
Résumé :
Jeune journaliste, vous vous voyez confier une mission cruciale : traverser le globe pour atteindre le cœur d’un pays lointain et mystérieux…
Votre objectif : y ramener le dernier œuf des mythiques “Grands Oiseaux Blancs”, dont la légende dit qu’ils sont intimement liés au destin du seul pays qui les abrite, une contrée à la faune et à la flore aussi étranges que dangereuses, ravagée par des années de dictature sanguinaire.
Avis :
Parmi les grands noms de la bande dessinée, Benoît Sokal occupe une place à part entière pour les amateurs de récits d’aventures. Au cours de sa carrière, il n’a pas hésité à se tourner vers le jeu vidéo. Au fil des décennies, l’homme nous a offert les plus beaux voyages vidéoludiques qui soient. On songe à Syberia, Paradise ou L’Île noyée. Mais avant ces formidables titres, L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur a marqué les esprits. Ce jeu reste emblématique de l’œuvre de Benoît Sokal, de ses thématiques de prédilection, de sa qualité d’écriture. Plus de 25 ans après sa sortie, Microids se lance dans un remake du plus bel effet. L’occasion de repartir en ces contrées luxuriantes ô combien dépaysantes, sinon fascinantes.

L’Amerzone : l’héritage du jeu plus qu’un testament
Paru en 1999, L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur s’est inscrit dans la lignée des jeux d’aventure de type point’n click. En matière de gameplay et d’approche de l’aventure, l’une des principales influences fut Myst. Toutefois, les énigmes s’avéraient moins complexes que son homologue. Toujours est-il qu’on se laissait porter par cette atmosphère digne des ouvrages de Jules Verne. Cela tient à la place accordée aux technologies, à la recherche scientifique, ainsi qu’à cette invitation à l’exploration, au voyage.
De voyage, il fut question d’une première découverte sur les côtes bretonnes avant de partir pour l’Amérique latine. À l’époque, les images fixes n’enlevaient rien à la magie de cet environnement inspiré, véritable ode à la nature, au respect des traditions et des cultures anciennes. Il en ressortait une aventure remarquable et mémorable à plus d’un titre. Dans le paysage vidéoludique, L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur constituait une proposition différente. Au-delà de l’exercice cérébral des énigmes, on pouvait apprécier son rythme posé, propice à la contemplation.
L’exercice du remake vidéoludique : des intentions louables pour des risques non négligeables
Au regard des évolutions techniques de ces dernières décennies, de nombreux titres ont fait l’objet de remakes. Si la refonte graphique constitue un élément central dans de tels projets, il convient aussi de repenser les mécanismes de jeu. Toute la difficulté réside à s’adapter aux standards actuels, sans pour autant renier ce qui a été entrepris par le passé. L’exemple le plus représentatif de cette démarche artistique est le remake de Myst. Ce dernier a même bénéficié d’une prise en charge de la réalité virtuelle. Cela sans oublier sa suite, Riven.
Avec L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur, on reste ancré dans un jeu d’aventure classique. Cependant, on délaisse les plans figés pour appréhender un monde vivant. Il suffit de tendre l’oreille pour apprécier les chants d’oiseaux, le bruissement de la végétation ou les murmures du vent, augurant le souffle d’aventure que l’on recherche tant. De la Bretagne jusqu’au fleuve de l’Amerzone, en passant par l’exotisme de l’île des échoués, la refonte visuelle confère à l’émerveillement. Il s’agit d’une véritable redécouverte de l’univers et de l’histoire avancés à la fin des années 1990.
Une histoire intemporelle qui reste toujours d’actualité
L’intrigue de L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur reprend celle du titre original, y compris sa trame temporelle qui se situe en 1998. Cela permet de renouer avec certains éléments technologiques de l’époque pour interagir avec le matériel ou l’environnement. On songe à ces vieux ordinateurs et aux fameuses disquettes requises pour progresser et transformer l’hydraflot. Véritable couteau suisse en matière de moyen de transport, ce dernier peut faire office d’avion, de sous-marin, d’hélicoptère, de voilier, de glisseur et de barque.
Au-delà du formidable voyage auquel le jeu nous convie, le récit fait un parallèle pertinent avec de nombreuses préoccupations sociétales. On songe, entre autres, à la protection de l’environnement où l’Amerzone devient la projection allégorique de l’Amazonie. Il y est aisé d’entrevoir les problèmes liés à la déforestation, ainsi qu’aux rejets des croyances et des cultures autochtones. En différentes occasions, l’intrigue se pare de quelques atours mystiques. Cela sans compter sur les régimes dictatoriaux d’Amérique latine et, dans une moindre mesure, le caractère sclérosé du monde scientifique.
Un style point’n click préservé pour apprécier l’aventure
En ce qui concerne le gameplay, il n’y a pas de déplacements libres du personnage. Il convient de sélectionner les points d’interaction pour avancer et se rendre dans une zone spécifique. Cela vaut aussi pour les différents éléments à examiner. Par exemple, des notes d’information ou des objets nécessaires à la résolution des énigmes. Ces dernières requièrent de la déduction et de l’observation. Elles restent néanmoins accessibles. On peut aussi choisir la difficulté pour se concentrer sur le voyage ou s’y confronter avec le minimum d’indications.
Cette possibilité demeure bienvenue pour s’adresser à deux profils de joueurs. Afin d’éviter de multiples allers-retours, la recherche des cartes sert ensuite à rallier les différents endroits par une simple sélection. De même, les séquences liées aux déplacements peuvent paraître désuètes pour les plus pressés. Bien que la souris d’un PC reste à privilégier pour ce type de gameplay, la maniabilité à l’aide de la manette ne présente aucun écueil notable. Les gestes demeurent un peu moins intuitifs pour faire se déplacer le curseur à l’écran.
Une aventure au long cours ?
Côté durée de vie, l’aventure peut se conclure en sept heures, même s’il est recommandé de prendre son temps pour apprécier l’ambiance et ses nombreuses nuances, au fil des chapitres. Il faut toutefois compter un peu plus d’une dizaine d’heures pour accomplir l’histoire principale, ainsi que les enquêtes locales et celles au long cours. Ces dernières impliquent des investigations sur plusieurs chapitres. Ces deux catégories recèlent une petite trentaine d’affaires et d’histoires secondaires qui viennent étayer l’univers de l’Amerzone.
La recherche d’objets et de récits permet ensuite au protagoniste d’écrire un article de journal sur un sujet précis, plus ou moins éloigné de l’intrigue de base. Le dénouement n’amène pas à une rejouabilité immédiate, sauf si vous avez manqué certains éléments au gré de votre périple. Pour ce faire, le jeu propose de redécouvrir chaque chapitre de manière distincte, tout en vous informant sur leur niveau de complétude. Il subsiste également les habituels trophées qui ne présentent pas de difficultés spécifiques pour les acquérir.
En conclusion…
Au final, L’Amerzone – Le Testament de l’explorateur est un remake qui magnifie l’une des œuvres majeures de Benoît Sokal. Le présent titre renoue avec l’esprit du jeu original. La refonte graphique est à saluer, permettant de redécouvrir des environnements variés, enchanteurs. La direction artistique demeure toujours aussi inspirée et s’agrémente d’ambiances sonores disparates, promptes à l’immersion et à la contemplation. Il n’est pas rare de suspendre son périple pour apprécier un panorama, notamment dans les hauteurs du village Ovo-Volahos, au sommet du phare sur la presqu’île de Langrevin ou sur le rivage de l’île des échoués.

La qualité de la narration est également au rendez-vous avec une histoire qui dispose d’une dimension émotionnelle notable. On pourrait presque penser que Jules Verne en aurait été l’initiateur, tant les occurrences sont évidentes et nombreuses. Dans le jeu vidéo, comme dans la bande dessinée, il n’en reste pas moins une œuvre à part qui interpelle son public, sans pour autant se montrer moralisatrice. Toute la subtilité tient à faire d’un émerveillement permanent le meilleur des arguments pour assentir à son propos. Il en ressort une œuvre belle et intelligente, loin de se révéler candide sur les questions environnementales. Incontournable pour les amateurs d’aventure.
Note : 17/20
Par Dante