février 9, 2025

Violent Cases

Auteurs : Neil Gaiman et Dave McKean

Editeur : Urban Comics/Au Diable Vauvert

Genre : Drame

Résumé :

Le narrateur se souvient… qu’enfant, après une altercation musclée avec son père, il fut conduit chez un ostéopathe. Ce dernier, prétendait qu’il avait été le médecin personnel du plus célèbre gangster du XXe siècle, Al Capone, dit « Scarface ». Entre l’Angleterre des années 1960 et le Chicago des années 1920, la mémoire du jeune garçon oscille…

Avis :

Parmi les auteurs les plus influents dans le domaine du fantastique, Neil Gaiman fait partie du haut du panier. Innovant, inventif tout en piochant des références à droite et à gauche pour mieux les digérer et proposer autre chose, ses œuvres parlent d’elle-même. American Gods, Anansi Boys, Neverwhere ou encore Sandman sont autant de chefs-d’œuvre du fantastique qui ont marqué les lecteurs. De ce fait, quand on rencontre un comic de l’auteur qui nous a déçu, on reste un peu circonspect. Car c’est bien le cas de ce Violent Cases, court récit de 44 planches qui fut écrit en 1987 avec Dave McKean au dessin, et qui fut publié pour les non lecteurs de comics, approchant une histoire sans fantastique ni super-héros, ni même monstre mythologique.

L’histoire de Violent Cases est assez particulière. Il s’agit d’un récit semi-autobiographique. La première planche nous montre Neil Gaiman qui va raconter une partie de son enfance bien particulière. En effet, alors qu’il est âgé de quatre ans, son père, en voulant le mettre dans sa chambre, lui a démis le bras. Il va alors chez un ostéopathe qui fut un proche d’Al Capone. Ce médecin, tout en guérissant Neil, lui raconte alors qui était le célèbre bandit, et ce qu’il a fait pendant une courte période de sa vie. Et cela ne va pas plus loin. Il s’agit d’un court récit de vie, partagé entre un moment dans la vie d’un gamin de quatre ans, et un moment de la vie d’Al Capone racontée par un ostéopathe un peu étrange.

Derrière ce récit un peu maigre, Neil Gaiman évoque alors les souvenirs que l’on peut avoir étant gamin. Des souvenirs fugaces, qui peuvent changer en fonction des points de vue et des moments que l’on se remémore. Par exemple, le visage de ce médecin change au fur et à mesure du récit, car le narrateur se rappelle de mieux en mieux de son visage, à force de fouiller dans sa mémoire. Bien évidemment, l’auteur y évoque aussi le temps qui passe, et les points de vue que l’on peut avoir. On passe d’un gamin qui parle de chaises musicales à un adulte qui explique comment Al Capone s’est débarrassé de la concurrence en les attachant à des chaises et en les massacrant à coups de batte de cricket. Cela permet de voir comment un enfant échappe à la dure réalité en s’imaginant autre chose.

Mais la véritable force de ce récit (mais qui peut aussi être vu comme un défaut), c’est la narration qui est complètement éclatée. En effet, Violent Cases peut être dur à suivre car on passe d’un point de vue à l’autre en quelques cases, sans qu’il y ait vraiment de transition. Parfois, on se demande même si les dialogues se suivent réellement, car on passe de temps à autre du coq à l’âne, et cela peut être déstabilisant. Bien sûr, cela amène un supplément à l’histoire, qui entremêle les souvenirs du gosse à ceux, plus précis, de l’adulte, mais c’est aussi confus, et par moments, cela ne marche pas. D’autant plus que cette tranche de vie n’est pas forcément intéressante, ou ne brasse pas de thèmes grandiloquents ou universels.

Heureusement, Dave McKean est à l’œuvre et son travail est ultra conséquent. Neil Gaiman le dit lui-même lors d’un interview autour de ce projet, il a écrit le texte, mais il a laissé Dave McKean établir la narration, l’arrangement des cases et des planches, et le résultat est détonnant. On se retrouve avec quelque chose qui confère une aura mystique à l’ensemble, tout en arpentant le chemin de l’horreur. Adepte des traits déstructurés, d’un découpage particulier, Violent Cases est à s’y casser les yeux. L’ensemble fourmille de détails, ça joue constamment avec les cases, et même au niveau des dessins, il y a une belle variation, avec des traits réalistes comme des moments plus grossiers, qui pourrait presque faire penser à du cubisme. Et c’est bien sur la forme que le comic gagne en qualité et en plaisir de lecture, plus que sur son fond.

Au final, Violent Cases est un court comic qui peine à convaincre par son histoire qui semble n’être qu’une coquille vide. Si Neil Gaiman y évoque un souvenir éthéré et intéressant autour d’Al Capone, on reste tout de même dans l’attente d’un thème fort et poignant, chose que l’auteur nous a habitués. Mais les dessins de Dave McKean sauvent les meubles, prenant à bras le corps cette narration éclatée pour mieux nous plonger dans des souvenirs qui ressemblent presque à un cauchemar délétère. Bref, on a connu Neil Gaiman en meilleure forme, mais il le dit lui-même, c’était en 1987, et cette idée est venue pour que les non-lecteurs de comics puissent en lire, s’éloignant alors de certains carcans.

Note : 12/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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