avril 27, 2024

Igorrr – Savage Sinusoid

Avis :

La musique est un univers tellement large que parfois, on tombe sur des expérimentations qui semblent bizarres, mais trouvent une cohérence assez dingue. Et ces derniers temps, ce n’est pas forcément dans le Free Jazz que l’on trouve les trucs les plus chelous, mais bel et bien dans le métal, ou plutôt dans l’électro, ou plutôt chez Igorrr. Projet complètement zinzin d’un seul homme, Gautier Serre, Igorrr fait la part belle aux expérimentations et à des voyages sensoriels étranges. Faisant plusieurs démos, puis sortant quelques albums, c’est avec Savage Sinusoid, son cinquième bébé sorti en 2017, qu’il se fait pleinement connaître. Il faut dire que signer chez Metal Blade Records est une aide substantielle, et cela va permettre au français d’inviter plein de gens autour de lui pour peaufiner un album sur quatre années. Quatre années qui accoucheront d’un bébé difforme, mais terriblement attachant.

Il faut dire que dès le premier titre, on est dans le bain. Viande pourrait presque se voir comme une longue introduction, avec un type qui hurle, et qui utilise un gros riff de Death pour apporter de la puissance. Sans aucune parole, ou tout du moins, des mots qui ont du sens, Igorrr montre de suite ses intentions de perturber l’auditeur, et de ne jamais faire dans la facilité. Ou dans des choses déjà entendues. Ieud en sera un exemple encore plus flagrant. Le titre débute avec du clavecin, instrument rare dans le métal, puis on va entendre un homme chanter une sorte de litanie, avec des mots qui ne veulent absolument rien dire. Petit à petit, le chant se transforme en cri, puis un gros beat électro prend la place du clavecin pour aboutir à un titre hybride complètement taré.

Un insert électro qui va se confronter à des riffs de métal brutaux, ainsi qu’à un chant lyrique inattendu. Le mélange des genres est incongru, perturbant, mais c’est fait avec une cohérence folle, où chaque élément est à sa place, sans aucune rupture abrupte. Il en ira de même avec Houmous (oui, moi aussi le titre me fait rire) qui démarre avec de l’accordéon, pour laisser la place à de l’électro tendance dubstep, pour vriller ensuite vers le métal. On aura droit à des cris en place et lieu de paroles, puis sur la fin, le titre part sur une musique 8bit de console de jeux. Bref, vous l’aurez compris, il s’agit d’un délire complètement assumé, mais qui trouve de la cohérence dans sa construction. Puis arrive l’un des morceaux majeurs de l’album, Opus Brain. Et là aussi, Igorrr part loin dans son délire, peut-être trop.

Le démarrage cible clairement l’électro, puis on va avoir droit à de gros riffs avant de partir vers quelque chose qui titille le lyrique avec une chanteuse à la voix enchanteresse. Néanmoins, malgré la douceur que prend le titre, on sent qu’il y a un malaise en sourdine, qui va prendre la forme d’un gros Métal qui tache, avec des riffs qui sont très proches du Death, voire du Black. Encore une fois, Igorrr nous dévore le cerveau avec ce titre, qui ne laisse indifférent. Puis Problème d’Emotion va aller vers une musique classique au piano, qui va adoucir les mœurs. Bien évidemment, comme rien n’est évident chez Igorrr, le titre va parfois partir vers des délires électros, mais cette fois-ci par petites touches qui distille une ambiance très particulière. Puis Spaghetti Forever joue sur une guitare sèche avant de partir en eau de boudin, comme d’habitude.

Et c’est peut-être là le point faible de cet album. Au bout d’un moment, il n’y a plus vraiment de surprise. On sait que le musicien va tenter des choses, nous faire vivre une expérimentation musicale, et on s’attend à ce genre de délire. A quelque part, cela crée de la lassitude. Par exemple, Cheval, et son accordéon, est un morceau dont on se doute bien qu’à un moment ou un autre, il va partir dans un délire zinzin. Et ce sera le cas avec un growl qui ne veut rien dire, puis des cris plus aigus. Apopathodiaphulatophobia sera un gros mélange de Brutal Death avec des éléments électros et lyriques, un peu comme à chaque fois. Puis les titres Va te Foutre et Robert lorgneront plus sur une musique électronique, avec une rythmique surpuissante. Enfin, Au Revoir pourrait presque être un titre « classique » avec une montée crescendo.

Au final, Savage Sinusoid, le cinquième album d’Igorrr, est une fois de plus un voyage sensoriel étrange atour d’une musique loin de toutes conventions. Il faut accepter cela pour pleinement entrer dans le délire musical, et ne pas faire un rejet massif, car ici, rien n’est vraiment évident, et tout semble déconstruit. Pourtant, on retrouve de la cohérence dans le propos, et une envie de pousser toujours plus loin les limites d’un genre unique, qui permet au français d’avoir une identité propre. Bref, il s’agit-là d’un album difficile d’accès, mais qui vaut clairement son coup d’oreille.

  • Viande
  • Ieud
  • Houmous
  • Opus Brain
  • Problème d’Emotion
  • Spaghetti Forever
  • Cheval
  • Apopathodiaphulatophobia
  • Va te Foutre
  • Robert
  • Au Revoir

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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