Auteur : Lincoln Child
Editeur : Ombres Noires/J’ai Lu
Genre : Thriller
Résumé :
Jeremy Logan, énigmologue de renom, est appelé dans un manoir du Rhode Island pour comprendre le suicide inexpliqué de Willard Strachey, un éminent informaticien. En menant l’enquête, Logan découvre une pièce dissimulée aux sombres secrets.
Avis :
Difficilement dissociable de Douglas Preston, Lincoln Child offre de temps à autre quelques incursions littéraires en solitaire. Après les profondeurs abyssales de Deep Storm et l’exotisme de La troisième porte, on retrouve l’énigmologue Jeremy Logan pour une nouvelle aventure au pays de l’étrange. S’il était assez facile de cerner les thématiques développées dans les précédents romans, ici on reste volontairement évasif pour susciter la curiosité. Loin d’être un argument marketing maladroit et au vu du passif de l’auteur, l’on se dit que dissimuler le sujet principal sous couvert de phénomènes paranormaux ne peut qu’intriguer. Derrière un titre tout aussi obscur, le nouveau livre de Lincoln Child se révèle-t-il à la hauteur de nos attentes ?
Après une sympathique incursion présentant la dernière énigme résolue de Logan (Le monstre du Loch Ness existe-t-il ?), l’histoire tranche avec un environnement plus classique que les précédents volets. Destination Rhode Island, le plus petit état des États-Unis, pour un vieux manoir abritant un centre de recherches hébergeant des scientifiques surdouées. Dès lors, une bonne partie du récit se cantonne aux codes du huis clos avec un cadre restreint (sans pour autant être fermé) pour mener les investigations. Des circonstances étranges, des comportements qui le sont davantage et des morts inexpliquées offrent un prétexte appréciable pour se laisser prendre au jeu.
Alourdie par une atmosphère pesante, l’intrigue oscille constamment entre l’impression de modernité et un sentiment désuet propre au lieu. Mobilier, architecture et personnages semblent provenir d’une autre époque, sans doute est-ce le fait d’être coupé du monde qui en résume la cause. Sans être archaïque ou vieillot, le style de l’auteur ajoute un certain raffinement à l’histoire, à tel point qu’on croit à certains moments plonger dans un roman victorien. En ce sens, le choix de l’état du Rhode Island n’est probablement pas un hasard pour mettre en exergue un récit où le suspense arpente la lisière du fantastique. La frontière est mince surtout quand on traite de phénomènes paranormaux ou de fantômes.
Toujours est-il que la vétusté des lieux contraste avec la vivacité d’esprit où des scientifiques de renom effectuent des recherches novatrices dans tous les domaines imaginables. Par exemple, l’informatique quantique ou la force ecténique. Autant de sujets peu connus du grand public qui entre en ligne de compte dans la résolution de l’énigme centrale. Il est vrai qu’une bonne partie du livre se cantonne à faire le tour de l’institut Lux pour interroger les témoins. Cet aspect répétitif s’oublie assez vite étant donné que les dialogues se révèlent accessibles et entraînants. Lors de la progression, on s’octroie même quelques sorties en dehors du manoir pour élargir le champ des recherches.
Le rythme, lui, se montre assez timoré quand il s’agit d’implanter quelques péripéties et autres scènes d’action. Projet Sin privilégie avant tout la réflexion et l’exercice cérébral pour démêler le nœud du problème. Au regard des maigres éléments de départ, la structure du livre se jalonne de révélations éparses afin de ménager le suspense. Étant donné que ces dernières arrivent au compte-gouttes, on se rapproche grandement d’une enquête policière classique. D’ailleurs, les méthodes méticuleuses (esprit analytique, objectivité, rigueur dans les interrogatoires…) de Logan sont similaires sur bien des points à celle d’un policier ou d’un détective privé.
Au final, Projet Sin confirme l’originalité des aventures de Jeremy Logan. Des thématiques peu mises en avant, un mystère en apparence insoluble et une narration entraînante confèrent à ce thriller aux frontières du fantastique un sentiment d’étrangeté. Chaque élément, chaque fait, contribue à épaissir un peu plus cette ambiance sombre, presque angoissante, qu’on retrouve surtout dans les récits du XIXe siècle. Avec une certaine habileté, Lincoln Child parvient à conjuguer l’efficacité d’une histoire bien construite à une singulière façon d’appréhender les avancées scientifiques. Coincé entre la modernité des propos et le charme désuet du cadre (le maniérisme des protagonistes y est aussi pour beaucoup), il en ressort un livre intrigant qui n’hésite pas à solliciter l’intelligence du lecteur.
Note : 16/20
Par Dante