De : Jon Stewart
Avec Steve Carell, Chris Cooper, Mackenzie Davis, Rose Byrne
Année : 2020
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie
Résumé :
Un consultant politique démocrate aide un ancien colonel de la Marine dans son élection à la mairie d’une ville du Wisconsin.
Avis :
S’il est un sujet qui peut rapidement devenir pénible au cinéma, c’est la politique. Outre le fait de tomber sur un film qui a un parti-pris, il n’est jamais évident de rendre des élections passionnantes, ou encore de raconter un fait divers lors de débats historiques, surtout quand le pays en question n’est pas le sien. Pour autant, c’est un genre assez prolifique, notamment parce que l’Histoire a laissé pas mal de moments suspendus et de confrontations qui ont marqué les esprits. Néanmoins, s’il y a une chose dans laquelle on ne met pas trop notre nez, c’est dans les magouilles politiciennes pour comprendre comment se déroule les élections dans certains pays, et à quel point l’argent est le nerf de la guerre. C’est donc avec son deuxième film que Jon Stewart décide de s’en mêler en s’inspirant d’une histoire cocasse qui s’est déroulée dans un petit bled des Etats-Unis.
Nous sommes en 2019, et les élections américaines commencent à frétiller. Démocrates et républicains se mènent une guerre sans merci pour gagner des sièges en plus, et il faut trouver des personnes charismatiques pour coller au mieux au profil du parti. C’est en scrutant internet qu’un jeune homme tombe sur la vidéo d’un ancien marine tenant un discours démocrate face au maire sortant de sa petite bourgade au beau milieu du Wisconsin, dans l’Amérique profonde. Le parti démocrate y voit une aubaine pour placer un nouveau maire, et gagner des sièges qui étaient jusqu’à présent acquis à la cause républicaine. Mais les républicains ne vont pas se laisser faire, et c’est une guerre d’opinion qui va se déclencher, surtout entre les deux consultants politiques qui jouent gros sur ce coup.
« Irresistible tente de mettre en avant les gens de ces milieux ruraux. »
Jon Stewart utilise alors un vrai fait divers de l’Amérique pour pointer du doigt les dérives d’un système qui est totalement perverti par l’argent. Une critique qui cible tous les partis politiques, des démocrates aux républicains, tout le monde va en prendre pour son grade. D’ailleurs, cela commence avec le personnage incarné par Steve Carell, consultant démocrate, mais petit bourgeois qui vit aux crochets de ses assistantes et qui n’a pas vraiment les valeurs portées par le parti politique. D’entrée de jeu, on y voit des personnes, certes ouvertes, mais qui sont dans leur confort, ne manquent pas d’argent, et vont devoir faire avec les pécores, ces fermiers de l’Amérique profonde qui sont autant de voix à gagner. Bien évidemment, très rapidement, le film s’oriente vers une acclimatation plus ou moins difficile pour ce personnage, qui va se rendre compte que ses a priori sont nuls.
Tout le monde est très gentil avec lui, les gens ne sont pas si ignares ou racistes qu’il le pensait, et surtout, malgré des installations informatiques sommaires, la campagne va être portée par une volonté à toute épreuve. Irresistible tente vraiment de mettre en avant les gens de ces milieux ruraux, souvent perçus comme xénophobes ou bêtes à bouffer du foin, en montrant leur joie de vivre, d’être ensemble, et surtout de faire plaisir. Le réalisateur casse les clichés en mettant, par exemple, deux types qui ressemblent à des rednecks, mais qui ont une discussion très intelligente, avec un langage soutenu. Difficile aussi de résister à la boulangère en émoi devant ce consultant, qui va tomber amoureux de ses gâteaux, bien loin de son quinoa et autre salade de mozzarella. Tout cela concorde à donner un sentiment de joie et de bonne humeur à cette comédie qui n’a aucune prétention.
« L’un des points forts de ce film réside dans sa critique acerbe des élections. »
Une comédie qui trouve plusieurs souffles. Si la confrontation culturelle est bien là, il y aura aussi une confrontation frontale avec la consultante du parti d’en face. Rose Byrne est excellente dans la peau de femme intraitable, imbuvable, et pourtant délicieusement méchante. Menteuse, manipulatrice, elle fait tourner la tête de notre personnage central qui, on le sent, éprouve tout de même des sentiments pour elle. L’aspect comédie, on le retrouve dans la compétition qui s’installe, et dans les moyens mis en avant pour une simple place de maire dans une petite ville du Wisconsin. Jouant sur les sondages, sur les populations dans certains quartiers, on a vraiment un jeu de manipulation des idées qui se met en place, et qui demeure délicieux. Et là aussi, le réalisateur va se montrer très malin dans son script.
Car l’un des points forts de ce film réside dans sa critique acerbe des élections et du déploiement incroyable d’argent qu’il y a derrière. Ici, dans ce village oublié de tous, une somme colossale de dollars va être accumulée pour permettre l’achat de pancartes, banderoles, objets dérivés, sites internet, etc… et Jon Stewart s’évertue à montrer que ces dépenses sont inutiles, et que finalement, les élections américaines se gagnent par les plus riches. Le cinéaste n’hésite pas à utiliser le burlesque pour montrer cela, allant jusqu’à soudoyer des milliardaires en fin de vie, grabataires, n’ayant même plus toute leur tête, afin de récolter des fonds suffisants. Si les scènes sont drôles, elles ne sont pas si éloignées de la vérité. Et c’est bien cela qui fait peur, montrant que les opinions sont constamment manipulées, et que le mensonge est parfois pris comme une vérité qui n’est jamais remise en compte.
« Il manque une petite touche de folie. »
Le seul petit bémol que l’on peut apporter au film, c’est dans sa mise en scène. En effet, on reste sur quelque chose qui n’est pas spectaculaire, pas forcément touchant (malgré des gens chaleureux et une ambiance paisible qui fait du bien) et la réalisation ne fait pas d’effort pour faire du beau ou avoir des moments vraiment marquants. Il manque une petite touche de folie pour l’ensemble s’emballe vraiment. Et c’est d’autant plus dommage que le casting est dingue, avec le duo Steve Carell/Rose Byrne, mais aussi Chris Cooper qui est vraiment bon, ou encore Mackenzie Davis qui est plutôt convaincante en fille discrète mais aimante. Et dans des rôles mineurs, on retrouve du beau monde, comme Topher Grace qui se tire la bourre avec Nathasa Lyonne.
Au final, Irresistible est une sacrée bonne surprise. Derrière la comédie lambda que l’on pensait trouver se cache en fait un joli brûlot contre la façon d’élire des présidents aux Etats-Unis. Partant d’un fait divers qui prête à sourire, le réalisateur critique ouvertement les politiques et les consultants qui ne jurent que par l’argent et la victoire à tout prix, quitte à mentir et bafouer ses valeurs. Si on peut reprocher au film d’être un peu trop plan-plan, il n’en demeure pas moins attachant, avec une atmosphère joviale et chaleureuse qui fait du bien au moral.
Note : 15/20
Par AqME