Auteur : David Forrest
Editeur : Bragelonne
Genre : Thriller
Résumé :
Arcames, petit village pittoresque et sans histoire… ou creuset d’une secte apocalyptique préparant l’indicible ?
Ici, l’on se tait, et l’étranger est suspect. Charles Dyer, arrivé au village sous couverture, à la recherche de la femme qu’il aime, disparue mystérieusement, n’hésitera pas à fouiller les zones d’ombres, quitte à réveiller de terrifiants et souterrains secrets.
Pourra-t-il compter sur l’aide des services de police judiciaire, ou ont-ils eux aussi des motivations inavouables ?
Avis :
Lorsqu’on songe aux œuvres d’inspiration lovecraftienne, les Anglo-saxons n’ont pas leur pareil pour rendre hommage au maître de Providence. Il ne fait aucun doute que cet engouement et cette passion ont touché l’hexagone de bien des manières. Force est de reconnaître que les projets tiennent plus de nouvelles traductions et d’ouvrages formidablement illustrés que de récits originaux, a fortiori quand on parle de romans et non de nouvelles. Connu pour ses livres numériques qui explorent les domaines du thriller et du fantastique, David Forrest déterre une de ses anciennes histoires qui devaient se concrétiser sous la forme d’une série télévisée.
Faute de producteurs enthousiastes et de moyens suffisants, Esoterre a dormi pendant près de six ans avant de ressurgir sous la forme d’un roman. L’auteur a conservé une structure épisodique semblable à une série, distillant avec parcimonie les éléments propres à générer suspense et mystère. Le plus souvent, les deux simultanément. D’emblée, il en ressort une trame énergique qui multiplie les coups de théâtre, les retournements de situation et autres effets de manche qui trouvent pleinement leur justification. Du début à la fin, la progression est un modèle de maîtrise et de constance.
Si l’on considère le mythe lovecraftien comme universel, peu d’intrigues se déroulent en France, notamment en plein cœur de l’Auvergne. Cela peut paraître saugrenu de prime abord, il n’en demeure pas moins un développement de l’ambiance aussi sensible que psychologique. D’un mystère initial que l’on pense couru d’avance, l’histoire débute avec une touche intimiste proche d’un huis clos en milieu rural. À la fois perdu et désolé, on découvre progressivement des apparences qui s’étiolent bien vite. L’une des grandes qualités du livre est de parvenir à se renouveler tout en se montrant crédible dans son évolution.
La portée des tenants s’étend bien à d’autres sphères (dimensionnelles) qui offrent un regard différent sur ce que l’on a pu appréhender jusqu’à présent. Non pas que l’on s’éloigne des intentions de départ, mais les conséquences tendent davantage vers des considérations globales. En privilégiant cet aspect un rien grandiloquent et néanmoins très ambitieux, l’auteur réussit à insuffler toute la profondeur de son imaginaire dans un récit aux fondamentaux classiques et aux aboutissants inattendus. La vision dépeinte est donc clairement axée sur l’originalité et une force de description aussi incisive que pertinente.
Même le côté fantastique surprend par quelques intermèdes historiques où la cohésion entre différents mondes parallèles dantesques et créatures dégénérées qui investissent notre réalité est réelle. Loin d’épaissir inutilement l’ouvrage, cela apporte une dimension supplémentaire, presque tentaculaire. Étant donné qu’il s’agit d’une première « saison », certaines questions demeurent en suspens, tandis que d’autres trouvent une résolution qui amène à d’autres interrogations. Là encore, le sentiment est similaire à celui que l’on éprouve quand on découvre le dénouement d’une bonne série.
Au final, Arcames est un premier tome qui remplit son cahier des charges de fort belle manière. Esoterre ne fait pas dans la surenchère pour le simple plaisir de multiplier les cliffanghers à chaque fin de chapitre. Le livre de David Forrest trouve ici une continuité toute naturelle dans un univers inspiré de Lovecraft, tout en préservant son indépendance et sa singularité. Très facile à lire, le style d’écriture percutant se ponctue de quelques réparties cinglantes, ainsi que d’allusions à Légion, autre ouvrage de l’auteur. Une incursion réussie et pour le moins addictive d’un feuilleton littéraire qui s’impose comme une excellente surprise.
Note : 16/20
Par Dante