
Titre Original : Invasion of the Body Snatchers
De : Philip Kaufman
Avec Donald Sutherland, Brooke Adams, Leonard Nimoy, Jeff Goldblum
Année : 1978
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Elizabeth s’aperçoit un jour du comportement étrange de son ami. Puis, peu à peu, d’autres personnes se transforment ainsi bizarrement. Pendant leur sommeil, une plante fabrique leur double parfait, tandis que l’original disparait. Un remake du célèbre film de Don Siegel.
Avis :
Dans le cinéma d’horreur, faire des remakes est monnaie-courante. Outre les suites et autres préquelles que l’on peut retrouver dans des sagas financièrement lucratives, on a aussi droit à des producteurs qui veulent remettre au goût du jour de vieux films d’horreur. Ce fut le cas pour les films de Wes Craven, comme La Colline a des Yeux ou La Dernière Maison sur la Gauche, ce qui a permis de moderniser les propos, voire de les approfondir. Chose un peu plus rare, c’est de faire des remakes pour la troisième fois, voire la quatrième. Et l’exemple le plus étonnant est certainement L’Invasion des Profanateurs de Sépultures. Le premier film est signé Don Siegel, et sortira en 1956, puis c’est Philip Kaufman qui va faire sa version en 1978, pour ensuite avoir une nouvelle version par Abel Ferrara en 1993 s’intitulant Body Snatchers.

Commençant sa carrière de réalisateur dans les années 60, rien ne prédestinait Philip Kaufman a tombé dans l’horreur. Ses premiers films sont plutôt des westerns (La Légende Jesse James) ou un drame virulent (The White Dawn), mais il décide de prendre ce projet de remake et s’entoure d’un casting solide avec Donald Sutherland en tête d’affiche, puis quelques noms un peu connus comme Jeff Goldblum, Leonard Nimoy, Brooke Adams ou encore Veronica Cartwright. Sortant dans une période assez faste pour le cinéma horrifique, L’Invasion des Profanateurs (ici, on oublie les sépultures) va marquer son époque de par son aspect dérangeant, de par son message profondément politique, mais aussi par sa réalisation qui multiplie les essais et les petites trouvailles. En ce sens, le film a beau frôler les cinquante ans, il ne vieillit pas tellement, signe d’un long-métrage réussi, et qui n’a pas volé son statut quasi culte.
« Philip Kaufman joue avec les codes du slowburn »
L’histoire est assez simple, puisque dès le début, durant le générique, le film nous montre qu’une forme de vie extraterrestre arrive sur Terre, se développe sur les plantes comme un parasite, puis va rentrer dans le corps des gens qui vont venir cueillir ses nouvelles fleurs. Le premier constat est que le développement de ce parasite est encore très bien fichu aujourd’hui. Le réalisateur filme au plus proche le développement de la fleur, nous étonnant de par la qualité des effets spéciaux, qui n’ont pas pris une ride. Comme quoi, les effets artisanaux sont vraiment mieux que les effets numériques. Par la suite, le film nous présente son personnage central, mais sous un mauvais jour. On va suivre un inspecteur de l’hygiène qui va faire exprès de faire fermer un restaurant pour son bon plaisir, faisant passer un câpre pour une crotte de rat.
On pense alors suivre un sale type qui n’aime pas sa vie, un peu désabusé, mais il n’en est rien, puisqu’il est apprécié à son travail, et n’est pas insensible au charme d’une de ses collègues. Et ça tombe bien, puisque cette dernière trouve que son mari a un comportement étrange depuis quelques temps, et elle demande à notre personnage central de découvrir ce qu’il se passe, car elle pense que cela provient de la fleur étrange qu’elle a ramassée. De là, le film va plutôt aller vers un thriller psychologique et trouble, avec une enquête qui piétine, et des personnages qui alertent de plus en plus notre héros, en lui disant que des gens ont changé de comportement. Philip Kaufman joue avec les codes du slowburn pour mieux appesantir son ambiance, et nous mettre dans la peau de cet homme qui voit que tout dérape autour de lui.
« au niveau de l’horreur et des effets gores, on est servi. »
Certaines scènes sont vraiment marquantes, à l’image de cette discussion en voiture, totalement anodine, mais qui va mettre en exergue un fait divers dans la rue, avec des réactions lunaires et très étranges. Philip Kaufman essaye de changer les points de vue, offre des angles intéressants pour montrer des choses qui peuvent partir en vrille. Il y a vraiment un travail de fait autour de l’ambiance, pour que le tout résonne presque comme mortifère, voire inéluctable, avec des gens normaux au départ, mais qui se comporte ensuite comme des robots, dénués de tout sentiment et d’empathie. De plus, cette histoire est un vrai parallèle avec l’extrémisme et le fascisme. Comment ne pas voir là le rêve ultime de tout tyran, avec sa population qui marche au pas, annihilant tout individualisme et création. C’est-à-dire que derrière l’aspect horreur et science-fiction, il y a une vraie réflexion politique fine et plausible.
La dernière qui frappe vraiment avec cet excellent film, c’est qu’au niveau de l’horreur et des effets gores, on est servi. Si cela met du temps à venir, certains moments mettent vraiment mal à l’aise, soit de par leur teinte cradingue, soit de par la bizarrerie qui se passe sous nos yeux. On peut évoquer ce fameux plan furtif avec un chien à tête humaine qui passe devant la caméra, ou encore l’accouchement des plantes dans des cris déments, formant alors des sortes de fœtus malformés dégueulasses. Encore une fois, les effets spéciaux sont bien gérés, et cela comme à l’ambiance du film, qui est toujours à la lisière de la folie et de la paranoïa. Et puis il y a aussi quelques passages gores, comme cette tête qui explose en gros plan. Bref, c’est complet et effrayant, à l’image de la séquence finale, avec le cri de Donald Sutherland.

Au final, cette deuxième version de L’Invasion des Profanateurs est une superbe réussite, et un film qui n’a pas volé son statut de culte dans le genre. Dérangeant à souhait dans son ambiance, dans ses personnages et dans sa paranoïa qui prend aux tripes, le film bénéficie aussi d’une mise en scène solide et inspirée, comme d’effets gores et « cringe » ou encore d’une interprétation solide de la part d’un casting qui l’est tout autant. Bref, un film à voir et à revoir, et qui ne suscite aucune lassitude.
Note : 17/20
Par AqME