octobre 23, 2025

Les Enquêtes de l’Aliéniste T.01 – La Chambre Mortuaire – Jean-Luc Bizien

Auteur : Jean-Luc Bizien

Editeur : L’Archipel

Genre : Thriller, Polar

Résumé :

Paris, juillet 1888.  Un cadavre disparaît de la morgue, un autre corps est retrouvé, nu, sur les pavés après une chute vertigineuse. Surviennent, bientôt, de nouvelles morts suspectes. L’inspecteur Desnoyers, flanqué de son adjoint Mesnard, qui applique les techniques les plus modernes, hante les rues sombres de la capitale. Il y démêlera les fils d’une conspiration qui le mène au Dr Simon Bloomberg, aliéniste à la réputation sulfureuse… que l’on dit plus dangereux encore que ses patients !  Et que penser de cette jeune Anglaise, Sarah Englewood, tout juste engagée par Bloomberg ? Dans ce Paris où le spiritisme côtoie la science, où les esprits les plus cartésiens s’adonnent à l’absinthe, l’alcool qui rend fou, Desnoyers vacille : doit-il collaborer avec Bloomberg ou, au contraire, tout faire pour confondre le ténébreux aliéniste ? Une à une, les découvertes morbides le rapprochent de la vérité… mais aussi du danger.

Avis :

Le domaine du polar historique offre des enquêtes particulièrement bien menées. À l’image des affaires de Max Liebermann ou de Valentin Verne, on retrouve un contexte fouillé pour mettre en scène des investigations pleines de subtilités. Au travers d’une période minée par les ingérences politiques ou les mouvements velléitaires de l’époque en question, on peut apprécier des récits maîtrisés, immersifs. Ceux-ci sont portés par une narration soignée et la caractérisation des personnages. Au terme des années 2000, Jean-Luc Bizien s’insinuait dans ce registre avec La Chambre mortuaire, même s’il ne bénéficiait pas de la visibilité à laquelle il pouvait prétendre. Près de 15 ans après la sortie, le tir semble corrigé avec une réédition de qualité.

L’histoire prend place à la fin du XIXe siècle. Le choix de l’année 1888 ne paraît pas anodin, bien que la symbolique se situe outre-Manche avec les assassinats de Jack l’Éventreur. Si l’affaire ne possède aucun rapport avec ce qui nous occupe dans le présent ouvrage, on peut toutefois y distinguer une occurrence dans le contexte et la manière de présenter le cadre. Au regard du climat social et de l’immersion progressive dans les bas-fonds parisiens, le parallèle demeure assez évident. L’histoire nous convie plus à un huis clos qu’à une incursion dans des quartiers malfamés ou huppés. Tout dépend des circonstances. Il n’en reste pas moins une atmosphère palpable, dépeinte avec rigueur.

Si l’on pouvait s’attendre à une enquête policière classique, l’approche initiale vient contredire cet a priori. Certes, il y a bien de sombres préoccupations criminelles qui monopolisent les forces de l’ordre. Elles sont néanmoins en filigrane du point de vue principal. À savoir, le quotidien d’une domestique sans-le-sou, dont la curiosité amène à reconsidérer son statut et sa place au sein de la demeure de son employeur. On va alors s’interroger sur la potentielle responsabilité de ce dernier. Cela permet de jouer sur la teneur des faits, les indices qui tendent à attester de son implication dans la disparition fortuite de cadavres et, plus tard, les crimes perpétrés.

Avec mesure et sans suggestion extrapolée, l’auteur entretient le doute et la culpabilité du protagoniste sur ces morts étranges. Le fait d’y distinguer une accointance évidente avec des « aliénés », de s’affranchir de considérations morales et d’un anticonformisme inhérent à sa profession contribue à rendre l’issue incertaine. En dépit de l’enrobage marketing qui augure d’autres aventures, le déroulement de l’histoire reste bien mené. On songe à ces incursions fortuites pour pister l’objet de toutes les suspicions, à ces recherches au sein d’une demeure dont l’architecture et l’agencement interpellent. En l’occurrence, l’appellation de maison-pyramide n’est guère usurpée.

Au fil d’une narration dont le rythme ne faiblit guère, on peut aussi apprécier une belle gestion du suspense. Là encore, on ne se focalise pas forcément sur la véracité des faits, mais sur le degré d’implication et la perspective du protagoniste. Ce qui accentue la singularité du propos, délaissant tout manichéisme pour susciter de la perplexité auprès du lectorat, et ce, jusqu’au dénouement. Le soin apporté à la caractérisation et à l’exposition de personnages aux motivations et parcours différents vient renforcer cette impression. Dès lors, il est d’autant plus compliqué de démêler le vrai du faux. Ce qui, en l’occurrence, demeure appréciable pour un genre éculé où il est difficile d’innover.

Au final, La Chambre mortuaire constitue un premier tome convaincant des enquêtes de l’aliéniste. Là où l’on aurait pu s’attendre à une itération sommaire d’une période maintes fois évoquée, on y distingue une approche singulière, plus intimiste. Cette considération tient au choix d’un huis clos qui met l’accent sur le mystère d’une maison pas comme les autres. On a beau s’échapper au travers de quelques incursions extérieures dans des quartiers peu avenants de la capitale, il subsiste une sensation de prise au piège entêtante. Il en ressort un polar historique de qualité qui s’affranchit des fondamentaux de ses homologues pour imposer sa propre identité. Maîtrisé et prometteur pour les tomes à venir…

Note : 16/20

Par Dante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.