
Auteurs : David Hasteda et Guillaume Leblanc
Editeur : Ankama
Genre : Action, Aventure, Fantastique
Résumé :
Fin 1944, les Corsair de l’armée américaine dominent le ciel du Pacifique et le pilote japonais Hiroyuki Hamada sait maintenant que la défaite est inéluctable. Quand la marine impériale décide d’avoir recours à des pilotes kamikazes, avec l’opération « Vent Divin », le lieutenant Hamada est tiraillé entre son devoir et son libre arbitre. Il doit se résoudre à laisser sa femme et sa fille Riko pour prendre le commandement d’une mission sans retour.
Mais sur la base comme dans les airs, des créatures inquiétantes s’invitent dans le dénouement du conflit américano-japonais. Voraces et agressives, elles ont un surnom auprès des pilotes de guerre… « GREMLINS ».
Avis :
Durant les années 1920, les pilotes de la Royal Air Force avait pour habitude de dire « Have a fit of the Gremlin » lorsque leur avion avait des problèmes techniques. Cela signifiait qu’un lutin facétieux faisait dysfonctionner la machinerie, permettant alors de ne pas incomber la faute aux techniciens restés au sol, et de garder toute confiance en l’armée. En 1942, Roald Dahl, l’auteur de Charlie et la Chocolaterie ou Sacrées Sorcières (entre autres), trouve l’anecdote marrante, et décide d’en faire une nouvelle, sous l’égide d’un certain Walt Disney. Par la suite, après plusieurs projets avortés, c’est dans les années 80 que l’on retrouve la bestiole grâce à Joe Dante et son célèbre film, ainsi que sa suite. Pour retrouve des origines plus proches de l’anecdote, il faudra attendre 2020 avec le film Shadow in the Cloud, porté par Chloé Grace Moretz.

Un film qui a fait frémir David Hasteda et Guillaume Leblanc, puisqu’ils travaillaient sur le projet depuis des années, et le film avec quelques accointances avec leur histoire. Mais fort heureusement, le film est oubliable, et surtout, le pitch de base demeure bien différent. En effet, le scénariste de la BD plante son décor durant la Seconde Guerre mondiale (et pas en pleine guerre du Pacifique) et il prend appui sur des éléments historiques existants, et notamment la mission Vent Divin avec les premiers kamikazes. De ce fait, Guns & Gremlins reste une histoire originale, mais qui est très loin de ce que laisse paraître la couverture, qui pourrait faire penser à une histoire dédiée à la jeunesse. Ici, le gore est de mise, et la bande-dessinée aborde des thèmes relativement durs, comme le sacrifice, l’honneur et les notions de courage.
On va y suivre Riko, une jeune fille qui vit sur une base militaire nippone, et son père est pilote d’avion. Un peu trop curieuse, elle dérange au sein de la base, et lorsqu’elle trouve un œuf étrange dans un hangar, le lieutenant lui laisse, espérant ainsi se débarrasser de cette petite chipie. Quant à son père, il va être rattaché à la nouvelle mission suicide pour tenter de vaincre la flotte américaine qui se rapproche de plus en plus. Sentant bien que la volonté des kamikazes n’est pas au beau fixe, le lieutenant cache alors des œufs dans chaque avion afin que le libre arbitre des pilotes ne soit plus un problème. Ainsi donc, on voit bien que les gremlins ne sont pas un ajout fantastique dû au hasard, mais qu’ils ont complètement leur place au sein d’un récit qui prend des parts de vérité.
Car oui, certains personnages ont réellement existé, certaines missions suicides se sont vraiment déroulées, et à cela, les auteurs ont mis un élément fantastique, éprouvant alors les pilotes, n’ayant plus le choix de leur destin. C’est fait de manière très maline, et surtout, le fantastique ne prend jamais le pas sur les éléments historiques. Tout s’imbrique de façon osmotique, permettant une lecture fluide et logique, ne dérogeant quasiment pas à la règle des Doggybags, une collection propre à la collection Ankama. On y retrouve aussi des passages gores, et une lecture fluide et récréative, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en images des combats aériens impressionnants, et parfois joyeusement régressifs. Le jeu de massacre qui se met en place est parfois abusé, mais il apporte un peu de légèreté autour d’une sombre histoire et de personnages troubles.
Car oui, au-delà de son aspect guerrier et action, Guns & Gremlins propose un véritable fond qui fait que l’on sera touché par les personnages et leur destin. En quelques planches, et sans jamais forcer le trait, les auteurs montrent un père aimant, qui a tous les atours pour être un héros de guerre, mais qui va devoir faire face à son destin, impuissant face aux chefs d’état qui vivent en dehors de la réalité et des risques. On va rapidement ressentir de l’empathie pour lui, mais aussi pour Riko, jeune fille qui va devoir faire preuve de courage pour accepter le sort de son père, mais aussi sauver la vie de sa mère. Ce fond apporte une réelle plus-value à la BD, mais aussi au récit qui se retrouve enrichi et plus intelligent qu’il n’y parait de prime abord.
Le seul petit reproche que l’on peut faire à cette bande-dessinée réside peut-être sur les dessins. Si le trait de Guillaume Leblanc est irréprochable, et que le découpage est ultra dynamique, on ressent tout de même la palette graphique, notamment dans la texture du bitume en début d’histoire, et on a parfois l’impression que les dessins sont collés à un décor préétabli. Rien de réellement dérangeant, et on sait à quel point la tablette graphique est un outil indispensable de nos jours dans le neuvième art, mais cela enlève un côté « humain » qui aurait été plus appréciable ici.

Au final, Guns & Gremlins est une bonne surprise. La BD s’accroche à une anecdote qui date des années 1920 pour en faire un récit plus profond et malin autour des pilotes japonais kamikazes. Ne se contentant pas de faire dans l’action bête et méchante, le scénariste injecte un fond touchant et crédible autour de la famille, de la résilience et de l’honneur. Bref, il s’agit-là d’une bonne bande-dessinée qui bénéficie, en prime, d’une couverture sublime.
Note : 15/20
Par AqME