décembre 6, 2025

Silent Hill f

Résumé :

Dans la ville montagneuse isolée d’Ebisugaoka, l’adolescente Shimizu Hinako mène une vie ordinaire—jusqu’à ce qu’un épais brouillard s’abatte, transformant son foyer familier en un lieu désolé et terrifiant. Alors que la ville semble abandonnée et qu’une menace inconnue rôde dans la brume, Hinako doit explorer les vestiges spectraux de son passé, résoudre des énigmes complexes et affronter des entités effroyables pour survivre. Confrontée à des choix impossibles, elle devra ultimement choisir entre la beauté et la folie, affrontant les horreurs qui l’attendent dans le brouillard.

Avis :

Dans le paysage vidéoludique, la saga Silent Hill occupe une place particulière, notamment auprès des amateurs d’histoires horrifiques ô combien tourmentées. Délaissée par Konami pendant plus d’une décennie, la franchise a effectué un retour progressif, au début des années 2020. L’annonce de plusieurs jeux vidéo, d’une série interactive et d’un nouveau métrage signé Christophe Gans a suffi à susciter une certaine attente. Après le très bon remake de Silent Hill 2, le présent titre s’écarte du cadre habituel. Il tente de surprendre les joueurs, qu’ils soient novices ou rompus aux errances torturées dans la ville éponyme. Silent Hill f marque une incursion dans le Japon des années 1960, à Ebisugaoka.

Un changement d’orientation drastique

De prime abord, il peut paraître étonnant de baptiser un jeu qui n’a aucun rapport apparent avec la bourgade américaine. Le bon sens voudrait qu’on reste ancré dans le cadre initial afin d’étayer des histoires inédites, comme ce fut le cas par le passé. En somme, la rencontre des personnages avec la ville et ses curieux phénomènes. Un tel revirement demeure néanmoins louable pour renouveler la formule de base, ne pas se cantonner à des itérations par trop similaires avec les précédents opus.

Il s’agit d’un risque qu’il convient de reconnaître et d’apprécier, même s’il ne portera pas ses fruits. Déjà initié avec Silent Hill – The Short Message, le nom de la ville renvoie désormais à un étrange syndrome qui ne se résume plus à une simple localisation géographique. L’explication reste intéressante à appréhender. Toutefois, elle ne révèle pas encore tout son potentiel, y compris dans la présente intrigue. Le concept fait surtout office de prétexte pour se lancer dans une aventure sinistre, à la dimension psychologique dérangée.

Bienvenue à Ebisugaoka…

Silent Hill f part donc sur de bons a priori et soulève une curiosité évidente. Le contexte des sixties et de l’environnement rural nippon n’y est pas étranger. L’occasion est donnée d’explorer le folklore local, les légendes qui nourrissent les croyances de la population. L’architecture et l’agencement des lieux présentent d’indéniables qualités pour renforcer l’immersion et un sentiment oppressant. Si la progression se déroule en vase clos, elle distille une atmosphère très particulière, eu égard à ces fleurs et ces excroissances de chair envahissantes qui gangrènent tout sur leur passage.

Faisant la part belle aux mystères impalpables et inquiétants, l’ambiance demeure similaire à un autre projet de Ryūkishi07 : Hinamizawa, le village maudit. Afin d’effectuer un parallèle avec l’état d’esprit insufflé dans les précédents Silent Hill, on y retrouve ce brouillard impénétrable qui hante les ruelles et la campagne environnante. À cela s’ajoute une alternance entre la « réalité » et un monde de ténèbres, semblable à une forme d’au-delà ou d’entre-deux. Ces derniers moments sont l’occasion de creuser et de fouiller dans les mythes japonais.

Des combats aussi pénibles qu’inutiles

Pour autant, Silent Hill f multiplie très vite les déconvenues. Cela tient tout d’abord à son gameplay, en particulier les combats. Hinako Shimizu dispose d’armes de fortune, trouvées çà et là. On y retrouve, entre autres, des tuyaux, des couteaux de cuisine, des serpes… Celles-ci présentent une durée de vie limitée. Il convient alors de les réparer à l’aide d’une boîte à outils ou d’éviter les ennemis. Comme dans d’autres survival horror, la gestion des ressources et de l’équipement ne constitue pas un problème.

En revanche, les affrontements sont bancals, à plus d’un titre. Les mouvements se montrent laborieux, tandis que la caméra n’aide guère à recentrer l’action, même si l’on focalise l’attention sur une cible. Il est nécessaire d’anticiper les gestes erratiques des monstres et d’adopter un timing décalé avant que leurs assauts ne nous atteignent. Les créatures disposent d’une célérité et d’une ampleur de mouvement que le personnage principal ne possède pas. Il faut également surveiller et bien jauger l’endurance, sous peine de se retrouver totalement vulnérable, sans possibilité d’attaque, d’esquive ou de fuite.

Quand l’action frénétique prend le pas sur l’ambiance

Les combats de Silent Hill f sont donc synonymes de frustration. Cela ne relève pas d’une difficulté mal dosée, mais d’un système confus et guère maîtrisé. Il s’agit là de la principale faiblesse du titre de Konami. Pour autant, les développeurs ont décidé de favoriser lesdites séquences d’action. Ce qui s’avère antinomique en ces circonstances. Les monstres sont nombreux. La progression est donc laborieuse. Elle encourage plus à l’évitement ou à la fuite qu’à la confrontation directe, a fortiori dans des espaces restreints. Le fait de s’affranchir de l’héritage des anciens opus se montre alors hypocrite. On occulte des éléments fondateurs, tout en piochant çà et là des idées de réalisation de ces mêmes jeux.

Les développeurs justifient une telle approche par une volonté de toucher un plus large public, d’évoluer vers des ambitions différentes. Cependant, délaisser l’effroi psychologique au profit de séquences nerveuses et gérées avec les pieds n’est guère une décision pertinente. Car l’appréhension que suscite ce parcours entre souffrances et délires hallucinés tient surtout à ces rencontres accablantes. On devine celles-ci pénibles. La crainte de se faire surprendre par un ennemi dissimulé dans les ténèbres est absente, tout comme l’inquiétude à la découverte d’un nouvel endroit dont on ignore tout. Les horreurs qui s’y perpètrent en deviennent presque secondaires.

Rendez-vous avec la peur ?

En cela, Silent Hill f présente un grand paradoxe. Il distille une atmosphère lugubre, sinon glauque, mais n’effraie à aucun moment. Les irruptions des ennemis sont attendues et ne suscitent aucun sursaut. Il est aisé de deviner les zones où l’on risque d’être attaqué. La mise en scène ne parvient pas à provoquer l’angoisse. Il ne suffit pas d’afficher des créatures au character design peu ragoûtant ou de prévoir quelques passages gores (et gratuits) pour inverser la donne. Mention spéciale au rituel de métamorphose. On assiste ainsi à une perception convenue de l’horreur qui privilégie la surenchère du sordide à la suggestion.

Au demeurant, l’histoire en elle-même ne présente pas de fulgurances notables et est assez décevante dans ses grandes lignes. Il y est question de maltraitances conjugale et infantile, de suicide ou encore d’alcoolisme. Pourtant, l’écriture demeure maladroite et n’exprime aucune nuance. On en reste au stade de considérations sommaires sans vraiment développer ces thématiques sous le prisme de la maturité. À la rigueur, le récit semble davantage préoccupé par les amours adolescentes et les rivalités entre amies, surtout dans la première partie. Tous les aspects qui demandent à être travaillés sont occultés ou simplifiées à l’extrême. Ou comment la notion d’accessibilité rend le propos simpliste, superficiel et mal maîtrisé…

Une aventure qui nous laisse dans le brouillard

Côté durée de vie, Silent Hill f propose une aventure principale qui excède à peine la dizaine d’heures de jeu. Avant d’insérer un mode facile par le biais d’une mise à jour, on dispose des modes histoire, difficile et brouillard. Ceux-ci font la distinction entre les énigmes et les combats. Le clivage entre chacun d’eux est assez flagrant, pour ne pas dire inégal, dans le challenge attendu. Dans cette même dynamique, on remarque aussi que les puzzles sont, tour à tour, trop faciles ou trop alambiqués. Nombre d’entre eux présentent un rapport douteux entre indices et résolution.

En ce qui concerne la recherche des notes aux quatre coins du village, elle permet d’en apprendre davantage sur les évènements locaux, même si certains pans demeurent oubliés ou négligés. De même, on retrouve une architecture narrative à fins multiples, à la complémentarité absente, affublées de plusieurs incohérences. Celles-ci nécessitent des actions spécifiques pour les découvrir. La première partie impose néanmoins un dénouement ouvert, dont les raccourcis nébuleux sont amorcés dans la précipitation. Afin d’aborder le titre dans des conditions correctes, il reste à dénicher les Ema et les Omamori pour améliorer les capacités de Shimizu.

En conclusion…

Au final, Silent Hill f s’avère une déception et non des moindres. Malgré l’intention initiale, cet opus trahit très vite ses limites sur le fond, comme sur la forme. Avancé comme l’épisode du renouveau, il renie l’horreur psychologique au profit d’une action beaucoup trop effrénée en ces circonstances. Le constat s’empire lorsqu’on saisit que cet élément majeur du jeu est raté. La maladresse du système fait qu’on se contente d’actions par trop similaires pour se dépêtrer de confrontations frustrantes et sans grand intérêt. Quant à l’intrigue, on reste dans un résultat en demi-teinte.

L’esprit de Silent Hill se résume aux vagues de brouillard, à des sujets difficiles et à des personnages torturés. Pour le reste, on est plus proche de Project Zero. En soi, ce n’est pas un défaut. Cependant, la narration et la mise en scène se cantonnent à des considérations basiques sur les propos avancés. On regrette aussi que l’atmosphère ne soit pas en mesure d’effrayer ou de malmener notre perception, là où la terreur et la suggestion de la peur sont prépondérantes. Pour enfoncer le clou, on a connu Akira Yamaoka plus inspiré dans ses compositions. Exception faite de Mayoi Uta, thème principal, l’ambiance reste beaucoup trop édulcorée. Il en ressort un épisode faible qui occulte les qualités de ses prédécesseurs pour se focaliser sur une vision archaïque de l’horreur et guère enthousiasmante dans sa proposition.

Note : 12/20

Par Dante

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