décembre 11, 2024

La Guerre des Mondes – Une Adaptation Tendancieuse

Titre Original : The War of the Worlds

De : Byron Haskin

Avec Gene Barry, Ann Robinson, Jack Kruschen, Robert Cornthwaite

Année : 1953

Pays : Etats-Unis

Genre : Science-Fiction

Résumé :

La population de Californie est sous le choc lorsqu’un imposant météorite s’écrase sur la surface de la Terre. Alors qu’il est en vacances, Clayton Forrester est appelé de toute urgence par les autorités. Seul ce brillant physicien peut tenter d’analyser le phénomène et aider le gouvernement à anticiper toute nouvelle catastrophe de ce genre. Observant une radioactivité anormale près de l’endroit où s’est produit l’impact, Forrester réalise que ce n’est pas une météorite qui en est la cause. Bientôt, de nombreux objets venus du ciel sont détectés et s’écrasent partout dans le monde.

Avis :

Véritable monument de la science-fiction, La Guerre des mondes demeure un incunable de la littérature. Au cours du XXe siècle, le roman a droit à diverses adaptations, tout média culturel confondu. De la pièce radiophonique d’Orson Welles aux dernières itérations télévisuelles, en passant par les bandes dessinées ou les « suites » non officielles sous forme de roman, l’œuvre d’H.G. Wells ne cesse d’inspirer des générations d’artistes. Au cinéma, il faut attendre 1953 pour que la première mouture sur grand écran se concrétise. À la production, on retrouve George Pal, déjà responsable du Choc des mondes. Film catastrophe dont les élans apocalyptiques présentent des similarités avec ce long-métrage signé Byron Haskin.

Comme d’autres projets d’adaptation, La Guerre des mondes est retranscrite dans un contexte contemporain au moment de sa sortie. On s’éloigne de la période initiale, soit la fin du XIXe siècle, pour se plonger dans l’Amérique puritaine des années 1950, plus précisément dans une petite bourgade californienne. D’emblée, on distingue de nombreuses libertés prises avec le matériau de base. Au-delà de sa temporalité ou de son cadre, l’histoire elle-même s’écarte du roman. En l’occurrence, il n’est pas question de dépeindre l’invasion extraterrestre sur fond de débandade des forces armées ou même de la survie des protagonistes.

« L’histoire se pare des atours de la bienséance, d’une vision surannée et partiale de l’existence. »

Au regard du comportement héroïque et de l’indéfectible engagement des militaires, soldats et officiers, le cinéaste s’enlise dans un portrait adulateur de la toute-puissance américaine. Au sortir d’une introduction sur fond d’images d’archives pour présenter l’évolution des conflits mondiaux du XXe siècle, il ne se cache guère de ses idéaux ou de ses convictions. Cela vaut aussi pour un discours religieux prégnant. À de nombreuses reprises, les séquences sont percluses d’allusions à Dieu et au christianisme. Il peut s’agir d’une symbolique ostentatoire, comme l’exode des populations, ou d’allégories bibliques, eu égard au livre de l’Apocalypse, au Déluge ou à la création du monde.

Dès lors, l’histoire se pare des atours de la bienséance, d’une vision surannée et partiale de l’existence. À l’écran, cela donne lieu à des séquences à l’intérêt fluctuant, voire à des réactions proches de l’absurde. Preuve en est avec la nièce du révérend au moment de la « révélation » de ce dernier, le premier contact avec les extraterrestres ou la contemplation de l’explosion atomique. Les dialogues prêtent à peu de conséquences, tant ils se révèlent creux avec des réparties stériles et des euphémismes en pagaille. De même, on occulte la séparation des protagonistes du récit original pour se cantonner à une pseudo-romance affublée de stéréotypes, sans compter des raccourcis sentimentaux aussi faciles que navrants.

« Il subsiste un divertissement prompt au spectaculaire. »

Au sortir d’un fond sans consistance, il subsiste un divertissement prompt au spectaculaire qui n’hésite pas à enchaîner les affrontements sur différents champs de bataille. Cela vaut, entre autres, pour la campagne américaine ou les grandes agglomérations. Ce qui permet d’exploiter la vulnérabilité des humains en différentes circonstances. On peut néanmoins regretter l’absence de tripodes, même si les moyens techniques n’autorisaient pas une reproduction à la hauteur de leur gigantisme dans l’imaginaire collectif. Bien que l’ensemble affiche un côté désuet sur le plan visuel et sonore, le travail sur les effets spéciaux est à saluer pour fournir une vision ambitieuse.

Au final, La Guerre des mondes s’avance comme une première version cinématographique perfectible et tendancieuse dans son discours. Byron Haskin et George Pal conservent peu d’éléments du roman de H.G. Wells. Les divergences sont telles que l’on retient uniquement l’invasion extraterrestre. Dans une certaine mesure, celle-ci symbolise la peur d’une nation étrangère, en pleine Guerre froide. Ici, ce n’est pas tant la réalisation qui se veut vieillissante. Il s’agit plutôt du fond où le puritanisme de l’époque défend les valeurs patriotiques et suprématistes des États-Unis. D’un conflit mondial, le film ne retient que le combat des Américains et du déploiement de leur arsenal militaire. Hormis l’aspect grandiloquent et spectaculaire de l’affrontement, on assiste à une œuvre surestimée où la force de la prière a raison de l’envahisseur. C’est dire le caractère dévot de la production où les louanges du Seigneur s’élèvent de son dénouement…

Note : 10/20

Par Dante

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