décembre 17, 2025

Ibaraki – Rashomon

Avis :

Pour certains artistes, faire un projet solo mature depuis longtemps, et ils n’ont jamais l’occasion de passer à l’acte, ou de faire dépasser leur projet à l’état d’album complet. Matt Heafy, guitariste et chanteur de Trivium, avait des envies de ça depuis 2010. D’origine américaine et japonaise, l’artiste voulait faire un side-project de métal extrême, avec des éléments Black et progressifs. En 2010, il nomme cela Mrityu, mais rien de vraiment concret ne va sortir. C’est en 2020 qu’il décide alors de passer à l’étape supérieure. Il renomme son projet Ibaraki, puis il va s’associer avec Ihsahn, qui n’est autre que le membre fondateur du groupe de Black Emperor. Les deux compères vont alors collaborer sur un album qui s’appellera Rashomon, et qui verra le jour en 2020, pour une sortie physique deux ans plus tard. Et l’attente valait clairement la peine.

En rendant hommage à ses racines nippones, Matt Heafy livre un disque d’une rare complexité, mais qui ne laisse personne sur le carreau, et surtout, qui explore toutes les facettes d’un genre modelable, alternant Black et mouvements progressifs. Rashomon est donc un projet monstrueux, un titan gargantuesque dans lequel on va se perdre volontiers, et qui viendra nous titiller plus d’une fois. D’ailleurs, dès l’introduction, on ne sait sur quel pied danser. Hakanaki Hitsuzen dévoile un côté Folk avec un accordéon et des chœurs, pour un début loin des velléités que peut proposer du Black Métal. Mais Kagutsuchi va venir nous mettre une grosse claque derrière la nuque. Le début est tonitruant, Matt Heafy hurle comme jamais, et surtout, on y croise des éléments folks japonais avec notamment un shamisen qui vient apporter sa pierre à l’édifice d’un titre long et tarabiscoté.

Mais tout Black que peut être ce morceau, on a droit aussi à un refrain en chant clair, évoquant alors le Metalcore de Trivium, puis on a un break un peu théâtral qui marche à merveille. Bref, c’est un morceau impressionnant, qui laisse pantois devant tant de maîtrise et de variation. Ibaraki-Dôji suit à peu près le même chemin, mais il va épouser tous les codes d’un Black traditionnel, en lui appliquant par contre un côté très sensible et touchant derrière la violence de la batterie et du chant. Les riffs sont assez éthérés et aériens, offrant alors un titre à la fois rageur et mélancolique, qui touche au plus profond. Un chef-d’œuvre du genre d’une beauté vénéneuse, et qui peut se targuer d’avoir un milieu de morceau d’une grâce infinie. En seulement deux titres, Matt Heafy prouve tout son talent de composition et de musicien.

Jigoku Dayu est l’exemple même du morceau qui monte crescendo. Le début est doux, en chant clair, posé. Mais on sent une montée en puissance qui s’entend avec l’accumulation des instruments. Jusqu’à un déluge qui nous laisse sur le cul, et qui pousse tous les curseurs vers le haut. Tamashii no Houkai va par contre de suite nous fouetter les tympans. Malgré un bruit issu d’un jeu vidéo 8bit, le morceau envoie la sauce à grands renforts d’orchestration symphonique derrière pour donner plus d’ampleur. Un titre sauvage, percutant, et qui épouse très bien des moments Metalcore avec un refrain en chant clair. Bref, une tuerie qui force le respect. Puis déboule Akumu en featuring avec Nergal de Behemoth. Et là encore, on va se prendre un rouleau-compresseur sur le coin de la tronche. Ici, tout est fait pour taper fort, avec une ambiance délétère au possible.

Ce featuring n’est pas qu’un invité, c’est une logique implacable autour d’un projet maturé de longue date. Et c’est un vrai message d’amour de Matt Heafy envers le Black européen. Il faudra bien Komorebi pour se remettre de nos émotions. Le titre est un peu plus calme que le reste, mais il fait étalage d’un talent à la gratte qui est divin. Et Ronin de venir nous remettre une couche de bonheur dans les oreilles. En compagnie de Gerard Way de My Chemical Romance, le morceau-fleuve de presque dix minutes nous envoie dans les stratosphères du genre, en mélangeant les nappes mélodiques et les passages brutaux. Susanoo no Mikoto fera alors intervenir Ihsahn de Emperor pour un titre qui pourrait parfaitement être un autre hommage au Black scandinave. Puis, pour clôturer l’ensemble, Kaizoku reprend les éléments de l’introduction, comme pour fermer une pièce de théâtre savamment orchestrée.

Au final, Rashomon, le premier (et pour l’instant unique) album de Ibaraki, le projet solo de Matt Heafy de Trivium, est une dinguerie de tous les instants. Il s’agit-là d’un disque complexe, puissant, complet, et doté de plusieurs niveaux de lecture qui forcent le respect. En plus d’être un album dense et impressionnant, Rashomon est aussi un véritable hommage aux musiques extrêmes et à leurs facultés de livrer de la violence, mais aussi de la douceur en leur sein. Bref, un vrai chef-d’œuvre.

  • Hakanaki Hitsuzen
  • Kagutsuchi
  • Ibaraki-Doji
  • Jigoku Dayu
  • Tamashii no Houkai
  • Akumu feat Nergal of Behemoth
  • Komorebi
  • Ronin feat Gerard Way of My Chemical Romance
  • Susanoo no Mikoto feat Ihsahn of Emperor
  • Kaizoku

Note : 19/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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