mars 19, 2024

La 25e Heure – Feldrik Rivat

Auteur : Feldrik Rivat

Editeur : Homme Sans Nom

Genre : Fantastique

Résumé :

Décembre 1888. Alors que le bon peuple de Paris s’interroge sur cette tour que l’impérieux Gustave Eiffel fait édifier à grands frais, d’étranges rumeurs circulent dans les faubourgs de la capitale : les morts parlent !
Interpellé par la presse à ce sujet, le préfet de police M. Henry Lozé tourne en ridicule « les plaisanteries de quelques coquins ». Ainsi parle-t-il devant le beau monde, sous les feux électriques du parvis de l’Opéra Garnier. Mais, depuis l’ombre de ses cabinets, l’homme lance sur cette affaire les plus fins limiers de la République.
Pendant ce temps, l’Académie des sciences en appelle à ses éminents savants pour que la pensée rationnelle, une fois pour toutes, triomphe des ténèbres de l’obscurantisme.

Avis :

Tant dans le domaine du polar, du steampunk ou de l’histoire, le XIXe siècle, et spécialement l’époque victorienne, occupe une place de premier choix ; en littérature plus que dans n’importe quel autre média culturel. Théâtre de bien des péripéties, la fascination de cette période ne cesse d’alimenter fantasmes et réalités sur fond d’intrigues fictionnelles. L’année 1888 bénéficie d’une charge symbolique particulière puisqu’on l’assimile généralement aux meurtres de l’Éventreur. Pourtant, il n’est nulle question ici de Londres ou d’un tueur en série ayant réellement existé. Avec la 25e heure, on explore plutôt la capitale française…

Moins exposé que son pendant britannique, Paris possède à bien des égards, des similarités qui justifient de la rapprocher du contexte victorien. L’atmosphère lugubre de ses quartiers malfamés contraste avec le raffinement de certains lieux, tandis que son aristocratie côtoie l’indigence des bas-fonds. Enchevêtrement hétéroclite des castes sociales et des cultures, Paris est, sous la plume de Feldrik Rivat, une cité de contradictions, de mystères et de charmes. Et c’est sans doute ce qui en fait sa singularité. Ajoutons une fin de siècle soumis à d’importants bouleversements sur le plan scientifique et industriel et l’on obtient une base narrative des plus prometteuses.

Pour illustrer la richesse de son cadre, l’auteur opte pour le mélange des genres. Déjà connu pour une trilogie de fantasy, Les Kerns de l’oubli, il amalgame le roman policier classique avec le fantastique, l’historique, ainsi qu’avec des éléments de steampunk bienvenus. La trame apporte les fondamentaux d’une enquête ordinaire, au détail près que les événements se parent d’incongruités et trouvent une réponse éloignée de toute rationalité. Malgré deux genres aux antipodes, la progression se veut rigoureuse et réaliste pour développer les investigations. On se plaît à suivre l’avancée des faits en compagnie des deux protagonistes.

D’ailleurs, ce duo n’est pas sans rappeler Burton et Swinburne dans une certaine mesure. Étant donné qu’il s’agit d’une première enquête, on ne parlera pas de complicité, mais de quelques connivences qui tendent à faire évoluer leur relation non sans subtilité. Là encore, les forces d’opposition qui les caractérisent sont raisonnées et parfaitement intégrées au cœur de l’intrigue. De rencontres incongrues en péripéties rythmées, l’on découvre plusieurs strates de Paris, mais aussi des personnages réels et imaginaires dont la présence se révèle étonnante et marquante. On pense notamment à George Méliès, le professeur Charcot, Alphonse Bertillon ou encore le jeune Henri Désiré Landru.

Certains possèdent une place d’importance, d’autres ne font qu’un bref passage. Toujours est-il qu’ils illustrent à merveille la parfaite maîtrise de l’auteur à entremêler le réel et la fiction. Qu’il s’agisse des protagonistes, du contexte ou des différentes découvertes du siècle, il en émane une cohérence à même de crédibiliser l’ensemble. Avec des indices dévoilés avec parcimonie, un dénouement qui met en suspens certaines interrogations, l’on devine des enjeux bien plus complexes et denses que ne l’autorise un seul ouvrage. Toutefois, le fait d’ouvrir le champ à un deuxième opus ne laisse en rien présager un goût d’inachevé. Bien au contraire, c’est comme si l’on observe la première pièce d’un diptyque.

Au final, La 25e heure est une très agréable surprise. Faisant preuve d’une imagination débordante, Feldrik Rivat réussit à s’approprier le cadre et le contexte historique pour mieux les détourner. Avec une plume fluide et raffinée, il s’amuse à mélanger les genres, à vaquer d’ambiances contrastées en suites logiques propres à faire avancer l’intrigue. Si l’on remarque une prépondérance des codes du polar, les autres styles ne sont pas en reste avec une importance certes timorée, mais non moins percutante. Œuvre aussi originale que décalée, La 25e heure est également une enquête rigoureuse et particulièrement réaliste. Un petit bijou méconnu qui mériterait une plus grande présence sur la scène littéraire.

Note : 17/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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