Titre Original : It Came From Beneath the Sea
De : Robert Gordon
Avec Kenneth Tobey, Faith Domergue, Donald Curtis, Ian Keith
Année : 1955
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Une pieuvre géante attaque San Francisco…
Avis :
Qu’ils soient de nature terrestre ou maritime, les monstres et autres créatures gigantesques constituent une source d’inspiration inépuisable pour le cinéma de genre. Si le King Kong de Merian C. Cooper a marqué un précédent, il faut attendre les années 1950 pour que cette thématique émerge véritablement des studios. On songe notamment au kaijū eiga, un style nippon très spécifique inauguré avec Godzilla d’Ishirō Honda. À la même période, les productions occidentales se focalisent surtout sur des expérimentations scientifiques, des invasions extraterrestres et des catastrophes plus ou moins naturelles. Une vision du septième art qui reflète les peurs inhérentes au communisme et à un potentiel conflit avec le bloc russe.
Pour autant, Le Monstre vient de la mer ne constitue pas une occurrence inédite. Dans un registre similaire, on pouvait découvrir Le Monstre des temps perdus. D’ailleurs, Ray Harryhausen, véritable orfèvre des effets spéciaux, a travaillé sur les deux projets. Néanmoins, le résultat diverge, non dans le rendu des trucages, mais dans la qualité générale des films respectifs. Si Eugène Lourié interpellait sur son propos, en particulier sur les dangers du nucléaire, Robert Gordon se contente de réaliser un ersatz de son aîné et du premier Godzilla. Des thématiques jusqu’aux évènements clefs de l’histoire, les similarités sont nombreuses entre les métrages.
« Ray Harryhausen s’en sort avec les honneurs pour triturer trois bouts de ficelles. »
Cependant, la comparaison s’arrête à des occurrences formelles. Malgré une entame intéressante sur fond d’attaque sous-marine, l’intrigue s’empêtre vite dans une paresse narrative. Là où les précédents films imposent les fondamentaux d’un style à part entière, Le Monstre vient de la mer joue d’opportunisme avec une réappropriation impersonnelle, parfois fallacieuse. Pourtant, la suggestion de la pieuvre géante fait son effet lors de la première séquence. Par la suite, on sent que sa discrétion relève de la modestie du budget. Preuve en est avec la multiplication de plans rapprochés et de hors-champ qui flouent à minima le caractère laborieux de l’exercice.
Il faut essentiellement se contenter de tentacules belliqueux pour alimenter la dimension spectaculaire de la bobine. Hormis la scène du pont du Golden Gate et de rares apparitions, le corps de la pieuvre ne sera guère représenté à l’écran. Il est d’autant plus dommage que Ray Harryhausen s’en sort avec les honneurs pour triturer trois bouts de ficelles afin de donner vie à une pieuvre à six tentacules, au lieu de huit. De même, l’échelle reste cohérente pour suggérer une bête d’une taille formidable, et ce, dans un contexte réaliste. Toute la difficulté de ce dernier tient à user de repères facilement identifiables, contrairement à un cadre qui relève de l’imaginaire.
« On peut regretter une mise en scène maladroite et une évolution verbeuse. »
Malgré ces efforts, on peut regretter une mise en scène maladroite et une évolution verbeuse. En lieu et place d’avancer les confrontations avec l’animal, la majeure partie de l’intrigue se concentre sur des hypothèses scientifiques bancales et un déploiement ostentatoire des forces militaires américaines. Cela sans oublier une romance mielleuse qui prête à peu de conséquences. À considérer la gestion de crise et les enjeux, on assiste à une piètre allégorie du contexte de l’époque. En d’autres termes, la puissance des États-Unis fait front pour vaincre un ennemi qui attaque son territoire, son mode de vie. On a même droit à la contribution des forces de l’ordre et des pompiers pour repousser les tentacules !
Au final, Le Monstre vient de la mer est un métrage tout juste moyen. Ici, ce n’est pas tant la forme qui se veut vieillissante et désuète, mais le discours patriotique qui mine un scénario prévisible et une mise en scène impersonnelle. Sous couvert de valeurs proaméricaines, Robert Gordon se contente d’un effort minime et poussif, sans ambition ni implication. Il suffit de constater une évolution lénifiante où les dialogues flirtent avec de nombreux euphémismes et réparties creuses pour s’en convaincre. Les apparitions de la pieuvre géante sont aléatoires et surtout partielles. Seul véritable intérêt au film : le travail de Ray Harryhausen qui parvient à fournir des effets spéciaux corrects, en dépit des faibles moyens qu’on lui a accordés.
Note : 10/20
Par Dante
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