avril 30, 2024

Undiscovered Country

Auteurs : Charles Soule, Scott Snyder et Giuseppe Camuncoli

Editeur : Demcourt

Genre : Fantastique

Résumé :

Les USA sont devenues une terre mystérieuse et surtout dangereuse après s’être armée puis fermée au reste du monde, sans aucune explication, il y a plus de trente ans. Lorsqu’une équipe à la recherche d’un remède contre une pandémie mondiale franchit les frontières américaines, elle se retrouve rapidement acculée afin de lutter pour sa survie sur ce continent dorénavant perdu, étrange et mortel !

Avis :

Dans la réalité, comme dans l’imaginaire collectif, l’Amérique est la terre de tous les possibles, des fantasmes également. Du moins est-ce là l’image véhiculée par une société consumériste, dont le modèle s’essouffle inexorablement. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de continuer à se répandre aux quatre coins du globe. Les États-Unis constituent aussi un terreau fertile pour extrapoler le devenir de l’humanité à travers des récits post-apocalyptiques. Il suffit de pousser les curseurs au-delà de leur seuil de tolérance pour observer ce qu’il advient d’un pays, d’une civilisation ou d’une espèce. C’est précisément dans ce registre qu’Undiscovered Country s’insinue.

Le présent comics s’appuie sur un postulat de départ à la fois inquiétant et vraisemblable. À savoir, le repli sur soi des États-Unis et la fermeture de ses frontières ; que celles-ci soient terrestres, aériennes ou maritimes. Avec l’édification de murs et d’enclaves impénétrables, l’idée fait écho à certains discours de politiciens, ainsi qu’à des préoccupations sociétales contemporaines. En cela, les auteurs interpellent leur lectorat sur une situation mondiale où les fondements de la civilisation vacillent sur leurs certitudes. La fiction permet ainsi de donner corps à des projets théoriques dont le caractère saugrenu est néanmoins pris au sérieux. Et c’est là l’ambition de cette série d’ouvrages, à la tonalité aussi ambivalente que surprenante.

Sur fond de pandémie, on appréhende une société balbutiante, exposée à une menace virale qui semble marquer la fin de l’espèce humaine. Là encore, tout parallèle avec une situation présente ou passée n’est pas forcément fortuit, encore moins anodin. Cela sans compter sur une découpe géopolitique qui expose de nouvelles puissances mondiales, comme la zone de prospérité panasiatique ou l’alliance euroafricaine. On peut aussi évoquer un background lourd concernant les différents protagonistes, eu égard aux épreuves qu’ils ont dû surmonter. En cela, le contexte se veut nihiliste, sans grand espoir pour l’individu, comme pour l’humanité.

La seule lueur d’optimisme réside dans la découverte d’un vaccin providentiel… aux États-Unis. Teintée d’aventures, cette exploration d’une terra incognita n’est pas sans rappeler le traitement initial de la trilogie du Rempart Sud de Jeff VanderMeer. Seulement, l’incursion se rapproche davantage d’une odyssée lunaire, dans le sens où l’écosystème a profondément changé, sinon évolué. Dans l’indifférence générale, on peut croiser un bison amateur de pieds humains, un mutant auréolé de bois de cerf phosphorescents ou de poissons abyssaux reconvertis en vendeurs à l’étal. Cela sans compter sur les moyens de locomotion farfelus où une voiture peut se faire tracter par des globes oculaires carnivores, où des requins deviennent des montures.

À de nombreux égards, cette approche peut paraître déconcertante. Il n’en demeure pas moins qu’elle fourmille d’idées visuelles, de situations rocambolesques. Ce qui ne cesse d’interpeller et de surprendre, ne serait-ce qu’à travers une incertitude constante sur la nature des dangers et des règles qui régissent cet environnement. Cette richesse graphique se retrouve également dans un traitement allégorique sur l’Amérique telle qu’on la conçoit. Preuve en est avec ces nombreuses allusions et ces symboles aisément identifiables, au fil des pages. Par la même occasion, on distingue des messages patriotiques qui poussent la caricature à outrance. Ce choix reste assumé afin de rendre leur portée d’autant plus pathétique, plus creuse.

Au final, Undiscovered Country s’avance comme une incursion aussi déstabilisante que singulière, non dénuée d’ambitions narratives et visuelles. En s’inspirant des tensions politiques et sociales actuelles, le récit semble esquisser les derniers chapitres de l’histoire de l’humanité. Au-delà de la cohérence sous-jacente propre au contexte, on assiste à un voyage insolite, aux confins de l’invraisemblable où les aberrations biologiques évoluent dans un environnement aux règles physiques capricieuses. Le contraste entre les enjeux et le cadre renvoie à un délire post-apocalyptique qui aurait pu être imaginé par Lewis Carroll lui-même. En somme, une sorte de Mad Max au pays des cauchemars qui malmène autant ses personnages que la notion du concevable.

Note : 16/20

Par Dante

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