
Avis :
Le succès tient parfois à des heureux hasards, et pour certains groupes, il arrive un peu trop vite. Prenons l’exemple du chemin de carrière de Bloodywood. A la base, il s’agit d’un seul homme, Karan Katiyar, guitariste, flûtiste, producteur et compositeur, qui fait des reprises de chansons Pop en version Métal sur Youtube pour s’amuser. Il rencontre alors Jayant Bhadula, responsable de talents dans une société de divertissement, et il est étonné par les capacités vocales de ce dernier, lui octroyant alors le rôle de chanteur guttural dans ses reprises. Par la force des choses, le groupe rencontre le rappeur Raoul Kerr, qui va alors faire partie intégrante du projet, avec par la suite le bassiste Roshan Roy, le batteur Vishesh Singh et le joueur de dohol (un tambour) Sarthak Pahwa. Bloodywood sort alors son premier album en 2022, Rakshak, et fait le buzz sur les réseaux sociaux.
En même temps, les groupes de métal provenant d’Inde, c’est assez rare, encore plus quand ils chantent en Hindi et embrasse pleinement leur culture. De plus, Bloodywood enchante, car leurs paroles parlent de harcèlement, des violences faites aux femmes ou encore de lutte contre la dépression et les maladies mentales, ce qui en fait un groupe intéressant à suivre. Et c’est alors qu’en 2025 déboule Nu Delhi, le nouvel album des indiens, qui promet, au vu de la jaquette, de sortir l’artillerie lourde, et de répandre son Nu-Métal gentiment régressif dans nos esgourdes. Mais malheureusement pour nous, le résultat ne sera pas à la hauteur de nos espérances. Huit titres, un peu plus d’une demi-heure d’écoute, et un sentiment de facilité se dégage de l’ensemble, qui manque cruellement d’originalité, de technique et surtout d’authenticité. Car oui, il ne suffit pas de mettre quelques intrus folkloriques pour faire une chanson originale.
Le premier morceau, Halla Bol, débute de manière assez intéressante, puisqu’elle propose une sorte de mantra hindi, avant de laisser parler la poudre avec un gros riff puissant, et quelques ajouts électro pour épaissir l’ensemble. C’est puissant, ça envoie du lourd, mais on va vite ressentir les limites du titre, et de l’album en général. En effet, ici, ça se repose surtout sur sa rythmique ultra rapide, ça nous sort un petit break avec une musique folklorique, mais c’est un vrai bordel généralisé. Il n’y a aucune finesse dans l’exécution, et le groupe s’appuie bien trop sur ses sonorités modernes pour y apporter un quelconque changement. Et puis question Nu-Métal, ça a des années de retard. On pourrait y trouver un petit plaisir régressif, mais dans les faits, c’est très faiblard. Et ce sera la même chose avec Hutt qui utilise les mêmes sentiers.

Le groupe campe sur ses positions, propose une rythmique dynamique, un break qui fait écho à la culture indienne, mais on reste sur des rails qui empruntent bien trop le chemin moderne de l’électro. Dhadak peut faire l’impasse à son début, avec son gros riff bien gras, mais rapidement, on retrouve des tics vocaux et des ajouts qui ne font que rajouter du bruit à l’ensemble. Alors oui, c’est entrainant, et les parties rappées sont assez agréables, mais globalement, on reste sur quelque chose de très balisé. Et il est dommage que les parties en hindi soient teintées d’autotune. D’un autre côté, il n’est pas étonnant de retrouver un featuring avec Babymetal sur le titre Bekhauf. Amusant au démarrage, le titre devient vite gonflant dans son aspect fourre-tout et bordélique. Encore une fois, si l’énergie est là, techniquement, c’est trop surproduit et cache-misère.
Kismat fait illusion dans sa première partie, avec un côté folklorique plus appuyé. Cependant, chassez le naturel, il revient au galop, et le groupe retombe dans ses travers avec des nappes électro déplaisantes, et un manque cruel de fond d’un point de vue technique. Avec Daggebaaz, il n’y a pas grand-chose de plus à dire, sinon que le groupe offre la même recette, avec quelques changements, ici une flûte folklorique qui vient, par moment, se faire entendre, mais qui est noyée par un Nu-Métal en retard de vingt ans. Que dire de Tadka qui parle de cuisine, et d’une recette épicée, se terminant alors par un rot sonore. Puis l’album se conclut avec Nu Delhi, le « hit » de l’album, celui qui s’appuie le plus sur la culture indienne, avec des relents Bollywood, mais ça reste anecdotique, avec peu de passages marquants.
Au final, Nu Delhi, le dernier album de Bloodywood, peut se voir comme une petite déception. Si le projet de ce métal indien n’était pas forcément optimal dans son premier effort et les quelques chansons disponibles en ligne, force est de constater que le groupe ne propose rien de bien neuf question Nu-Métal, et se repose beaucoup trop sur son mélange électro/folklorique, noyé au milieu de riffs brutaux et de rap peu inspiré, répétant jusqu’à la lie la même recette. Et une petite demi-heure peut vite devenir un long moment…
- Halla Bol
- Hutt
- Dhadak
- Bekhauf feat Babymetal
- Kismat
- Daggebaaz
- Tadka
- Nu Delhi
Note : 10/20
Par AqME
