
Auteur : Jeff Smith
Editeur : Delcourt
Genre : Fantasy, Aventure
Résumé :
Chassés de Boneville, les trois cousins Bone arrivent dans une forêt qui ne figure sur aucune carte. Ils y découvrent un monde où une guerre ancestrale est sur le point de reprendre et y rencontrent un dragon fumeur de cigarettes, des rats-garous mangeurs de quiches, la jolie Thorn et sa grand-mère, capable de battre un troupeau de vaches à la course.
Avis :
On réduit souvent l’univers du comics américain aux récits de super-héros. Et c’est facilement compréhensible tant les Marvel et DC ont pignon sur rue avec des éditeurs spécialisés et des sorties en grande pompe. Pourtant, le comics américain ne se contente pas d’histoires de surhumains, et il recèle de bien d’autres genres, comme du policier, du drame, du fantastique et de la fantasy. C’est d’ailleurs dans ce registre que prend place l’aventure de Bone, petit être tout blanc qui se retrouve perdu dans une vallée énigmatique avec ses deux cousins. Entièrement scénarisée et dessinée par Jeff Smith, cette saga qui est sortie en neuf tomes chez nous entre 2005 et 2010, est un vrai délice pour les yeux, alliant un dessin remarquable à une histoire grandiloquente, à la fois tragique et drôle.

L’histoire commence avec Fone Bone et ses deux cousins, Smiley et Phoney, qui fuient la ville de Boneville, car Phoney, qui était le Bone le plus riche de la ville, a fait une énorme bêtise et toute la population en avait après lui. Les trois personnages se retrouvent alors dans une vallée qui n’apparait sur aucune carte, et après une invasion de criquets, ils se perdent de vue. Fone fait alors la connaissance de Thorn, une jeune fille très gentille, et de sa grand-mère, Mamie Ben. Les choses commencent alors à déraper lorsque des rats-garous attaquent la maison de Mamie Ben, et qu’un grand méchant fait son apparition, le seigneur des criquets. Entre rêve et réalité, avec la présence de dragons et d’autres êtres tous plus étranges les uns que les autres, Bone va découvrir un destin aventureux.
L’histoire peut paraître relativement simple, mais elle va se complexifier au fur et à mesure des tomes. Il va être question d’héritage, de magie, de princesse, de rêves qui peuvent prendre de plus en plus de place dans la réalité, et d’un grand méchant qui veut revenir à la vie pour se venger. Tous les éléments d’un récit Fantasy épique sont réunis, pour une aventure qui ne faiblit pas durant les neuf tomes. Le rythme est relevé, il se passe toujours quelque chose, et à chaque tome il y a des évènements qui viennent approfondir le monde, avec notamment un long flashback sur la mythologie des dragons et la venue du seigneur des criquets. La simplicité de l’histoire côtoie une narration fluide et plaisante, même dans ses flashbacks, ou encore dans une richesse insoupçonnée d’un monde inventif.
Le plus intéressant là-dedans, c’est que tout cet aspect grandiloquent ne prend jamais le pas sur l’humour qui est omniprésent. Et surtout, il est présent par petites touches, sur des moments inattendus, avec une sorte de naïveté qui se fait très touchante. Fone Bone est un personnage profondément bon et empathique, et quand il lui arrive des bricoles, c’est toujours avec un aspect enfantin bienvenu. Le coup de la neige qui tombe d’un coup en hiver est hilarant. De même, les dessins de Jeff Smith sont assez intéressants, car ils sont très simples quand il faut représenter les Bone, où tout se joue sur leurs expressions faciales, et plus complexe quand il faut faire des humains. Cette dichotomie donne un vrai charme à l’ensemble. Le seul regret que l’on peut avoir concerne le grand méchant, qui n’est pas assez charismatique.
D’ailleurs, pour en savoir plus, il faut lire un spin-off qui se concentre sur la jeunesse de Mamie Ben et de Lucius, et vers la fin du récit, on a droit à plusieurs astérisques qui renvoient justement à la lecture de ce tome. Et on sent qu’avec ce bagage en plus, le seigneur des criquets prend plus d’ampleur, et ses ambitions sont sans doute plus explicites. Néanmoins, celui ne nuit aucunement la lecture, et les autres personnages sont très travaillés. Outre Fone Bone, ses deux cousins sont deux facettes opposées. Smiley est un peu foufou et insouciant, avec que Phoney ne pense qu’à l’argent. C’est un égoïste pur que l’on va adorer détester. Et puis il y a Thorn, à la fois fragile et forte, qui découvre son passé de façon brutale. Et mamie Ben constitue l’image de la femme forte, qui n’a pas peur de castagner du monstre.

Au final, la saga Bone est un réel plaisir de lecture qui n’a pas pris une ride en vingt ans d’existence. L’histoire est toujours aussi plaisante à lire, avec un aspect épique et tragique propre à la Fantasy, mais on y retrouve aussi des éléments humoristiques qui font mouche à chaque fois, entre gags visuels et histoire parallèle incongrue (la course de vaches). Il faut ajouter à cela des personnages hyper attachants et quelques antagonistes empathiques (le duo de rats-garous). Bref, Bone demeure une parfaite alternative aux récits de super-héros, et la preuve que les américains sont tout à fait capables de faire autre chose avec un talent fulgurant.
Note : 17/20
Par AqME
