
De : Hafsia Herzi
Avec Nadia Melliti, Ji-Min Park, Amina Ben Mohamed, Melissa Guers
Année : 2025
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Fatima, 17 ans, est la petite dernière. Elle vit en banlieue avec ses sœurs, dans une famille joyeuse et aimante. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris et découvre un tout nouveau monde. Alors que débute sa vie de jeune femme, elle s’émancipe de sa famille et ses traditions. Fatima se met alors à questionner son identité. Comment concilier sa foi avec ses désirs naissants ?
Avis :
Hafsia Herzi s’est d’abord fait connaître comme actrice, révélée en 2007 dans « La Graine et le Mulet » d’Abdellatif Kechiche, rôle pour lequel elle a remporté le César du Meilleur Espoir Féminin. Depuis, elle s’est imposée comme une figure singulière du cinéma français, à la fois actrice et réalisatrice, toujours ancrée dans un cinéma social et intime. Après « Tu mérites un amour« , « Bonne Mère » et « La Mère de tous les mensonges« , elle signe ici son quatrième long-métrage. Hafsia Herzi y poursuit ce qui fait la force de son cinéma : un regard tendre et lucide sur les femmes, la banlieue, les traditions et la difficulté d’exister pleinement quand on ne rentre pas dans les cases.

« La petite dernière » est l’un des succès-surprises du dernier Festival de Cannes. C’est le quatrième film réalisé par Hafsia Herzi et, tout en restant fidèle à son univers, la réalisatrice s’aventure sur de nouveaux sentiers. Avec « La petite dernière« , Hafsia Herzi parle d’homosexualité féminine dans un contexte social et socioculturel plus que difficile. Peignant le portrait d’une jeune musulmane pratiquante et fille de cité, elle livre un film fort sur les préjugés, l’acceptation de soi et la différence. Même s’il a son petit truc en plus, lorsqu’on connaît déjà ce genre d’histoire, le film d’Hafsia Herzi s’inscrit dans la longue lignée des récits de coming out au féminin.
« il y a beaucoup du cinéma d’Abdellatif Kechiche«
À Marseille, Fatima, 19 ans, vit entre sa famille et ses potes au lycée. Pratiquante, respectueuse des traditions, elle cache pourtant un secret : elle est attirée par les femmes. Difficile d’aimer une femme dans un milieu où l’homosexualité n’est pas tolérée.
« La petite dernière« , c’est le portrait intime d’une jeune femme de dix-neuf ans dont l’attirance pour les femmes la trouble. Comme toujours chez Hafsia Herzi, il y a beaucoup du cinéma d’Abdellatif Kechiche : un portrait dilué dans le quotidien, un regard presque documentaire sur les émotions. Pour raconter son personnage, le film s’étale sur une année : une année pour douter, oser, comprendre, douter encore, faire des expériences, des rencontres, découvrir, aimer… bref, une histoire simple mais contrariée. La découverte de son homosexualité n’est jamais une chose facile. Dans n’importe quel milieu, il y a toujours quelque chose qui fait peur, quelque chose qui insuffle le doute. Et ici, la metteuse en scène pousse la difficulté plus loin, posant son intrigue dans un environnement où les conventions et la religion rendent l’homosexualité encore plus difficile à accepter, pour soi et pour les autres.
Comme je le disais, « La petite dernière« , lorsqu’on connaît ce genre de film, respecte les codes de son cinéma. Il y a le doute déjà bien installé, puis il y a l’exploration de ce milieu, les premières rencontres, suivies du premier amour. Les émotions et les sentiments trouvent leur chemin. Puis, face à cela, il y a le poids du milieu, la religion qui s’entrechoque évidemment. « La petite dernière« , c’est un mélange d’amour et de peur, de retenue et d’envie de liberté. C’est très touchant, et surtout, c’est très bien filmé par Hafsia Herzi, qui raconte cette histoire avec l’intimité du quotidien. Elle cherche à être au plus proche de la réalité.
« l’actrice est une sorte de diamant brut »
C’est peut-être un peu long parfois, le film a ses lenteurs, mais il est aussi peuplé de très belles scènes qui offrent de vrais moments de grâce. On pense à une rencontre hors du temps, puis avant ça, à cette discussion dans une voiture, maladroite et tout en retenue, qui finit par s’imposer comme drôle (et qui, perso, évoque quelques souvenirs similaires). Et puis il y a ce final magnifique, aussi beau que douloureux, où tout le poids et la difficulté de cette situation surgissent avec une grande pudeur. Bref, c’est tristement beau.
Ce qui rend aussi cette « petite dernière » si belle, c’est le choix de son actrice principale, et plus encore de ses actrices. Ce film, c’est le premier rôle de Nadia Melliti, et à cette découverte, on comprend aisément le coup de cœur d’Hafsia Herzi, ainsi que son prix d’interprétation à Cannes, tant l’actrice est une sorte de diamant brut. Mystérieuse, captivante, belle, magnétique, elle transcende le film. Elle est le film. Et même si l’on sait très bien où son histoire va nous mener, on la suit avec intérêt et émotion. Son couple avec Ji-Min Park est de toute beauté, par sa simplicité et les sentiments qui transpirent comme une évidence. Fidèle à son univers, Hafsia Herzi a choisi des actrices non-professionnelles, et là encore, le naturel et la sincérité désarment.

« La petite dernière » est donc un joli film, qui tient bien les codes du drame autour de l’homosexualité. En un sens, on pourrait dire que la réalisatrice ne raconte rien de neuf, ou du moins rien de surprenant, mais ce n’est pas pour autant que son film n’en reste pas moins intéressant, prenant et touchant. Tenu par une actrice qui est une magnifique révélation, porté par une mise en scène qui sublime le quotidien et le réel, avec ce film, Hafsia Herzi s’affirme de plus en plus comme une réalisatrice à suivre.
Note : 14,5/20
Par Cinéted
