De : Scott Beck et Bryan Woods
Avec Hugh Grant, Chloe East, Sophie Thatcher, Topher Grace
Année : 2024
Pays : Canada
Genre : Horreur
Résumé :
Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie…
Avis :
Duo de réalisateurs américains, Scott Beck et Bryan Woods sont de retour un peu plus d’an après leur dernier film, l’ambitieux et finalement pas si incroyable que cela, « 65 – La Terre d’avant« , film qui voyait Adam Driver s’écraser sur une planète inconnue qui se révèle être en fait la Terre. Les deux hommes se sont rencontrés sur les bancs de l’université dans l’Iowa. De là, le duo fonde leur société de production, et se met à réaliser au début des années 2000. Si, depuis 2002, ils n’ont plus posé leur caméra, il va leur falloir un peu de temps avant de se faire remarquer. D’ailleurs, la reconnaissance viendra d’ailleurs, puisqu’en parallèle de la réalisation, les deux sont aussi scénaristes, et en 2018, ils co-écrivent un scénario qui va faire pas mal parler de lui, puisqu’il s’agit de « Sans un bruit« .
Mais revenons sur « Heretic« , film qui nous est vendu comme un film d’horreur et d’épouvante, alors que finalement, pas du tout. S’il y a bien une tension qui se tient tout au long du métrage, « Heretic » est surtout un drame en huis clos qui questionne sur la croyance. Très philosophique dans ce qu’il raconte, pour ne pas dire politique, « Heretic » est un cauchemar éveillé qui se fait très étonnant dans sa trajectoire, car au fur et à mesure que cette intrigue se dessine, et que ces jeunes femmes se trouvent de plus en plus piégées dans leur croyance, « Heretic » se pose comme un labyrinthe dont on ne voit pas la sortie. Ainsi, les deux réalisateurs et leurs acteurs nous tiennent d’un bout à l’autre, avec manipulations, réflexions, et même un soupçon d’interprétation, et ça, c’est très bien !
« »Heretic » n’est pas un film d’horreur, même si ce dernier se pose comme un cauchemar éveillé. »
Sœur Barnes et Sœur Paxton font du porte-à-porte pour promouvoir la bonne parole de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, ou plus simplement de l’église mormone. En fin de journée, les deux jeunes femmes se rendent chez monsieur Reed, un homme d’une soixantaine d’années qui a manifesté l’envie d’en découvrir plus sur cette église. L’homme est charmant, enfin au premier abord, car très vite, les deux jeunes femmes vont se rendent compte qu’elles sont tombées dans un piège. Un piège aussi dangereux qu’étrange, car avec ce dernier, monsieur Reed compte bien mettre à mal la foi des deux sœurs…
Se posant comme une excellente surprise, « Heretic » est à mille lieux du film qu’on attendait. Comme je le disais plus haut, « Heretic » n’est pas un film d’horreur, même si ce dernier se pose comme un cauchemar éveillé. Cauchemar qui est encore plus poussé pour les personnes croyantes. En fait, avec ce film et cette histoire, Scott Beck et Bryan Woods se sont aventurés sur un pitch très couillu. Un pitch qui se pose comme une réflexion philosophique autour de la religion. Ici, il va être question de manipulations, de jeux, de vrai et de faux, de perspectives, et pourquoi pas même, du syndrome de Dieu, avec cet homme qui joue avec ses pions…
« Heretic » est un film qui, dans sa première heure, n’est qu’une discussion autour de la religion. Une discussion qui se fait de plus en plus tendue, au bout de laquelle un choix est proposé, et ça, c’est passionnant. Très bien écrit, on reste scotché aux lèvres d’un Hugh Grant qui se fait de plus en plus menaçant. Que cherche vraiment cet homme ? Cette question peut hanter, et comme tout est bien amené, on se laisse tranquillement guider. Mieux encore, lorsque l’on se retrouve devant le dilemme posé, on a très envie d’emprunter les couloirs proposés afin de savoir ce qui peut se cacher derrière les portes closes.
« Hugh Grant crève l’écran dans un rôle inattendu »
Puis une fois cette première partie finie, le film s’aventure autre part, change de ton, tout en gardant ses réflexions autour de la religion, autour de la recherche de quelle est la vraie religion. Ainsi, cette petite maison va se révéler tout autre, et pour les deux personnages féminins commencent alors une descente en enfer. Il y a quelque chose du labyrinthe de l’enfer, comme si, pour s’en sortir et découvrir la vérité, il fallait de plus en plus s’enfoncer, et presque accepter son sort, et plus loin finalement, accepter de croire ou de ne pas croire… Bref, cette intrigue qui ira jusqu’au bout se révèle passionnante, et même très osée dans ce qu’elle expose et dénonce.
Après, si l’intrigue est vraiment intéressante, et si la mise en scène de Scott Beck et Bryan Woods est surprenante d’un bout à l’autre, « Heretic » n’est pas non plus parfait, notamment vers sa fin, où certes, elle peut être sujette à interprétation, mais il y a quelque chose dans son montage qui est étrange. Alors que jusque-là, le film était, entre guillemets, très clair, d’un coup, il y a quelque chose qui détonne dans le ton et l’action, et l’on se retrouve, l’espace de quelques instants, interrogatif. Avec ça, malgré de solides arguments dans le discours, sur certains points, le film en fait un peu trop aussi. Puis il y a un côté prévisible sur un événement, mais heureusement, ce dernier est assez nuancé avec le discours fait auparavant, et ça, ça lui donne un petit côté où l’on peut interpréter ce que l’on veut et c’est bien.
Côté casting, « Heretic » est un film qui est tenu par trois acteurs seulement, et les trois sont excellentissimes. Bien sûr, Hugh Grant crève l’écran dans un rôle inattendu pour lui, et son personnage est passionnant. Puis face à lui, Chloé East et Sophie Thatcher sont de vraies révélations, chacune complétant l’autre.
Au bout du compte, ce qui s’apparentait comme un énième film d’horreur qui prenait un acteur absolument pas habitué à ce genre de rôle, se révèle tout autre. Excellente surprise, cette discussion autour de la foi religieuse fut passionnante, tout comme l’errance qui va s’en suivre. Surprenant, intrigant, déstabilisant, notamment avec tous ses arguments, réfléchi, très bien filmé et tenu, « Heretic » peut se poser comme le meilleur film des deux réalisateurs, et au-delà de ça, le film est produit par A24, et décidément, ce studio est bel et bien le meilleur studio de ces dernières années. Maintenant, je n’ai qu’une envie, c’est d’être le 27 Novembre, pour le revoir et étayer certaines choses.
Note : 16/20
Par Cinéted