juillet 20, 2025

Plus Noir que Noir – Stephen King

Auteur : Stephen King

Editeur : Albin Michel

Genre : Horreur

Résumé :

Un secret bien gardé est à l’origine du talent de deux artistes, un flash psychique sans précédent bouleverse de manière catastrophique l’existence de Danny, un veuf éploré se rend en Floride et reçoit un héritage inattendu accompagné d’importantes obligations, un vétéran du Vietnam répond à une offre d’emploi, etc. Douze nouvelles plongeant dans les tréfonds les plus sombres de la vie.

Avis :

En parallèle de ses romans, Stephen King excelle également dans le registre de la nouvelle. De son aveu, l’exercice est nettement plus ardu que l’écriture d’une histoire au long cours. Cela tient, en partie, à susciter l’intérêt et l’immersion du lectorat dans un format restreint. L’auteur ne dispose pas de la même largesse pour s’étendre sur des éléments spécifiques propres à l’intrigue ou aux personnages. À intervalles réguliers, on a donc droit à une nouvelle fournée de récits inédits ou exhumés des cartons du maître de l’horreur. En l’occurrence, Plus noir que noir propose une sélection éclectique qui mêle ses dernières itérations policières avec d’anciens démons.

Ce recueil de 12 nouvelles s’inaugure par Deux crapules pleines de talent qui flirte avec la science-fiction et la métaphysique. L’occasion est donnée d’aborder un thème cher à l’auteur : le rapport à l’écriture. Contrairement à de précédentes histoires, il ne s’agit pas du processus créatif ou du sens que l’on porte à l’art, mais plutôt de s’attarder sur les raisons susceptibles d’expliquer le succès des uns et l’échec des autres. Sans fermer la porte à une interprétation toute personnelle, le propos suscite une part de chance et de hasard qu’il convient de ne pas négliger. La première occurrence se veut donc singulière et prometteuse pour la suite.

Bien plus brève, La Cinquième étape reste ancrée dans le réalisme, en évoquant l’alcoolisme et le renoncement. Cette conversation entre deux étrangers dénote par son dénouement. Puis, on commence à décliner avec l’anecdotique Willie le tordu, incursion superficielle et assez malsaine dans cette appétence (et le voyeurisme qui en découle) pour l’agonie d’un proche. Vite oubliée, on enchaîne avec la pièce maîtresse en terme de volume. Le Mauvais rêve de Danny Coughlin se lance une enquête policière qui délaisse assez vite le prétexte fantastique. Si l’idée est bonne, la progression se veut poussive. Les réactions de l’antagoniste (un agent borné) génèrent plus d’agacement que d’angoisse, eu égard à son entêtement et à son manque de discernement qui confèrent à l’incompétence.

Si la qualité d’écriture est présente, le déroulement des évènements et les comportements des personnages manquent de vraisemblance, même lorsqu’ils se retrouvent devant le fait accompli ou l’évidence même. Sans être mauvaise, cette histoire demeure conventionnelle et l’une des plus faibles du recueil. Cette impression en demi-teinte perdure avec Finn où l’on suit le parcours d’un gars qui joue de malchances depuis sa tendre enfance. Là encore, on reste perplexe face à la stupidité manifeste de ses kidnappeurs, sans compter sur leur mobile. On a connu Stephen King plus inspiré, lorsqu’il s’agissait de se lancer dans un récit de séquestration…

À mi-parcours du recueil, on craint donc de tenir entre les mains les fonds de tiroir de l’auteur. Ce n’est pas tant la variété des histoires qui est à fustiger, mais ce caractère commun qui s’écarte de nouvelles autrement plus marquantes par le passé. Contrairement à la voiture de la famille Brown dans Slide Inn Road, on ne sort guère des sentiers battus. Celle-ci reste également dans un cadre rationnel, où les personnages se confrontent à des criminels sur un chemin de traverse. En termes de qualité, on remonte la pente progressivement avec Écran rouge, bon hommage à L’Invasion des profanateurs de sépultures, bien que trop court.

Quant au Spécialiste des turbulences, elle constitue sans doute l’une des grandes curiosités de l’ouvrage. L’entame joue de mystères sur les singulières fonctions et responsabilités de Craig Dixon. Intéressante considération fantastique sur la peur de l’avion. S’ensuit Laurie qui marque une belle amitié entre un chien et son maître, même si le récit se montre prudent dans sa tournure. Avec Serpents à sonnette, il s’agit d’une petite surprise puisque le protagoniste n’est autre que Vic Trenton, le mari de Donna dans le roman Cujo. On découvre sa vie et ce qu’il est advenu de son couple au cours des 40 dernières années. Cela sur fond de manifestations paranormales, non loin de feu Duma Key. Les clins d’œil, comme la narration, demeurent très appréciables.

L’avant-dernière nouvelle présente un titre évocateur de quelques divagations lovecraftiennes. Les Rêveurs marquent les expérimentations d’un scientifique qui souhaite entrevoir la face cachée de nos songes. Sur fond de traumas propres à la guerre du Vietnam, l’incursion est sans doute la seule qui justifie le titre du livre. Enfin, L’Homme aux réponses constitue une conclusion magistrale. Si l’histoire part d’un postulat simple, elle sous-tend de nombreuses implications et réflexions sur le sens de l’existence, les notions de déterminisme et de libre arbitre. À travers la vie et les épreuves de Phil Parker, cette nouvelle s’avance comme le point d’orgue de cette excursion aux quatre coins de l’Amérique.

Au final, Plus noir que noir est un recueil qui laisse un sentiment mitigé. Une impression similaire à ce qu’on avait déjà pu constater avec Le Bazar des mauvais rêves. Le melting-pot des genres donne lieu à des histoires variées, mais d’un intérêt inégal. Le démarrage s’avère poussif avec les récits les plus longs et les moins percutants. On notera que ceux-ci s’écartent du fantastique et de l’horreur. Ici, les intrigues policières ou celles relevant du thriller prêtent à peu de conséquences. Quant à la seconde partie du livre, elle se révèle davantage convaincante et comporte de véritables pépites qui rattrapent l’apriori en demi-teinte initial.

Note : 13/20

Par Dante

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