
De : Lee Daniels
Avec Andra Day, Glenn Close, Anthony B. Jenkins, Caleb McLaughlin
Année : 2024
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Ebony et ses trois enfants rencontrent des incidents surnaturels dans leur maison de l’Indiana, petit à petit, les enfants se retrouvent possédés par l’esprit de démons…
Avis :
Quel que soit le pays ou l’époque, les affaires paranormales fascinent par les évènements qu’ils dépeignent. L’incompréhension d’une situation ou de phénomènes surnaturels malmène nos valeurs, nos croyances, à l’égard de la réalité telle qu’on la conçoit. Ici, il n’est pas question de s’attarder sur la prétendue véracité des témoignages et des faits, mais d’analyser l’intérêt qu’on porte à ce sujet. Ce qui explique sans doute le succès de ces histoires auprès du public ; qu’il s’agisse de lecteurs, de joueurs ou de spectateurs. Avec The Deliverance, Lee Daniels se penche sur le cas de Latoya Ammons qui, au cours des années 2010, s’est vue aux prises avec une présence démoniaque au sein de son foyer.

De prime abord, l’idée initiale possède un potentiel non négligeable. Alors que la production actuelle fourmille de projets sur les exorcismes et les maisons hantées, le cinéaste choisit d’aborder l’histoire sous l’angle du drame social. Cette approche différente n’est pas pour déplaire, du moins dans les intentions. On peut ainsi apprécier une mise en contexte qui présente le quotidien d’une famille monoparentale, dont la nature dysfonctionnelle en constitue la principale spécificité. L’amorce fait montre de réalisme et d’un discours sentencieux, mais pas dans le sens où on l’entend. Très vite, l’intrigue multiplie les errances.
« une écriture bancale quant aux personnages. »
À commencer par une écriture bancale quant aux personnages. La caractérisation se contente de poncifs maladroits avec un travail minimaliste sur leur psychologie. L’état de détresse des enfants tient à un comportement schizophrénique, coincé entre mutisme, rébellion et réactions disproportionnées en dehors du foyer. Certes, on pourrait les justifier par une infestation ou une possession latente. Seulement, le discours est loin d’être surnaturel. Cela sans compter sur la figure maternelle, alcoolique « repentie », que l’on veut faire passer pour une mère courage qui surmonte les difficultés du quotidien. Elle agace plus qu’elle ne force le respect. Le fait de répéter le schéma parental qu’elle a subi la rend d’autant plus méprisante.
Pour autant, l’histoire se montre complaisante et la victimise aux yeux de son entourage, de la société. Sa situation tient à la faute du système, non de ses choix ou de ses tendances à lever le coude plus que de rigueur. De son point de vue, tout est perçu comme l’ennemi : l’assistante sociale, les médecins, le corps professoral, sa mère… On a également droit à des allusions communautaristes et racistes qui n’arrangent guère l’a priori général. À ce stade, on n’a pas encore évoqué l’intérêt premier du métrage : les phénomènes paranormaux. Ce qui est compréhensible puisque le réalisateur le perd de vue, le délaisse et semble incapable d’en maîtriser les fondamentaux, au vu de l’exposition des scènes-clefs qui surviennent ensuite.
« À aucun moment, The Deliverance ne suscite l’effroi »
À aucun moment, The Deliverance ne suscite l’effroi, l’angoisse ou l’oppression. Il faut se contenter d’odeurs nauséabondes volatiles, de mouches belliqueuses et autres clichés sur les films d’exorcisme. Soit dit en passant, il s’agit bien de cela, même si l’on s’évertue à le distinguer de l’acte de délivrance. Là encore, les manifestations sont grossières et trouvent un point d’orgue dans un dénouement qui confère au ridicule. Mention spéciale aux capacités polymorphes du démon sur la base d’un simple enfant ou à l’ultime révélation de l’intéressée pour sauver sa famille. On notera la stigmatisation littérale de cette dernière et une foi plus opportuniste que sincère pour aboutir à un message puéril sur la religion, où il est davantage question de soumission que de rédemption ou de conviction.

Au final, The Deliverance est un film peu probant dans ce qu’il entreprend. Si l’histoire et les idées de base sont intéressantes à exploiter, Lee Daniels sombre dans un brûlot social guère maîtrisé. Au lieu de susciter l’empathie pour les protagonistes ou les épreuves qu’ils subissent, on s’empêtre dans une complaisance propre à rejeter la faute sur autrui, non à amorcer une remise en question authentique. La progression néglige la dimension paranormale du sujet. La faute à une mécompréhension totale du matériau originel, aux mécanismes du genre. Il faut donc se contenter de clichés et de longueurs en pagaille pour justifier les agissements d’un personnage principal acrimonieux et pénible, malgré toute l’indulgence dont elle bénéficie. Il en ressort un film d’exorcisme superficiel, maladroit et douteux dans son discours.
Note : 08/20
Par Dante