
Titre Original : Haeolbin
De : Woo Min-Ho
Avec Hyun Bin, Jeong Min Park, Yeo-Been Jeon, Woo-Jin Jo
Année : 2024
Pays : Corée du Sud
Genre : Historique, Espionnage, Drame
Résumé :
Des coréens lancent une attaque à Harbin contre les Japonais afin d’obtenir l’indépendance de leur pays.
Avis :
Quelle que soit la période concernée, l’histoire de l’Asie est particulièrement riche. Cela tient, entre autres, à la conquête des territoires, aux velléités politiques des royaumes ou à l’annexion de certains pays. En l’occurrence, il est ici question de l’occupation nippone de la Corée dans la première moitié du XXe siècle. Une page peu décrite au cinéma, comme à la télévision. Si la trame narrative ne coïncide pas avec celle du présent métrage, on peut toutefois évoquer Mr. Sunshine ou Age Of Shadows. Avec Harbin, le film de Woo Min-ho se penche sur les circonstances ayant précédé l’assassinat du résident-général Itō Hirobumi, en 1909.

Avec un plan magistral de la rivière Tumen gelée, l’histoire augure d’un souci esthétique de premier ordre. Il n’y a qu’à constater l’éclat vitreux de l’eau ou les traits de glace, qui marquent autant de cicatrices, pour en apprécier toute la subtilité. D’une prise de vue aérienne, le réalisateur insuffle une symbolique particulière à son récit. Au-delà de la splendeur formelle de la séquence, on y distingue l’isolement du protagoniste. Ici, ce n’est pas l’hostilité de la nature ou du cadre qui prévaut, mais cette errance solitaire, sans autre horizon que le prochain pas qu’il accomplit. La rivière devient le canevas du scénario, où plusieurs possibilités s’offrent au personnage principal. Les deux voies étant l’abandon ou la survie, toutes deux présentent des conséquences.
« l’histoire délaisse très vite les affres de la guerre pour se focaliser sur le registre de l’espionnage »
Au vu de sa brièveté, cela peut paraître étonnant de s’attarder sur cette seule séquence, même si elle survient à nouveau, un peu plus tard. Elle n’en demeure pas moins la plus forte. On observera une approche similaire avec l’incursion dans le désert. Si elle a beau se montrer réussie, elle n’est pas aussi mémorable. Du reste, le contraste est d’autant plus fort avec l’enchaînement sur un affrontement violent qui ne lésine guère sur l’hémoglobine. Ce traitement tient à marquer un contexte houleux, à instaurer un climat délétère. L’évocation du passif entre les protagonistes aide à mieux appréhender leur situation, sans avoir à recourir à des flashbacks.
Par la suite, l’histoire délaisse très vite les affres de la guerre pour se focaliser sur le registre de l’espionnage. Face à l’occupation japonaise et la résistance coréenne, on évitera tout amalgame avec d’autres évènements, propres à la France. Le parallèle demeure facile et sans fondement, car les circonstances ne s’y prêtent pas. En revanche, la progression et l’exposition des faits ne sont pas sans rappeler Memories of War. Cela tient aux préparatifs méticuleux d’un acte d’envergure pour contrer l’ennemi. Pour autant, il n’est pas question de s’illusionner sur la tournure des évènements, de l’impact de l’assassinat sur la politique nipponne à l’égard des Coréens.
« Harbin vient également souligner les vertus de l’adversité et du courage »
Harbin vient également souligner les vertus de l’adversité et du courage, même si ces valeurs se manifestent parfois sous le prisme de la violence ; cas de force majeure oblige. Là où certains entrevoient un discours patriotique, on met davantage en avant un propos nationaliste qui relève de l’indépendance, non de quelques élans communautaristes. Pour étayer son intrigue, Woo Min-ho n’en oublie pas de développer le contexte politique. On songe aux intermèdes avec Itō Hirobumi où surviennent des explications méticuleuses sur la situation, sans pour autant ralentir le rythme. Bien que les deux projets soient dissemblables, le traitement n’est pas sans rappeler son travail rigoureux sur L’Homme du président.

Au final, Harbin s’avance comme une incursion historique réussie. Entre le film d’espionnage et le drame, l’intrigue présente un panel de personnages marquants, au vu de leurs convictions et leurs engagements. La mise en scène demeure soignée et possède des séquences iconiques, à même d’apporter une dimension allégorique au parcours des protagonistes. L’ensemble bénéficie également d’un bel équilibre pour entretenir la tension et le rythme pendant toute la durée du métrage. Cela sans faire de concessions sur le développement du contexte et des enjeux qui en découlent. Il en ressort une expérience cinématographique nantie de qualités esthétiques indéniables, d’une narration maîtrisée et d’un récit immersif.
Note : 16/20
Par Dante