
D’Après une Idée de : Joko Anwar
Avec Muzakki Ramdhan, Ario Bayu, Asmara Abigail, Kevin Ardilova
Pays : Indonésie
Nombre d’Episodes : 7
Genre : Horreur
Résumé :
Plongez dans un monde de phénomènes surnaturels et de science-fiction avec ces sept histoires troublantes imaginées par le scénariste et réalisateur Joko Anwar.
Avis :
Pendant de nombreuses décennies, le cinéma indonésien a éprouvé de grandes difficultés à franchir ses propres frontières. La frilosité de certains distributeurs internationaux pour un marché de niche a freiné les rares initiatives en la matière. Il faut attendre le succès des films horrifiques asiatiques pour entrevoir quelques bobines en provenance de ce pays. Très vite, les productions locales se distinguent dans ce registre et obtiennent une certaine notoriété auprès des amateurs. Bien que perfectible dans son traitement, on songe à Modus Anomali, film qui a permis à Joko Anwar de bénéficier d’une belle visibilité dans ce domaine.

Le réalisateur s’est montré prolifique en matière de courts et de longs métrages. Cela sans oublier sa contribution à d’autres projets, en tant que scénariste. En l’espace d’une quinzaine d’années, Joko Anwar a proposé une œuvre non dénuée de qualités, même si les ambitions sont plus enthousiasmantes que le résultat final pour certaines itérations. Il n’en demeure pas moins un cinéaste inspiré qui aime travailler la dimension sociale de ses histoires. Nightmares & Daydreams ne déroge pas à cet intérêt sincère pour dénoncer les inégalités au sein de la société indonésienne.
Série anthologique produite en partenariat avec Netflix, cette thématique est récurrente au fil des épisodes. Il s’agit d’un élément prépondérant qui s’appréhende à partir de plusieurs points de vue. D’un récit au suivant, on peut apprécier une situation et un cadre différents. Autre aspect notable pour mettre en valeur l’évolution ou l’absence de changements : une temporalité qui explore aussi bien les années 1980 que les décennies suivantes. Le traitement ne multiplie pas les allers-retours chronologiques incompréhensibles, mais ancre chaque intrigue dans une période donnée. L’idée demeure maîtrisée et permet d’entrevoir différents éléments contextuels étayés dans un environnement urbain ou rural.
Nightmares & Daydreams se distingue également par la qualité et la diversité de ses histoires. Aucune d’entre elles ne se ressemble. Elles interpellent, tant par le mystère qu’elles suscitent que par l’approche dramatique de leur sujet. Pour ne citer que les exemples les plus marquants, Crève-cœur inaugure l’anthologie avec une intrigue oppressante, à forte influence lovecraftienne. Contrechamp triture les notions de perception et de réalité avec une atmosphère surannée délectable au sein de ce cinéma. Quant à La Rencontre, l’accent est mis sur les croyances et les superstitions pour mieux dénoncer la crédulité et l’opportunisme de nos semblables.
On pourrait penser que la présente série s’avère recommandable à plus d’un titre. En un sens, elle l’est, ne serait-ce que pour découvrir des destins esseulés et malmenés par les dictats sociaux. Pour autant, elle présente plusieurs défauts. Parmi ceux-ci, les effets spéciaux constituent un écueil formel ostensible, mais guère préjudiciable pour s’immerger dans ces ambiances lugubres. En revanche, il y a un véritable problème avec le dénouement des épisodes, la teneur des évènements et les phénomènes auxquels on assiste. Alors que l’écriture demeure entraînante la plupart du temps, les conclusions se perdent dans des considérations absconses. Certes, on remarque un fil directeur censé former un tout cohérent, mais il n’est guère vraisemblable.
De même, certaines histoires se terminent sur une ouverture abrupte. En l’occurrence, cette dernière n’est pas synonyme d’interprétation, mais d’une carence narrative quant aux épilogues. À plusieurs reprises, on distingue aussi des irruptions rocambolesques qui contrastent avec le soin apporté jusqu’alors. On a l’impression que les scénaristes ne parviennent pas à insuffler un point d’orgue, à trouver un terme plausible à ces tranches de vie tourmentées. Poèmes & souffrances est un exemple représentatif de ce constat. Et avec Boîte postale 888, cette première saison se termine dans des perspectives improbables et excentriques, à la limite du nanardesque.

Au final, Nightmares & Daydreams aurait pu s’avancer comme une série remarquable. Cela tient à son traitement des intrigues où le caractère social, ancré dans une réalité nihiliste, côtoie des phénomènes surnaturels, à tout le moins qui échappent à des considérations rationnelles. Le travail sur les personnages, le soin apporté à des atmosphères sinistres et la diversité des récits contribuent à lui offrir un très bon a priori. Malheureusement, on regrette des effets spéciaux médiocres et, surtout, une incapacité manifeste à trouver des conclusions potables. Il aurait mieux fallu se contenter de proposer des histoires indépendantes, sans s’évertuer à les rassembler par un fil directeur peu engageant, tant il se montre farfelu et discordant par rapport à la tonalité générale.
Note : 13/20
Par Dante