, tiraillé entre son amitié pour Jimmy et la loi du sang, Liam Neeson en homme seul hanté par son ancienne vie, Joël Kinnaman en honnête homme rattrapé par son passé familial, Vincent D’Onofrio en flic revanchard mais prêt à pardonner, ou même le rappeur Common en tueur Terminator au charisme indéniable, tous les protagonistes sont campés de manière impeccable, et leurs échanges tient souvent plus en haleine que les fusillades et autres scènes de pif paf. On aura même droit, lors d’une séquence révélatrice, à un caméo de luxe auquel on ne s’attendait absolument pas, et qui apporte encore une caution burinée et dense à l’ensemble.
Ce sont eux qui apportent une part d’humanité et de profondeur au métrage, là où l’action pure, sans pour autant échouer, pêche un peu par manque d’intensité et de lisibilité.
Oui, Night Run est bien un « Liam Neeson movie » de plus, mais pas que, et la facette sensible, presque poignante, révélée par les situations et les relations entre les personnages, permet au film de s’élever loin au-dessus de la trilogie boursouflée d’Europa Corp.
Note : 14/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=s1ce_tRaElQ[/youtube]
Par Corvis
Une réflexion sur « Night Run – C’est Chaud une Ville, la Nuit »