
Titre Original : Monster on the Campus
De : Jack Arnold
Avec Troy Donahue, Arthur Franz, Joanna Moore, Judson Pratt
Année : 1958
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Donald Blake, professeur de biologie dans une université, fait venir pour ses expériences sur l’évolution un spécimen de cœlacanthe, poisson préhistorique qui semble provoquer d’étranges réactions sur ceux qui l’approchent.
Avis :
Véritable touche-à-tout du septième art, Jack Arnold est une figure incontournable du cinéma de genre des années 1950. Durant la décennie, il s’est penché sur la réalisation d’une vingtaine de métrages et a participé à la production de six séries télévisées. Il est surtout connu pour ses films de science-fiction qui présageaient de l’exploration spatiale, mais aussi des dérives scientifiques. On songe, entre autres, à Tarantula, L’Homme qui rétrécit ou L’Étrange créature du lac noir. À bien des égards, Le Monstre des abîmes semble faire écho à ce dernier film. Cela tient à la résurgence des monstres des studios Universal, ainsi qu’aux notions d’humanité et de bestialité qui résident en chaque être. Cependant, la portée est ici bien moindre. Il ne sera d’ailleurs guère passé à la postérité.

Le postulat de départ se base sur une découverte scientifique qui présenterait des avancées majeures en matière de biologie marine. Le fait de mettre en avant le cœlacanthe sur le devant de la scène demeure inédit pour l’époque. Et l’initiative sera réitérée sur le tard avec Les Monstres de la mer, dans un contexte très différent. Ce véritable fossile vivant qui peuplait déjà les océans voilà plus de 350 millions d’années est donc l’objet de toutes les attentions, du moins sa carcasse. À l’engouement général que suscite pareille opportunité, il est difficile de ne pas y entrevoir le prétexte facile que dissimulent toutes séries B, non sans maladresse. Son sang irradié provoque de terribles mutations pour les animaux, comme pour l’homme.
« le cheminement de l’intrigue suit des sentiers balisés »
Dès lors, le cheminement de l’intrigue suit des sentiers balisés qui ne comportent aucune surprise ni originalité. Des premières constatations sur un chien, une enquête est menée pour faire la lumière sur des crimes nocturnes. L’ambition n’est pas de flouer les pistes sur le présumé coupable, mais d’alterner les phases de conscience (et de normalité) du protagoniste avec ses périodes de métamorphose. Fort heureusement, on s’écarte de toutes bévues où l’intéressé aurait pu s’apparenter à une créature hybride, entre poisson et hominidé. On se contente d’un retour à l’état primal qui annihile toute contenance chez l’individu.
Le processus n’est pas sans rappeler la lycanthropie où la transformation demeure incontrôlable. Exception faite de la dernière partie du métrage, les séquences usent d’ellipses ou de hors-champ pour réaliser la transition entre l’homme et la bête. Dans une certaine mesure, on songe également à une variante des expériences avancées dans L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. La mise en scène des attaques, les indices laissés ou les hurlements de la créature renforcent cet amalgame entre les deux précédentes références citées. On y retrouve l’intérêt manifeste du personnage principal qu’il porte à la situation pour son caractère scientifique et à son état, en dépit du danger qu’il encourt. On apprécie alors l’ironie du contexte où le chercheur devient son propre sujet.
« En matière de trucages, on reste sur la réserve »
Cependant, la notion de monstruosité cède bien vite la place à une curiosité de l’évolution, sans grande frayeur ni sursaut pour le spectateur. En matière de trucages, on reste sur la réserve. Malheureusement, le maquillage et le masque renvoient à un faciès figé dans une expression de dégoût. On a l’impression que la créature sort tout droit d’une fête foraine, un rien éméchée au vu de sa démarche et de sa gestuelle. L’ensemble paraît donc avoir été confectionné à la va-vite. Ce que semble confirmer les conditions de tournage avec une douzaine de jours pour le mettre sur bobine. Il convient aussi d’évoquer certaines ficelles scénaristiques faciles et une précipitation évidente dans l’enchaînement des derniers évènements.

Au final, Le Monstre des abîmes demeure un film mineur dans l’œuvre de Jack Arnold. Si l’idée reste intéressante, elle s’affranchit néanmoins de toute singularité. Il faut se contenter de mécanismes narratifs éculés, dont certains sont déjà vieillissants pour l’époque. Preuve en est avec le rapport à la femme, à cette incompréhension toute rationaliste des enquêteurs ou à la finalité d’une telle mésaventure. Les ambitions demeurent donc modérées pour cette production qui a pour vocation de fournir un modeste divertissement. En dépit de ses écueils ou de sa simplicité, le métrage n’en est pas pour autant déplaisant. Il souffre néanmoins de la comparaison avec les autres films de Jack Arnold et s’avère moins mémorable.
Note : 13/20
Par Dante