Titre Original : 20 Million Miles to Earth
De : Nathan Juran
Avec William Hopper, Joan Taylor, Frank Puglia, John Zaremba
Année : 1957
Pays : Etats-Unis
Genre : Science-Fiction, Fantastique
Résumé :
Un vaisseau spatial parti à la conquête de la planète Vénus s’écrase dans la mer, libérant une créature appelée Ymir…
Avis :
Dans le registre du fantastique et de la science-fiction, le cinéma des années 1950 a été particulièrement prolifique. Si bon nombre de métrages offrent une allégorie du contexte géopolitique de l’époque, il ne faut pas pour autant négliger l’importance historique de certaines productions. Pour certaines d’entre elles, elles marquent l’avènement de carrières autant prometteuses qu’exceptionnelles. Parmi celles-ci, on peut avancer le cas de Ray Harryhausen, dont le travail remarquable a constitué un véritable précédent dans le monde des effets spéciaux. Malgré une appréciation fluctuante de films sur lesquels il a officié, son rendu artistique et sa contribution sont des qualités constantes, tant l’homme fait preuve de talent et de méticulosité dans son domaine d’expertise.
À des millions de kilomètres de la Terre est la troisième collaboration entre le producteur Charles H. Schneer et le maître des effets spéciaux. Leurs précédents projets se distinguaient par une volonté dévastatrice et somme toute distrayante de malmener l’espèce humaine, a fortiori les piliers de la société occidentale. Cependant, Le Monstre vient de la mer et Les Soucoupes volantes attaquent se sont avérés des incursions relativement moyennes. La faute à une scénarisation paresseuse et un traitement maladroit. Avec le présent métrage, on renoue avec le kaiju-eiga, où la créature extraterrestre présente une croissance exponentielle, proportionnelle aux dégâts qu’elle cause.
« le travail de Ray Harryhausen force le respect. »
Sur ce point, le travail de Ray Harryhausen force le respect. On peut tout d’abord apprécier le changement d’échelle où elle reste inoffensive dans ses premiers instants. Son tempérament ne tient pas du monstre aveugle et destructeur, mais à une mécompréhension totale de son environnement. En ce sens, ses expressions faciales et son comportement tendent à l’humaniser plus que les hommes et femmes la considérant comme un monstre. Si le design d’Ymir se rapproche davantage d’un reptile que d’un hominidé, le caractère et la tonalité évoquent King Kong. D’ailleurs, la progression de l’intrigue s’en arroge les principaux éléments.
On songe à la déambulation dans la campagne italienne, sa capture, les études des scientifiques, sa fuite dans les rues de Rome jusqu’au dénouement. Il ne s’agit pas d’allusions ou de références, mais d’une retranscription presque littérale de l’histoire de Merian C. Cooper et d’Edgar Wallace. Seulement, Nathan Juran ne parvient pas à insuffler toute la portée émotionnelle de son prédécesseur. Et cela ne tient pas à Ymir lui-même qui véhicule bien plus de sentiments que le casting entier. L’écriture des personnages demeure assez facile, tout comme une progression linéaire où leurs relations évoluent dans des considérations évidentes. Au demeurant, on n’échappe pas à la romance surannée des têtes d’affiche.
« l’atmosphère méditerranéenne s’éloigne sciemment de la science-fiction traditionnelle »
Contrairement à des productions du même acabit, le contexte de la guerre froide et le patriotisme des Américains ne sont pas prépondérants. Sans doute est-ce dû au cadre, où l’action se déroule en Italie. Ce qui rend le traitement plus « exotique » que les mégalopoles américaines. À noter que l’atmosphère méditerranéenne s’éloigne sciemment de la science-fiction traditionnelle pour s’orienter vers une fantasy toute mythologique. Le patrimoine architectural de Rome et la scène du Colisée confèrent une ambiance proche des récits héroïques de l’Antiquité. Ce qui présage déjà des futurs projets de Ray Harryhausen en la matière, dont certains avec Nathan Juran.
Au final, À des millions de kilomètres de la Terre est un film intéressant, sinon essentiel dans la carrière du maître des effets spéciaux. On observe une transition subtile entre des productions qui privilégient un cadre contemporain et des idées embryonnaires propres aux légendes d’antan. Son implication dans la création d’Ymir constitue la clef de voûte du présent métrage. Au-delà d’une dimension spectaculaire, sa créature se révèle plus crédible (et vivante) que ses homologues humains. Cependant, on regrette un scénario qui se contente d’une retranscription transalpine de King Kong avec quelques occurrences de Godzilla. Il est également à déplorer une caractérisation sommaire et des séquences à l’intérêt fluctuant. Un film qui ne manque pas d’attraits, mais qui se montre trop conventionnel dans le fond.
Note : 13/20
Par Dante