De Sang Froid

Auteurs : Mathieu Mariolle, Kiko Duarte et Miki

Editeur : Bamboo

Genre : Policier, Action

Résumé :

Tim Harper est un jeune informaticien dans une banque réputée. Une vie classique, rangée, il a tout pour être heureux, sans l’être vraiment. Les jours se suivent lentement, se ressemblent, il passe ses soirées seul dans cette existence sans saveur. Il souhaitait changer de vie, passer à la vitesse supérieure, il va être servi. Tout commence par un tragique accident de la circulation : il s’en sort avec quelques contusions mais est responsable du décès de trois personnes. Il ne s’agit pas d’anonymes, mais d’un mafieux repenti et des deux agents du FBI qui l’accompagnaient. Il décide d’effectuer des recherches plus approfondies sur cet incident. Obsédé par son intuition et avec beaucoup de ténacité, il découvre une machination bien huilée. Mais à trop fouiner, il finit par mettre les pieds là où il n’aurait pas dû.

Avis :

Faire du polar en bande-dessinée n’est pas une chose facile. Déjà parce que le format de 48 planches est souvent trop court pour installer une intrigue digne de ce nom, mais aussi parce qu’il faut trouver le bon équilibre entre une ambiance particulière et un dessin qui colle à cela. Bien évidemment, certains auteurs s’en sortent mieux que d’autres, mais notamment parce qu’ils arrivent à sortir du carcan de la BD classique en fournissant des one shot épais et plus dense que la moyenne. Ce qui ne fut pas le cas de De Sang Froid. Première histoire découpée en trois tomes par Mathieu Mariolle et sortie entre 2004 et 2006, ce triptyque manque cruellement de densité et de clarté dans son intrigue. Mais là où le bât blesse réellement, c’est que le graphisme ne colle pas du tout avec cette envie de constituer un polar froid et hard boiled.

Ici, on va suivre Tim, un jeune informaticien qui s’ennuie de sa vie. Son boulot ne le passionne pas, il vit sans vivre et pense même au suicide. Sauf que sa vie va basculer lorsqu’il va être impliqué dans un accident de voiture qui coûtera la vie à un témoin protégé par le FBI qui devait témoigner contre le chef de la triade. Blessé, il s’enfuit de l’hôpital et se retrouve pris pour cible par un tueur à gages. Sauf que l’engrenage va aller plus loin lorsque Tim sympathise avec son exécuteur, que ce dernier le prend sous son aile, et qu’un autre tueur intervient alors pour zigouiller tout ce beau monde. Bref, Mathieu Mariolle s’amuse à paraphraser Infernal Affairs, mais en version franco-belge, les choses ne sont pas aussi fluides. Et c’est bien là l’un des problèmes majeurs de cette bande-dessinée, la fluidité de l’histoire et les ruptures intempestives.

Chaque album se concentre principalement sur l’un des trois personnages principaux. Le premier tome raconte l’histoire et la psyché de Tim, ce pauvre informaticien qui voit dans cet accident une chance de donner du sel à sa vie. Le deuxième tome ciblera plutôt le premier tueur, qui racontera alors sa jeunesse et prendra sous son aile Tim. Et le troisième tome évoquera les pensées de North, le deuxième tueur, qui passe pour le grand méchant, mais qui va montrer un autre visage. C’est assez classique comme ça, mais en parallèle, il faut aussi faire avancer l’histoire, et les coupures entre les planches seront abruptes. On délaisse parfois des actions concernant un duo pour aller vers le chef de la triade qui fomente ses plans, ou encore vers des flics qui mènent une enquête avec des indics et autres cachotteries. La narration est vraiment pénible.

Et comme la narration manque de fluidité et de liant, on se retrouve avec une intrigue tirée par les cheveux qui se perd totalement. Au bout d’un moment, on ne sait plus qui est mandaté par qui, pour quelle raison, et même la dualité entre les deux tueurs perd de son intensité. On sent bien que le scénariste lorgne du côté de la trilogie Infernal Affairs, mais cette histoire d’indic, d’espionnage et de flics plus ou moins corrompus ne fonctionne pas du tout. Et non seulement on est vite perdu dans les rouages de cette histoire, mais en plus, on ne va apprécier aucun personnage. Ils sont tous plus ou moins détestables, ou ne détiennent pas un background efficace. Le coup du tueur qui a été pris sous son aile enfant par un tueur à gages qui l’a formé, c’est d’un bateau…

Difficile de se lancer corps et âme dans une histoire lorsqu’on ne ressent aucune empathie pour les principaux protagonistes. Et cela est aussi la faute aux dessins. Attention, ce n’est pas moche, mais le côté cartoonesque ne correspond pas du tout à l’aspect polar hard boiled de l’intrigue. De plus, on ne ressent pas vraiment l’ambiance recherchée, notamment lorsqu’il a des plans dans Chinatown, ou encore en Chine. Les graphismes sont trop lisses, et les couleurs manquent de textures et de nuances. On est dans le tout-venant qui se vendait bien au milieu des années 2000, et qui respire la tablette graphique. A la rigueur, ce côté cartoon fonctionne au départ, avec la première apparition de North, mais par la suite, le récit reste trop terre-à-terre pour que l’ensemble respire l’osmose. Il y a vraiment trop de décalage entre l’histoire e elle-même et les dessins.

Au final, De Sang Froid est une bande-dessinée anecdotique. Le scénario respire le réchauffé et s’inspire trop des polars asiatiques qui ont eu beaucoup de succès dans les années 2000. De plus, les personnages ne sont guère intéressants, et les coupures dans la narration sont trop brutales pour que l’on puisse pleinement plonger dans cette histoire. Et puis il y a les graphismes, jolis en soi, mais qui ne vont pas du tout avec ce scénario qui se veut sombre. Bref, on reste sur une lecture basique, qui fait passer le temps, mais qui ne marque pas. D’ailleurs, le public ne s’y est pas trompé, puisque la série devait comporter plusieurs cycles, mais elle trouvera une fin seulement au bout d’un seul.

Note : 11/20

Par AqME