Avis :
Si l’on doit évoquer un sous-genre du métal relativement violent, ce n’est pas forcément le Black Métal qui arrive en premier, mais plutôt le Deathcore. Mélange hybride entre le Death Métal et Metalcore, ce sous-genre a ses adeptes, et il plonge l’auditeur dans une violence débridée, parfois à la limite de l’écoutable, ou tout du moins du mélodique. Fer de lance du genre, The Acacia Strain est un groupe américain de Springfield qui s’est formé en 2001, et qui a rapidement su se faire remarquer avec leur premier album, …and Life is Very Long. Avec un titre pareil, on se doute rapidement des paroles du groupe, et c’est au forceps que les ricains se sont faits une place sur la scène métal. Aujourd’hui, le groupe ne compte plus que son frontman comme membre originel, et Slow Decay est le dixième album de la formation.
Sorti en 2020, derrière cette pochette qui pourrait rappeler les pires croutes accrochées aux murs de chez un grand-père amateur de chasse se cache en fait un déluge de violence et une grosse mandale dans la tronche de plus de quarante-trois minutes. Les américains semblent très en colère, et c’est grâce au label Rise Records que l’on peut avoir une telle baffe. Et cela commence dès le premier titre avec Feed a Pigeon, Breed a Rat, qui s’amuse avec une introduction très étrange, pour ensuite nous asséner d’un « It Feels Like Hell » guttural, cassé, presque désespéré, qui va gentiment nous cueillir. On sent que l’on n’est pas là pour rigoler, et on va se prendre des riffs brutaux comme rarement. Bref, ça tabasse à mort, quitte à laisser la mélodie de côté. Là, on est sur du gros son de molosse qui ne veut pas lâcher son os.
Et bien évidemment, avec ce genre de groupe, il faut s’attendre au meilleur, comme au pire, avec parfois une violence exacerbée qui juxtapose le non-sens. Pour autant, la force de The Acacia Strain, c’est clairement de varier les plaisirs, tout en restant sur une sonorité de mammouth. Crippling Poison emprunte au Hardcore sa vélocité et sa rythmique pour nous donner une cruelle envie de nous démonter la nuque. C’est puissant, mais c’est surtout fait avec maîtrise et ça a le mérite de ne pas durer trois plombes. Ici, on ne dépasse pas les trois minutes et c’est tant mieux. Avec Seeing God, on va aborder deux choses, l’une plutôt cool, et l’autre qui n’est pas terrible. En effet, ce titre marque le premier featuring, avec Aaron Heard, un musicien connu dans la sphère des guitaristes, mais malheureusement, le morceau reste assez similaire au précédent, et montre les limites du genre.
On sent que, parfois, ça tourne un peu en rond, et les titres ont tendance à se ressembler. Les américains sont tout de même assez malins pour ne pas tomber dans le piège de la redit, et ils changent un peu leur fusil d’épaule avec Solace and Serenity. Déjà parce que le titre possède une introduction, et même si l’on tombe rapidement dans l’hyper violence recherchée, on a une construction plus complexe pour fournir une pièce solide, et qui possède une jolie mélodie en arrière-plan. Mais chassez (un peu) le naturel, il revient au galop, et avec The Lucid Dream, on va prendre un méchant parpaing dans la gueule. Ici, le morceau est en featuring Jess Nyx, chanteuse pour Mortality Rate, et ça envoie du très lourd, parfois un peu trop, avec notamment une guitare qui scande un rythme trop appuyé pour pleinement convaincre.
Et puis il faut aimer les chanteuses qui crient plus qu’elles en chantent… Heureusement, le groupe a l’intelligence de fournir un titre plus calme par la suite, mais plus sombre. I Breathed in the Smoke Deeply it Tasted Like Death and I Smiled est un morceau qui prend son temps, mettant le chant en arrière-plan pour plus appuyer son ambiance délétère et presque apocalyptique. La mélodie est donc plus prégnante, et la construction est maline, puisque le titre peut presque se voir comme un interlude relativement long. Alors que le véritable interlude intervient avec Crossgates et sa minute massive, pour laisser place alors à Inverted Person et sa rythmique de malade. Néanmoins, le titre marque plus pour son côté violent que pour sa musique, et c’est dommage. On se rattrapera avec Chhinnamasta et son riff destructeur qui doit lancer les plus beaux wall of death.
Avec One Thousand Painful Stings, on peut aussi noter les limites du featuring. Ici, Courtney LaPlante (Spritibox) ne sert à rien sinon à employer une voix féminine pour adoucir le début et la fin. La chanteuse n’emploie pas son growl, et c’est relativement réducteur. Quant au titre en lui-même, il reste assez classique pour du Deathcore. Birds of Paradise, Birds of Prey marquera par ses ruptures de rythme et l’aspect presque Sludge de sa gratte, mais on reste sur quelque chose de simple. On notera tout de même un plus gros travail sur la mélodie, qui se fait presque plus douce sur les refrains. Enfin, The Acacia Strain marque un joli coup avec Earth Will Become Death, un morceau massif et puissant, qui se pare d’une conclusion qu’il sera bien dur de ne pas chanter à tue-tête. Un bon moyen pour refaire un tour de piste dans l’ultra violence.
Au final, Slow Decay, le dixième album de The Acacia Strain, est un effort solide, massif, puissant, mais qui possède aussi des défauts. Si on prendra plaisir à l’écoute, on va ressentir une certaine lassitude au bout d’un moment, notamment à cause d’une redondance des rythmiques et des mélodies. Comme bien souvent dans le Deathcore, l’énergie est là, la puissance aussi, mais ça pousse les potards tellement loin que parfois, ça en devient ridicule. Bref, il n’en demeure pas moins qu’ici, c’est un bon album, même s’il ne sortira pas du carcan Deathcore que l’on connait déjà.
- Feed a Pigeon, Breed a Rat
- Crippling Poison
- Seeing God feat Aaron Heard
- Solace and Serenity
- The Lucid Dream feat Jess Nyx
- I Breathed in the Smoke Deeply it Tasted Like Death and I Smiled feat Zach Hatfield
- Crossgates
- Inverted Person
- Chhinnamasta
- One Thousand Painful Stings feat Courtney LaPlante
- Birds of Paradise, Birds of Prey
- Earth Will Become Death
Note : 15/20
Par AqME