Titre Original : Soy Nevenka
De : Iciar Bollain
Avec Mireia Oriol, Urko Olazabal, Ricardo Gomez, Carlos Serrano
Année : 2024
Pays : Espagne, Italie
Genre : Drame, Biopic
Résumé :
À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C’est le début d’une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s’en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès.
Avis :
Icíar Bollaín est une grande réalisatrice dont on n’entend pas plus parler que cela. Actrice et cinéaste espagnole, Icíar Bollaín, c’est plus de quarante années de cinéma. Elle débute dans les années 80 en tant qu’actrice, et elle va faire une belle carrière, qui aura un couronnement en 1992, lorsqu’elle sera élue actrice de l’année par la revue Billboard Turia. Au même moment, Icíar Bollaín commence à réaliser et bientôt, elle va délaisser l’acting pour la réalisation. Et de ce côté-là, elle remporte un franc succès, et pour ma part, ça doit bien faire une bonne dizaine d’années que je ne loupe pas l’un de ses films.
Deux ans après « Les repenties« , film qui abordait le pardon à travers le portrait d’une femme dont le mari fut tué par l’ETA, Icíar Bollaín est de retour dans nos salles de cinéma avec un film tout aussi politique, « L’affaire Nevenka« . Si cette affaire en question n’est pas connue chez nous, en Espagne, elle a eu son retentissement, et s’est posée comme un séisme. Me Too avant l’heure, ici, la réalisatrice espagnole nous parle de la première femme qui a osé porter plainte et partir en procès face à un homme politique puissant. Passionnant et glaçant, loin des poussifs des films qui traitent parfois ce sujet-là, Icíar Bollaín livre un film puissant, qui se pose d’ores et déjà comme l’un de ses meilleurs films.
« Icíar Bollaín nous entraîne dans un engrenage glaçant »
Fin des années 90, dans la ville de Ponferrada, Nevenka Fernández, vingt-cinq ans, vient d’être élue conseillère municipale auprès du Maire de la ville, Ismaël Alvarez, qui est un homme politique établi, charismatique et puissant. Entre la conseillère et le Maire, le courant passe très bien et sur l’espace de quelques semaines, une liaison entre les deux s’installe. Mais tout aussi vite, Nevenka ne se sent pas à l’aise avec cette liaison, alors elle décide de rompre, et c’est à partir de ce moment que l’enfer va commencer pour elle. Harcèlement, intimidations, petit à petit, la jeune femme se renferme sur elle-même, ne sachant que faire pour sortir dignement de tout cela.
Qu’elle est douée Icíar Bollaín ! À la sortie de ce film, c’est la première chose qui m’est venue en tête. Icíar Bollaín, c’est une réalisatrice dont j’aime beaucoup le cinéma et qui de film en film est sur une pente ascendante, offrant des expériences de cinéma meilleures à chaque fois.
Son nouveau film, c’est un Me too avant l’heure, puisque la metteuse en scène nous raconte un fait divers qui date de la fin des années 90, et le début des années 2000 en ce qui concerne le procès. Ce qui va être très intéressant avec ce film, c’est le regard d’aujourd’hui que la réalisatrice pose sur une affaire qui a plus de vingt ans. Construit en deux parties, la rencontre et l’enfermement, puis l’exposition de cette affaire « sur la place publique », le nouveau film d’Icíar Bollaín nous entraîne dans un engrenage glaçant, dont la victime sera presque la coupable aux yeux de tous. Peignant un portrait vraiment touchant, Icíar Bollaín nous présente une jeune femme pleine de vie et d’ambition, dont l’avenir s’annonce radieux, même si rien n’est jamais sûr dans le milieu de la politique.
« Mireia Oriol est la grande révélation de mon année de cinéma. »
Très bien écrit, et prenant son temps, Icíar Bollaín décrit avec précision le processus d’enfermement et l’emprise qui se fait de plus en plus terrible sur cette femme. Comment faire face à un homme aussi puissant ? Qu’est-ce que cela implique pour elle, même aussi pour ses proches ? D’ailleurs comment en parler à ses proches ? Puis derrière ça, comment arriver à sortir de cela, sans que sa réputation et sa carrière ne soient entachées par les jugements hâtifs, et les qu’en dira-t-on ?
Si on a déjà vu ce genre de film, car on peut dire que c’est dans l’air du temps, « L’affaire Nevenka« , à bien des arguments, se pose comme l’un des meilleurs, car Icíar Bollaín évite les pièges et autres clichés, et surtout, malgré un scénario qui, dans un sens, ne tient pas vraiment de surprise, le film ne cesse de gagner grâce à la puissance de la mise en scène de sa réalisatrice qui, pour raconter cette histoire, mais aussi et surtout ses personnages, a tout compris. Jamais elle ne force son émotion, jamais elle ne force l’horreur des situations, ou l’emprise, pire encore, il y a quelque chose d’attachant qui se dégage du personnage d’Ismaël, alors même que l’on assiste impuissant aux horreurs qu’il est capable de faire.
Avec ça, un autre sujet qui est incroyable avec ce film et cette histoire, c’est la perspective de cette dernière dans l’opinion publique et les médias qui prennent très vite position en faveur du Maire de la ville, un homme très aimé et très respecté. Là encore, l’émotion est parfaitement tenue. Le mot dignité reviendra plusieurs fois dans les discours, et il peut aisément être appliqué comme la parfaite définition de la mise en scène d’Icíar Bollaín et plus loin encore, de son actrice principale, car oui, il faut s’arrêter l’espace de quelques lignes sur la prestation bluffante de Mireia Oriol. L’actrice, que je ne connaissais pas jusque-là, est aujourd’hui inoubliable tant elle compose un personnage bouleversant d’un bout à l’autre de ce film. C’est la grande révélation de mon année de cinéma.
Sorti la semaine de « The Substance » et du nouveau Robert Zemeckis, il ne faudrait surtout pas oublier le nouveau film de Icíar Bollaín qui est un drame bouleversant jusqu’à sa dernière scène. La réalisatrice a parfaitement su trouver l’angle et la façon de raconter cette histoire et ses personnages. Engagé, politique, féministe, et on ne peut plus d’actualité, alors même que les faits ont plus de vingt ans, « L’affaire Nevenka » est un grand film, pour une triste histoire, et il serait vraiment dommage de passer à côté.
Note : 18/20
Par Cinéted