avril 28, 2024

Le Roi en Jaune – Robert W. Chambers

Auteur : Robert W. Chambers

Editeur : Callidor

Genre : Horreur

Résumé :

De Paris à New York, de jeunes artistes voient leur vie bouleversée par un étrange livre interdit, Le Roi en jaune. À travers celui-ci, c’est un univers de folie et de cauchemar qui fait irruption dans notre monde : celui de Hastur et de Carcosa, celui sur lequel règne le terrifiant Roi en jaune.

Avis :

Quand on évoque les prémices de la littérature gothique et horrifique, on pense immédiatement à des auteurs et autrices comme H.P. Lovecraft, Mary Shelley, Arthur Machen ou encore Bram Stoker. Il faut dire que le genre se démocratise à la fin du XIXème siècle et que certains romans sont devenus des incontournables aujourd’hui, comme Frankenstein et le Prométhée Moderne, Dracula, Carmilla ou encore L’Appel de Cthulhu. Et parmi tous ces ouvrages, il y en a un qui revient souvent, Le Roi en Jaune de Robert W. Chambers. Il faut dire que ce recueil de nouvelles aurait influencé Lovecraft, qui a eu une relation épistolaire avec l’auteur. Précédé d’une réputation plus ou moins sulfureuse, il fait partie de ces ouvrages que l’on retrouve un peu partout dans la Pop Culture horrifique, allant du jeu de société à des références dans de nombreux ouvrages. Mais est-ce si bien que ça ?

Le Roi en Jaune est donc un recueil de nouvelles, dix pour être plus précis, et on va pouvoir diviser cela en deux parties. En effet, même si ce n’est pas la volonté de l’auteur, on distingue clairement un changement de direction à partir de la sixième nouvelles. Si les cinq premières naviguent dans un genre fantastico-horrifique, par la suite, Chambers dérive doucement vers des histoires de cœur au sein d’un Paris bourgeois et bohème. Il faut dire que le roman, écrit en 1895, fait suite à un voyage dans les ateliers d’artistes de Paris, où il semble avoir connu des moments privilégiés, confrontant sa pruderie américaine à une sorte de volubilité parisienne. Ainsi donc, on va se rendre compte qu’il y a un peu mensonge sur la marchandise, qui n’est pas pleinement horreur, et qui va ralentir grandement son rythme dans sa seconde moitié.

Une seconde moitié qui peine réellement à convaincre et qui se fait très, très longue. Chambers a beau changer les personnages, on se retrouve constamment au sein de triangles amoureux, où un américain est plongé dans l’enfer du Paris bourgeois et artistique, avec des peintres et écrivains qui mènent une vie de débauche et d’insouciance. Il y a, au milieu de tout ce marasme, des femmes qui charment, et petit à petit, on voit que l’écrivain transforme ses récits éthérés en romance à l’eau de rose, genre qu’il embrassera pleinement après Le Roi en Jaune, pour ne revenir qu’une seule fois dans l’horreur au cours de sa carrière. Que ce soit La Rue des Quatre-Vents, La Rue du Premier Obus, Rue Barrée ou encore La Rue Notre-Dame des Champs, on reste dans relations mielleuses, où tout mystère a disparu.

Et ce n’est pas l’ajout d’un conflit guerrier (La Rue du Premier Obus) ou l’arrivée d’une sublime femme mystérieuse (Rue Barrée) qui feront que ce recueil replonge dans une sorte d’épouvante brumeuse. Fort heureusement pour nous, Le Roi en Jaune, c’est surtout un début tonitruant avec cinq premières nouvelles réussies et qui plonge le lecteur dans des histoires assez efficaces. En filigrane, elles sont reliées par Le Roi en Jaune, un ouvrage qui se retrouve dans certaines bibliothèques, et qui rend fou quiconque pose les yeux dessus. Ce liant est assez maigre, mais il permet de montrer la puissance des livres et de la lecture, happant complètement et pouvant transformer une personne. Chambers y évoque alors la puissance des mots, ainsi qu’un monde étrange duquel on ne revient pas. Le véritable génie consiste tout simplement à garder le mystère de cette histoire, n’y apportant que des bribes de phrases.

Certains mots reviennent alors, comme Carcosa, Hastur, qui sont des références à une nouvelle d’Ambrose Bierce, précurseur du genre. Outre le fait de maintenir l’énigme autour de ce livre, Robert W. Chambers invente des histoires qui sont inédites pour l’époque. Entre le personnage hideux qui restaure les réputations contre de l’argent, la solution siliceuse qui transforme le vivant en marbre, l’homme d’église qui apparait et disparait avec sa peau flasque ou encore le cauchemar qui devient une réalité, l’écrivain fait preuve d’une bonne imagination, et l’implante bien dans un décor inquiétant et relativement sombre. Mais la nouvelle la plus remarquable reste peut-être celle de La Demoiselle d’Ys, un récit fantomatique dans les marais bretons, où poésie macabre et horreur nihiliste se font face. C’est à la beau et effrayant et démontre bien tout le talent dont pouvait faire preuve l’auteur.

Au final, Le Roi en Jaune ne mérite pas vraiment tout cet abattage. Si le début est tonitruant et nous plonge dans cinq nouvelles passionnantes et clairement horrifiques, la seconde moitié peine à convaincre, délaissant alors l’épouvante pour aller les deux pieds dans la romance au sein d’un Paris idyllique et bourgeois. Un roman en demi-teinte donc, qui ne doit son succès qu’à Lovecraft qui a su mettre Chambers sur le devant de la scène. Et, fait assez marrant, pour la présente édition chez Callidor (qui est tout simplement sublime), on retrouve une préface et une postface qui n’encense pas vraiment l’écrivain, si ce n’est qu’à travers ce recueil de nouvelles. Enfin un peu d’honnêteté, ça fait toujours du bien.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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