février 10, 2025

Caught – Max Ophüls et le Mélodrame

De : Max Ophüls

Avec James Mason, Barbara Bel Geddes, Robert Ryan, Frank Ferguson

Année : 1949

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame

Résumé :

Leonora, jeune fille de Denver, rêve de luxe et d’ascension sociale. Elle rencontre Smith Ohlrig, un riche homme d’affaires qui l’épouse sur un coup de tête. Mais Leonora est rapidement délaissée et méprisée par son mari. Enceinte, elle décide de quitter le foyer conjugal.

Avis :

Comme pour plusieurs cinéastes allemands de sa génération, la carrière de Max Ophüls s’est pliée au contexte sociopolitique de l’époque. Après un premier exil en France, le réalisateur se voit contraint d’émigrer aux États-Unis. En comparaison d’autres artistes dans sa situation, son incursion hollywoodienne s’avère tardive. Ce qui rend ses efforts d’intégration particulièrement difficiles dans le milieu du 7e art. Cependant, il parvient à travailler avec Howard Hughes sur Vendetta, même si leur collaboration s’est révélée désastreuse sur le plan relationnel. À la suite de son éviction du projet, cette histoire constitue l’une des grandes sources d’inspiration de Caught.

Il est vrai que Max Ophüls avait déjà développé le sujet du contraste des statuts sociaux dans Lettre d’une inconnue. Pour autant, le contexte et l’approche sont aux antipodes avec le présent métrage, même si l’on aborde également une romance. Dans un cadre contemporain, l’intrigue se penche sur le rapport à l’argent, sa manière dont il triture l’esprit et le comportement de tout un chacun. De prime abord, on pourrait s’attendre à une vision classique où l’épouse trouverait un intérêt dans cette union opportune. Ce qui, soit dit en passant, est le point de vue de son mari. La scénarisation se monte plus subtile qu’escomptée puisque les jugements de l’homme l’empêchent de reconnaître la sincérité de sa femme.

« On n’assiste donc pas à un discours vénal »

On n’assiste donc pas à un discours vénal où la pauvreté envie le sort ou la situation d’une caste aisée. Certes, il y a bien quelques allusions idéalisées, mais elles se heurtent à d’indéfectibles principes et à une réalité moins glamour qu’attendu. Il n’est pas tant question de dépeindre la dégradation d’une relation sentimentale que de faire s’opposer des valeurs incompatibles. Tout au long du film, Leonora reste assez naïve dans la capacité de Smith à changer, à accepter son amour et leur bonheur, en dehors du confort matériel. Elle n’en demeure pas moins pragmatique pour prendre des décisions difficiles, quitte à bouleverser ses habitudes.

Assurément, il s’agit d’une personnalité indépendante et résolue. Quant à Smith Olrig, on distingue l’archétype de l’homme riche et mégalomaniaque. Au regard du passif du réalisateur, il est aisé d’y reconnaître une figure caricaturée d’Howard Hughes. La froideur de son tempérament relègue ses semblables à de vulgaires considérations matérialistes. En dépit de son succès, il est incapable de nouer une relation saine. On peut même entrevoir un caractère névrosé et colérique qui nécessite un suivi psychiatrique. Au fil de l’histoire, le dénigrement est manifeste et perd autant en objectivité qu’en nuance. Certes, le personnage demeure antipathique, mais l’on ressent davantage un règlement de compte sous-jacent qu’une volonté de développer des protagonistes marquants.

« On se retrouve proche du mélodrame. »

L’évolution de la situation va aussi rester dans la confrontation psychologique. Le rapport de force se focalise sur la pression du confort financier d’un côté et des sentiments, de l’autre. À de nombreuses reprises, on a pu qualifier Caught de film noir. Il est vrai qu’il critique la société et le consumérisme inhérent au capitalisme. Cependant, il s’en éloigne dans son esthétisme, comme dans son traitement. On se retrouve proche du mélodrame. De même, le cadre n’est pas synonyme d’une atmosphère oppressante. Il constitue un moyen de souligner la vacuité et l’austérité de la demeure Olrig face à une chaleur plus perceptible dans le cabinet médical, et ce, en dépit du travail ou des conditions d’exercice.

Au final, Caught reste une production intéressante dans la filmographie de Max Ophüls. S’il n’est pas forcément le plus connu ou le plus remarquable, ce métrage se distingue par les valeurs qu’il véhicule sur le rapport à l’argent, non le confort financier en lui-même. La romance a beau devenir prévisible sur de nombreux aspects, la construction des relations et des caractères suscite l’intérêt dans leur évolution respective. On peut toutefois regretter que le réalisateur sombre dans des élans émotionnels personnels à l’égard de l’antagoniste. Le traitement manque alors de nuances et la tonalité manichéenne supplante l’incertitude qui aurait pu découler de la situation. Preuve en est avec un dénouement facile qui use d’une perte pour accéder au bonheur. Un dernier choix maladroit qui laisse perplexe quant à la morale et la teneur des évènements.

Note : 14/20

Par Dante

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