Résumé :
Vous incarnez Shay Patrick Cormac, ancien Assassin qui renie la Confrérie après une mission ayant assez mal tourné. Désormais opposé à ses anciens alliés, il met tout en œuvre pour les traquer de New York à l’Atlantique Nord.
Avis :
En l’espace de deux générations de consoles, la saga Assassin’s Creed a su autant émerveiller que décevoir sa communauté de joueurs. La genèse qui lie chaque opus offre un potentiel d’exploitation inépuisable au gré d’époques toutes plus différentes les unes que les autres. Seulement, le succès de la franchise a amené UbiSoft à une frénésie productive qui enchaîne les épisodes en nivelant leurs qualités vers le bas.
Des bugs en pagaille, un gameplay vieillissant, des environnements et des missions qui n’encouragent guère à l’exploration, des intrigues peu enthousiasmantes… L’une des plus grandes sagas vidéoludiques de ces dernières années a perdu de son excellence et de son aura pour fournir des titres conventionnels, voire médiocres pour certains d’entre eux.
Un épisode qui surfe sur le succès des précédents opus d’Assassin’s Creed ?
Fin 2014, Assassin’s Creed Rogue sort de manière simultanée avec Assassin’s Creed Unity. Si l’idée première est alors de ne pas léser les joueurs de l’« ancienne génération », il est évident que cette double parution fleure bon l’opération marketing pour maximiser la rentabilité de la franchise. Au vu du piètre départ initié sur Xbox One et PS4, on peut néanmoins espérer que cet opus constitue une alternative intéressante à considérer.
En un sens, c’est le cas puisque l’on nous convie à découvrir le revers de la médaille, en orientant l’histoire du point de vue des Templiers. Certes, le procédé avait été évoqué durant le prologue d’Assassin’s Creed 3, mais il s’agissait surtout d’une idée conceptuelle et non d’un parti pris pour la suite de l’aventure.
L’histoire revue par… les Templiers
Sur le papier, le principe demeure séduisant, car il tranche avec le traitement manichéen habituel. En pratique, le résultat s’avère un peu moins probant. Si l’on apprécie quelques nuances bienvenues au fil de l’intrigue, les changements s’opèrent majoritairement en coulisses. Néanmoins, la scénarisation se révèle davantage travaillée qu’auparavant.
La divergence des opinions, les confrontations entre les protagonistes et les camps, le renversement des valeurs… Tous ces aspects sont bien amenés et maîtrisés, car les enjeux sont repensés et n’aboutissent pas forcément à la finalité escomptée dans les précédents titres. De ce point de vue, on apprécie ce sursaut d’orgueil qui contraste avec un traitement beaucoup plus stéréotypé d’ordinaire.
Un gameplay d’assassin sans surprise
Toutefois, le clivage évident qu’amorce l’intrigue s’estompe sitôt la manette en main. Au vu du passif de Shay Cormac, le gameplay ressasse les mêmes mécanismes que pour les assassins. Cela tient autant à l’usage de la lame secrète qu’aux techniques de combat. En l’occurrence, on se retrouve avec un système de contre-attaques très simples à assimiler pour aligner les cadavres.
Sans extrapolation aucune, le bon timing permet d’occire une garnison entière sans ciller. En cas de santé faible, il suffit de prendre la fuite ou de patienter sans subir de dégâts. S’il est toujours possible de privilégier l’infiltration, la facilité du titre et la pathétique IA des ennemis autorisent, sauf exception, à une approche frontale dénuée de toutes subtilités.
Des heurts techniques toujours de la partie
Côté déplacement, les phases de « parkour » demeurent, elles aussi, prévisibles et classiques. Là encore, le joueur a la possibilité de se hisser sur les toits, arpenter les ruelles ou les environnements sauvages. Cependant, on notera de nombreux problèmes de collision qui semblent faire écho aux soucis de synchronisation.
Cela atténue le plaisir d’exploration et rend certains combats assez cocasses lorsqu’un décalage de son ou d’images vient s’insinuer en plein cœur d’une escarmouche. Sur ce point, il en ressort un résultat assez saugrenu, compte tenu de l’atmosphère qui ne fait guère la part belle au second degré. Pour autant, le titre n’est pas perclus de bugs, comme d’autres opus.
Un titre à la confluence des dernières inspirations de la franchise
En ce qui concerne l’aspect open world d’Assassin’s Creed Rogue, on apprécie la variété de la map entre les faubourgs crasseux de New York et les glaciales contrées sauvages de l’Atlantique Nord. Il en ressort une ambiance toute particulière qui s’inscrit dans les dernières influences initiées de la franchise. On peut même avancer que le présent jeu est le chaînon manquant entre Assassin’s Creed 3 et Assassin’s Creed 4 — Black Flag.
Cela ne tient pas uniquement à la place chronologique qu’occupe l’histoire, mais aussi aux différents environnements. L’exploration à bord du navire et la découverte d’une multitude de ports et de petites communautés en pleine expansion n’est pas sans rappeler la géographie des Caraïbes ; l’exotisme en moins. On songe également aux batailles navales, relativement immersives si l’on prend la peine d’améliorer son bateau. Mention spéciale à la ville de Sleepy Hollow qui insuffle une furtive et néanmoins appréciable tonalité gothique lors d’une mission.
Une aventure qui tourne court !
En ce qui concerne la durée de vie, Assassin’s Creed Rogue se révèle le plus court titre de la saga. L’aventure principale ne nécessite qu’une dizaine d’heures de jeu et ne recèle aucune difficulté particulière. Cela dynamise le rythme et la narration. En contrepartie, l’incursion est très brève. Et ce ne sont pas les intermèdes contemporains qui viennent relancer l’intérêt. Ces derniers s’avèrent toujours aussi inutiles et dispensables.
On peut néanmoins doubler, voire tripler, cette estimation si l’on recherche les différents trésors, dont certaines ressources permettent d’améliorer son équipement et son navire. Plusieurs missions secondaires sont également de la partie, même si la variété tend à s’étioler plus en aval de l’aventure. C’est notamment le cas de la libération des territoires assassins qui s’assimile à la sempiternelle capture de drapeaux. Peu enthousiasmant et maintes fois vu, donc.
En conclusion…
Au final, Assassin’s Creed Rogue nous tiraille entre des impressions contradictoires. On apprécie la volonté de complexifier les enjeux et de changer de point de vue. Le récit se révèle soigné et gagne en intérêt par rapport aux précédentes itérations en la matière. On notera de nombreuses allusions et des liens narratifs évidents avec d’autres titres de la franchise. De même, la diversité des environnements concourt à varier les ambiances ; entre contrées sauvages et naissance des villes américaines.
Cependant, on peut regretter que les fondements de la série n’évoluent guère à ce stade. Le gameplay perd en subtilité et se contente d’une approche arcade qui rend l’aventure trop facile. Il est également dommage que le style de combat de Shay Cormac ne s’affranchisse pas davantage des techniques apprises auprès des assassins. Enfin, l’incursion s’avère relativement courte et peut laisser sur sa faim si l’on ne souhaite pas se lancer dans les quêtes annexes. Un résultat en demi-teinte qui se révèle toutefois supérieur à la bévue révolutionnaire d’Assassin’s Creed Unity.
Note : 13/20
Par Dante