septembre 16, 2024

Almamula – Le Folklore pour Survivre

De : Juan Sebastian Torales

Avec Nicolas Diaz, Martina Grimaldi, Maria Soldi, Cali Coronel

Année : 2024

Pays : Argentine, France, Italie

Genre : Drame, Fantastique

Résumé :

Dans son quartier à Santiago del Estero, au nord de l’Argentine, le jeune Nino est régulièrement la victime d’actes homophobes parce qu’efféminé. Afin de le protéger, sa mère très croyante emmène toute la famille à la campagne pour les vacances d’été. La forêt près de la maison a la réputation d’être hantée par l’Almamula, un monstre qui, selon la légende, enlève tous ceux qui commettent des péchés charnels. Alors qu’il assiste aux leçons de catéchisme en préparation de sa confirmation, Nino se sent étrangement attiré par la forêt maudite.

Avis :

Aujourd’hui, c’est en Argentine que l’on va faire un petit tour. L’Argentine est un pays qui regorge de cinéma et par chance, nous avons le droit, plusieurs fois par an, à des films argentins qui débarquent dans nos salles obscures, ce qui nous permet de découvrir de nouveaux visages et talents. « Almamula » est le premier film de Juan Sebastian Torales, un jeune réalisateur qui a débuté à la toute fin des années 2000. Il a tout d’abord réalisé un court en 2008, « La croix« , puis il s’essayé au montage, ou encore il a été assistant réalisateur, notamment sur « Tremblements« , un film sorti en 2019 qui avait déjà quelques résonnances avec « Almamula« . Après un deuxième court en 2018, le voici donc qu’il réalise son premier film.

« Almamula » est un film étrange, car c’est un film hybride qui oscille entre plusieurs genres de cinéma. Partant sur un film fantastique pour aborder l’homosexualité en Argentine et le poids de la religion dans un pays très conservateur, « Almamula » est un film qui s’inspire d’un folklore local pour finalement peindre le portrait d’un jeune adolescent totalement perdu qui essaie tant bien que mal de se trouver et de vivre au milieu d’un environnement qui ne cesse de lui brandir le péché abominable dont il est en proie. Troublé et troublant, entre réalisme et fantastique, si « Almamula » est loin d’être un film parfait, il demeure néanmoins une très belle proposition de cinéma, qui nous présente un jeune réalisateur intéressant, aussi bien dans ce qu’il raconte que comment il le raconte.

« Entre le film fantastique et le drame humain, voire même le drame social »

Nino est un jeune garçon qui découvre petit à petit son homosexualité. Or, là où il vit, cette homosexualité est on ne peut plus difficile. Victime d’actes homophobes, car ça se voit qu’il est PD, la mère de Nino se voit contrainte de quitter la ville quelques temps pour protéger son fils. En vacances à la campagne, alors que Nino suit des cours de catéchisme, il apprend l’existence d’une légende locale, Almamula. Almamula est une jeune femme qui a commis le péché de chair et elle fut chassée du village, et Dieu l’a transformée en démon. Depuis, elle hante la forêt avoisinante et enlève tous ceux qui commettent un péché charnel. Au fil des jours, Nino se sent de plus en plus attiré par la forêt maudite et ses hormones qui ne cessent de le travailler le poussent à avoir l’envie qu’Almamula l’emmène…

Le poids de la religion face à l’adolescence, voilà de quoi Juan Sebastian Torales va nous parler avec « Almamula« , film qui se pose, en très grande partie, très autobiographique. C’est dans un parfait mélange des genres que le cinéaste argentin réalise son premier film. Entre le film fantastique et le drame humain, voire même le drame social, avec une peinture de son pays, Juan Sebastian Torales ne va pas choisir, préférant tout conjuguer pour offrir un film singulier, qui ne ressemblera à aucun autre. Mieux encore, il va y avoir une touche d’étrangeté loin d’être désagréable qui s’échappe de l’ensemble. Pourtant, lorsque l’on entre dans « Almamula« , le film présente tous les ressorts du drame, autour de l’adolescence et plus précisément d’un jeune garçon d’une quinzaine d’années, qui se découvre, et cela pose problème à son entourage.

« Il y a quelque chose de l’ordre de l’étouffement qui règne. »

Ce premier sujet, même s’il est un peu commun aujourd’hui, demeure intéressant, et à cela, Juan Sebastian Torales va lui ajouter, comme je le disais, le poids de la religion. Homosexualité et religion n’ont jamais fait bon ménage, et dans un pays où cette dernière est forte, il est encore plus difficile d’être libre. Comment vivre normalement lorsque le simple fait d’être qui l’on est, est en permanence renvoyé au péché mortel ? Comment vivre normalement lorsque l’on est en permanence jugé par ceux qu’on aime ? À ces sujets déjà délicats, le réalisateur ajoute aussi une légende tirée d’un folklore local et cette légende va évidemment parler à son jeune personnage, qui finit par presque se reconnaître en elle.

Puis à force de poids, de jugements et d’avenir sombre, il est touchant, voire plus, de voir à quel point ce personnage aurait bien envie de disparaître pour trouver un peu de répit ou ne serait-ce qu’une simple respiration. Car oui, je n’en ai pas encore parlé, mais dans son ambiance, et sa réalisation, il y a quelque chose de l’ordre de l’étouffement qui règne, un peu comme si le film restait en apnée, espérant à un moment que le personnage de Nino arrive enfin à respirer. De ce côté-là, notons un très gros travail de la part de Juan Sebastian Torales sur le son, les cadres, la lumière et l’ambiance générale du film. Film qui nous amènera vers ce final poétique, difficile, quelque peu contradictoire, et en même temps lourd de sens.

« Nicolás Díaz livre une interprétation toute en pudeur et en sensibilité. »

 
Si, dans sa mise en scène, Juan Sebastian Torales suit les codes du drame, il les mélange avec ceux du cinéma fantastique, qui va aller lorgner sur le film d’horreur, penchant même parfois du côté du cauchemar éveillé et tout cela mixé ensemble, ça donne quelque chose d’aussi étrange que captivant finalement.

Avec ce film, il faudra aussi compter sur le jeune Nicolás Díaz qui livre une interprétation toute en pudeur et en sensibilité. Le jeune acteur qui est de presque tous les plans tient le film sur ses jeunes épaules, même s’il faut toutefois noter que Juan Sebastian Torales n’oublie pas de développer les personnages qui l’entourent. Alors parfois, de ce côté-là, ça manque de subtilité ou d’explications, mais sur l’ensemble, ça reste là encore intéressant, d’autant que ces personnages sont tout en contradictions.

Ainsi donc, ce premier film pose un regard intéressant et une façon de mélanger les univers pour raconter son personnage qui ne cesse de piquer l’intérêt. S’il est vrai que le film n’offre pas toutes les réponses, et plus loin que ça, il peut même se contredire, il n’empêche qu’il reste une belle proposition de cinéma qui a beaucoup de choses à raconter, et même dénoncer. On ajoute à cela l’expérience partagée entre cinéma humain et film fantastique, lorgnant sur le film d’horreur, le tout tenu par un jeune acteur magnétique, on peut dire que ce premier film pour Juan Sebastian Torales mérite bien qu’on s’y arrête.

Note : 14/20

Par Cinéted

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