
Avis :
Combien de fois entend-on que la France n’est pas une terre de métal ? Pour certains, c’est effectivement le cas, sous-entendant que la France ne possède pas de bons groupes de métal. Néanmoins, dans cette frange-là, ils reconnaissent volontiers qu’il y a un public de métalleux, mais comparent souvent notre pays avec l’Allemagne ou les pays scandinaves, qui possèdent une vraie culture là-dedans. Le problème n’est pas tant que nous ne possédons pas de bons groupes de métal, car ils sont bel et bien présents. Le problème provient d’une mise en avant inexistante, d’a priori violents et satanistes totalement faux et de médias qui se refusent à diffuser du métal en France, certainement par peur de réactions d’une partie de la population. De ce fait, pour trouver des groupes de métal français, il faut creuser, chercher sur le net, et parfois aller voir sur des labels étrangers.
Aephanemer est un groupe originaire de Toulouse qui se forme en 2013 autour de la chanteuse et guitariste Marion Bascoul, du multi-instrumentiste Martin Hamiche et du batteur Mickaël Bonnevialle. Après un Ep en 2014, la formation toulousaine sort son premier album de façon indépendante en 2016 (Memento Mori), lui ouvrant alors les portes d’un premier label, Primeval Records. Cela leur permet de sortir un deuxième album, le remarquable Prokopton en 2019, et de voir alors plus gros en signant chez Napalm Records. C’est en 2021 que voit le jour le troisième opus, A Dream of Wilderness, et quatre ans plus tard sort alors Utopie, quatrième et dernier album en date. Gardant un lien-up stable, Aephanemer tire son épingle du jeu par Death mélodique puissant et grandiloquent, le tout avec un chant harsh féminin et des compositions longues et complexes, tout en gardant souvent la langue de Molière.
Utopie est donc un album complet et impressionnant. Neuf morceaux pour plus de cinquante minutes d’écoute, ce n’est pas rien, et on va effectivement en prendre plein les oreilles. Tout débute avec une introduction instrumentale qui donne un ton particulier, entre sobriété et mélancolie. Echos d’un Monde Perdu intrigue et pousse à la curiosité avec son côté très cinématographique. C’est alors que déboule Le Cimetière Marin, et on va se prendre une bonne tarte dans la tronche. Les guitares vont de sublimes envolées dès le départ, la batterie scande un sacré rythme, et surtout, on garde une composition grandiloquente qui fait voyager. La puissance du chant, à la lisière d’une tonalité Black Métal, envoûte et constitue l’un des éléments clés de la puissance du groupe. Bref, c’est sublime, épique, et on se laisse porter par des paroles qui tiennent clairement de la poésie.

Après cette belle entrée, La Règle du Jeu va lorgner vers quelque chose de plus simple, de plus brutal. Le titre est moins long, mais il garde toujours cette envie de grandiloquence dans le sonorité et l’habillage de fond. Cependant, on notera une petite propension à aller vers des éléments quasi Black, comme ce fameux blast à la batterie qui vient nous secouer. Par-delà le Mur des Siècles revient à du Death mélodique plus classique, mais qui sera bercé par quelques éléments originaux, comme ce clavier qui vient donner une touche médiévale à l’ensemble. D’un point de vue technique, c’est très impressionnant, et toutes les nappes mélodiques contribuent à donner de l’épaisseur à l’ensemble. On est clairement porté par tant de maîtrise, et le chant français n’est pas une barrière, au contraire, il donne une vraie identité aux morceaux. On retrouve cela avec Chimère, le morceau suivant.
En jouant avec des riffs plus légers mais une rapidité accrue, le groupe démontre son talent pour varier les nuances. Et Contrepoint viendra confirmer la folie technique du groupe, qui joue presque sur des éléments de musique classique, avec un aspect presque « menuet » dans les mélodies. Afin de mieux nous pourfendre, Aephanemer balance alors trois derniers titres monumentaux, qui dépassent chacun les sept minutes. La Rivière Souterraine est un long morceau instrumental de plus de huit minutes, et jamais on ne s’ennuie. Il y a une pléthore de variations et le storytelling est magistral. Puis arrive alors les deux parties de Utopie, et c’est encore une fois un véritable chef-d’œuvre. Parfaite synthèse de ce que représente le groupe, on a un équilibre parfait entre Death mélodique, espace sonore grandiloquente et mise en scène orchestrale épique. Un véritable bonheur.
Au final, Utopie, le dernier album en date de Aephanemer, est un petit bijou de Death métal mélodique, avec des ambitions qui sont clairement exprimées. Le groupe offre des titres monumentaux, n’a pas peur de se frotter à des orchestrations majestueuses pour donner plus de poids à ses compositions, qui brillent par leur efficacité, leur maîtrise technique, et leur envie de pousser toujours plus loin le métal français. Bref, un album d’une réussite totale qui n’a rien à envier aux scandinaves ou autres cadors du genre.
- Echos d’un Monde Perdu
- Le Cimetière Marin
- La Règle du Jeu
- Par-delà le Mur des Siècles
- Chimère
- Contrepoint
- La Rivière Souterraine
- Utopie (Partie I)
- Utopie (Partie II)
Note : 18/20
Par AqME
